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Le conte, une manière de (re)plonger dans le vivant

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Du 20 au 29 septembre, Fribourg présente le 2e Festival international du conte et la 1re exposition en Suisse sur le «patrimoine culturel immatériel». Ce dernier fait l'objet d'une convention de l'Unesco que la Suisse vient de ratifier.

«L’année dernière, notre festival a attiré 5000 personnes. Les nouvelles technologies n’ont donc pas tué le plaisir de se réunir pour écouter et raconter.» André Dembinski, doctorant en anthropologie sociale et organisateur du Festival international du conte, est optimiste.

Pour sa 2e édition, le festival fribourgeois présente seize conteurs. De grands noms, tels le Français Henri Gougaud, le cinéaste et conteur tunisien Nacer Khemir, mais aussi des Africains et des Suisses, y compris en dialectes alémanique et tessinois. Certains s’adressent aux enfants, d’autres aux familles, d’autres encore aux adultes avec des contes érotiques.

Immatériel mais vivant

«Entre commedia dell’arte et théâtre classique, le conte fait son chemin. N’a-t-il pas une place de choix au Festival d’Avignon ?», assure André Dembinski, qui est aussi fondateur de l’Institut suisse de l’héritage intangible et directeur du «Musée qui raconte des histoires».

Selon lui, les festivals offrent un espace de choix à la tradition orale et aux biens immatériels: «Outre le conte, ils offrent diverses formes d’expression corporelles, comme le chant, la danse, la parole ou l’artisanat.»

Ces domaines ont reçu un coup de pouce de l’Unesco, qui a adopté en 2003 la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI), sur le modèle de celle de l’architecture et des sites naturels, adoptée en 1972.

Le PCI, ce sont ces choses qui font partie de la vie et de l’identité d’une communauté. Il inclut «les pratiques, les représentations, les connaissances et le savoir-faire, les expressions et les traditions reçues de nos ancêtres et transmises à nos descendants», précise l’Unesco.

Une liste du patrimoine vivant

Concrètement, il s’agit d’identifier les biens qui seront distingués dans une «Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité». Cette liste inclut par exemple les marionnettes indonésiennes, qui font, en marge du festival de Fribourg, l’objet d’une exposition, la première du genre en Suisse.

«Ombre et Lumière» présente le théâtre Wayang-Kulit de Bali. Certifié depuis le 11e siècle, le théâtre d’ombre «plonge dans la mythologie et les épopées traditionnelles, mais continue de vivre car il est resté très populaire et se transforme en permanence», explique André Dembinski.

Et en Suisse?

Et en Suisse? Notre expert cite la Bénichon: «Cette fête traditionnelle du début de l’automne dans le canton de Fribourg, avec banquets et bals, est un rituel collectif.»

André Dembinski privilégie la notion de «patrimoine vivant»: «Transmis entre générations, il est source de la diversité culturelle et procure aux communautés un sentiment d’identité et de continuité.»

Ratifié en mars dernier, le texte de l’Unesco sera appliqué en Suisse dès le 15 octobre. L’artisan de ce processus est David Vitali, responsable des affaires internationales à l’Office fédéral de la culture (OFC).

En ces temps de menaces bien matérielles, à quoi sert ce nouveau «machin» onusien? «Pour l’instant, c’est assez flou, reconnaît M. Vitali. Notre première tâche sera de dresser l’inventaire du PCI et, surtout, de faire un travail de sensibilisation à ces richesses fragiles auprès des cantons, responsables de la conservation du patrimoine, et de la population. Puis de créer des structures et de collaborer avec les organismes existants.»

Plus concrètement David Vitali cite l’artisanat: «Ce sont des savoir-faire spécifiques de notre terroir et qu’il serait grave de laisser perdre».

C’est aussi ce que pense André Dembinski: «En fait, nous devons jeter un regard nouveau sur ce qui fait tellement partie de notre environnement quotidien que nous ne savons même pas qu’il s’agit de culture vivante.» Au niveau institutionnel, le problème c’est que même les conteurs ne peuvent déposer de dossiers, puisqu’ils improvisent.

Culture vivante, oui, nostalgie, non

Première concrétisation de cette visibilité à (re)conquérir, le Festival du conte de Fribourg bénéficie cette année du soutien de Pro Helvetia. «Nous ne correspondions à aucune catégorie de la Fondation suisse pour la culture, mais elle nous a classés avec la littérature et offert une aide à quatre participants suisses», se réjouit André Dembinski.

Le directeur de Pro Helvetia est bien conscient des difficultés de définir ce patrimoine. «Nous n’avons ni les spécialistes ni les moyens pour effectuer un travail de conservation. Par contre, nous pouvons soutenir ceux qui vont plus loin et revitalisent l’héritage immatériel», déclare Pius Knüsel.

Et le folklore? Ne sert-il pas souvent de ciment aux communautés suisses de l’étranger du monde entier? Ne contribue-t-il pas au sentiment d’identité et d’appartenance des Suisses?

«C’est tout le problème posé par la culture populaire, répond Pius Knüsel. Il y a suffisamment d’institutions de conservation du patrimoine. Pour nous, il ne s’agit pas de faire de l’avant-garde mais il faut quand même qu’il y a ait une dynamique et une volonté d’innovation».

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Le 1er Festival international de conte de Fribourg a attiré plus de 5000 personnes du 1er au 9 septembre 2007.

Cette année, il se tient du 20 au 29 septembre et réunit 16 artistes internationaux dans des spectacles pour petits et grands. Avec conférences et tables rondes.

Il est accompagné de la 1re exposition en Suisse de patrimoine culturel immatériel sur le théâtre d’ombres indonésien Wayang Kulit. A voir du 8 au 28 septembre à Fribourg Centre.

L’édition 2009 aura lieu du 4 au 10 mai à Fribourg

Le Patrimoine culturel immatériel (PCI) regroupe les traditions et expressions orales (la langue), les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ainsi que les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

L’Unesco a adopté la Convention pour la sauvegarde du PCI en 2003. Elle est ratifiée par plus de 75 pays. Elle a été ratifiée en mars 2008 par la Suisse et entrera en vigueur le 15 octobre.

Ce texte a donné lieu à la création d’un répertoire électronique pays par pays et à la «Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité».

La mission du musée qui raconte des histoires et de l’Institut Suisse de l’Héritage Intangible consiste à établir une plate-forme multidisciplinaire pour les recherches sur la tradition orale et le patrimoine culturel immatériel (PCI) dans un but de conservation et de transmission aux générations futures.

Il développe par exemple une base pour l’identification, l’étude et l’archivage du PCI.

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