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La flamme de Muma Soler illumine Barcelone

Quelques illuminations de l'artiste Muma Soler lors d'une performance à Barcelone. Jacques Bétant

Dimanche soir, Muma Soler, l'artiste suisso-catalan illuminait le quartier gothique de Barcelone. A son service, des milliers de volontaires et de bougies pour dessiner une sculpture lumineuse courant le long des vieilles rues. Reportage.

Cent vingt mille bougies posées sur le pavé, qui brillent la nuit en plein air, c’est un peu le firmament qui s’invite sur terre. Comme autant d’étoiles qui scintillent, elles éclairent, en cette soirée du 26 avril, les rues de la Ribera, le quartier historique de Barcelone.

Passé gothique et présent vivent un instant à la lumière des flammes qui dansent. Nombreux sont, dans ce quartier bigarré, les monuments du Moyen-âge qui cohabitent aves les bars design et autres tavernes aux effluves de poisson.

1170 volontaires

Il est 21h, et depuis deux heures déjà les 1170 volontaires engagés pour l’ambitieuse performance «Encenguem la mar» (en catalan, «Allumons la mer ») s’activent. Ils ont placé les bougies dans de petits photophores qu’ils ont ensuite disposés sur le pavé en suivant un tracé dessiné à la craie.

Autour d’eux, il y a des passants surpris, beaucoup de touristes qui font des photos, mais aussi un public avisé venu assister à cet événement que prépare depuis plus d’une année Muma Soler. L’artiste catalan, établi à Lausanne depuis 1986, est le concepteur d’«Encenguem la mar». Une performance qui lui a coûté «quatorze voyages à Barcelone, confie-t-il, et soixante jours de travail sur place».

Les volontaires, c’est lui qui les a recrutés patiemment. Il est parmi eux ce soir. On le regarde donner ses instructions. Il court à droite et à gauche. On le perd de vue puis on le retrouve sur le Passeig del Born, le cœur du quartier de la Ribera, où maintenant l’allumage est terminé. Où prend forme une magnifique sculpture lumineuse qui s’apparente à des corps de sirènes couchés sur du sable, comme déposés là par la mer.

La mer déclinée

En changeant de rivage, on se retrouve devant l’église Santa Maria del Mar, imposant édifice de style cistercien, construit au XIVe siècle. C’est l’église des marins. Là, juste en face, sur une petite place charmante, les bougies ont épousé le mouvement des flots. Ne manquent que les barques, qu’on a cru apercevoir dans le reflet des flammes, et qui ne tarderont pas à trouver un lieu d’amarrage dans la rue de l’Argenteria festonnée de vagues. A moins que ce ne soit des criques dont les contours sont délimités par la cire qui fond.

Décliné sous toutes ses formes, le thème de la mer parcourt la manifestation. Muma Soler l’a voulu comme une illustration de ce qu’il appelle «l’ailleurs». «Un ailleurs que l’on regarde avec curiosité, ça peut-être une personne, une culture, une technologie, un objet…, nous explique l’artiste quelques heures avant la performance. Tout ce qui est venu de loin fut, au cours des siècles, bon à prendre pour Barcelone».

Ouverte sur le large, la capitale catalane va, aujourd’hui, au-delà de son passé. Autrefois, le quartier de la Ribera abritait les palais de l’aristocratie locale. Aujourd’hui, il vibre au bruit des restaurants, des boutiques et même des épiceries tenues la plupart par des Asiatiques.

Flux

«Ici, raconte Muma Soler, les étrangers sont intégrés. C’est comme en Suisse. Il n’y a pas de ghetto. L’ailleurs, ou «l’Autre» si l’on préfère, n’est pas forcément une menace. Le brassage des cultures est plutôt un enrichissement que j’ai voulu éclairer à Barcelone, comme je l’ai fait à Lausanne en 2006 dans une performance similaire intitulée « Allumons Lausanne ».

Le thème choisi pour la Suisse était alors le maillage. Pour Barcelone, ce sera la vague. Un motif que l’on peut voir comme l’emblème architectural de la ville. On le retrouve d’ailleurs sur quelques façades de célèbres édifices barcelonais conçus par Antonio Gaudi, comme La Pedrera ou la Casa Batilo.

La vague donc et son pendant sémantique, le flux. Flux migratoire pour Muma Soler, pèlerin dans ce vaste monde, qui, un jour, en parcourant la planète à bicyclette («seize mois de voyage», précise-t-il), s’est arrêté en Suisse. Il y a fait la connaissance de sa future épouse et y est resté.

A Lausanne, il tient un atelier, où il peint également. Une exposition de ses tableaux sera d’ailleurs présentée, à partir du 8 mai, à la Galerie lausannoise de l’Univers.

Mais Muma Soler est connu surtout pour ses sculptures lumineuses. Lui, préfère le nom de «sculptures sociales», un peu en hommage à l’artiste allemand Joseph Beuys dont il s’inspire. «Beuys, dit-il, est l’inventeur de ce concept qui me plaît beaucoup parce qu’il engage, dans son mouvement artistique, une interrogation sur un travail collectif mené par des personnes venant de différents horizons».

A Barcelone, les 1170 volontaires appartenaient à différents corps de métier. Certains ont été recrutés auprès des associations de quartier. Sur leur dos, on pouvait lire en catalan «voluntaris». Sur leur visage passait la lumière de la joie et des flammes.

swissinfo, Ghania Adamo, à Barcelone

Cinquième d’une famille de onze enfants, il est né à Barcelone en 1957.

Arts. Après le baccalauréat, il étudie à Barcelone la musique et franchit les premiers pas dans le monde de la peinture.

Lausanne. En 1986, il s’installe à Lausanne et entre à l’Université où il suit des études d’Histoire de l’art, puis rejoint l’Ecole Cantonale d’Art de Lausanne où il s’initie à la gravure.

Expositions. A partir de 1991, il commence à exposer ses travaux d’artiste.

Tournant. Mais c’est autour du projet «Réflexions sur l’eau», réalisé en 1994-95, qu’il faut situer le premier tournant de sa vie professionnelle. C’est aussi l’époque où la Ville de Lausanne lui achète 8 pièces (décoration de la STEP).

Sa double formation et sa vive curiosité lui permettent d’établir des ponts avec le monde des lettres.

Urbain. Un deuxième tournant s’annonce en l’an 2000 avec des performances de grande envergure qui mettent l’art au centre de l’espace urbain.

Bougie. Ses projets se déclinent alors en sculptures lumineuses dont l’élément de base est la bougie.

Performances. Naîtront ainsi, en Suisse, en France et en Espagne, plusieurs performances dont «Encenguem Girona» (2003), «Allumons Assens» et «Allumons Vallauris» (2004), «Allumons Lausanne» (2006), «Le Jardin des lumières», Musée National Suisse, Prangins (2008). Et enfin «Allumons la mer», (Barcelone, 2009).

Succès. Sa réflexion sur le lien social et les rituels collectifs trouvent dans ses performances un terrain de prédilection et lui apportent un succès croissant et une renommée internationale.

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