
«La Bonne Conduite» de l’autodérision suisse
Depuis quelques jours, un film secoue de rire et d'émotion les salles romandes : «La Bonne Conduite», documentaire du jeune cinéaste lausannois Jean-Stéphane Bron. Une oeuvre qui scrute les relations élèves/moniteurs dans des voitures d'auto-école.
Depuis quelques jours, un film secoue de rire et d’émotion les salles romandes : «La Bonne Conduite», documentaire imparable du jeune cinéaste lausannois Jean-Stéphane Bron (photo). Une oeuvre d’à peine une heure qui scrute les relations élèves/moniteurs dans des voitures d’auto-école et qui fait des cockpits un lieu de promiscuité où la Suisse se découvre une autodérision.
Depuis que la comédie belge «Les Convoyeurs attendent» est arrivée sur les écrans, une plainte monte des fauteuils de cinéma : pourquoi les Suisses ne parviennent-ils pas à produire pareilles comédies aigres-douces? Pourquoi neuf films helvètes sur dix semblent si déconnectés de la réalité sociale, géographique et économique d’ici? Le pays n’a-t-il donc aucun sens de l’autodérision? Jean-Louis Porchet, coproducteur lausannois des «Convoyeurs attendent» – sa compagnie, CAB Productions en est même à sa huitième collaboration avec la Belgique – répond tout simplement que la Suisse est un pays trop beau pour la nostalgie, le rire ou les larmes. «Essayons donc de faire «Les Convoyeurs…» à Verbier», conclut-il.
L’autodérision. Considérant que, dans ce mot étranger au vocabulaire suisse, il y a «auto», le jeune Lausannois Jean-Stéphane Bron est allé y pêcher la solution. Celle de l’auto-école. Après «Connu de nos Services», évocation de l’affaire des fiches et de l’activisme soixante-huitard, il a littéralement conquis le dernier Festival de Locarno avec cette plongée dans une autre sphère mystérieuse: le cockpit et la promiscuité physique imposée par l’étroitesse du lieu. Moins explosif que le zèle de la police secrète? Rien n’est moins sûr : «La Bonne Conduite» scrute durant une heure, grâce, notamment, à une caméra grand angle placée en toute discrétion à l’avant du cockpit, les confidences moniteur-élève. Un rapport privilégié qui se noue entre Suisses et étrangers (les uns moniteurs, les autres élèves ou le contraire) et qui, loin de la philosophie de comptoir, cristallise la jalousie, l’intolérance, la complicité ou le karma qui lie soudain deux êtres que les impératifs du service des routes ont fait se rencontrer.
Le public ne s’y trompe pas : les quelques séances qui projettent le film en Suisse romande sont absolument jouissives, le public exprimant bruyamment son plaisir à se voir ainsi croqué.
Thierry Jobin
«La Bonne Conduite», documentaire de Jean-Stéphane Bron (Suisse 1999). Actuellement projeté aux Galeries du cinéma à Lausanne

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