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Le corps à nu

«Tulips, 2002» de Christian Vogt (coll. privée). swissinfo.ch

En ces périodes estivales, le Photoforum Pasquart enlève le haut et le bas: l’exposition «Nu…» est à voir jusqu’au 10 août.

Environ 120 images y sont réunies, et autant de façon d’envisager la chair.

L’été est chaud, et la nudité, ou la quasi-nudité, omniprésente. Sur les plages comme dans les rues, en chair et en os ou en images… Quelques récentes campagnes publicitaires («It’s string time!») ont d’ailleurs beaucoup fait parler d’elles.

Et voilà que le très artistique Photoforum PasquArt, à Bienne, apporte sa pierre à l’édifice avec une exposition sobrement intitulée «Nu…». Notez en passant le point de suspension, lourd d’émotions sous-jacentes!

En un long couloir et quelques salles, c’est donc une large centaine de corps qui vous accueillent. Certains lisses et offerts. D’autres usés et fripés. Des corps de femmes, des corps d’hommes. Images en noir-blanc ou en couleur. Parfois sépia, car le nu, en photographie, ne date pas d’aujourd’hui.

Images singulières

«Nu…» n’est pas pour autant un parcours historique, comme l’explique Daniel Müller, nouveau directeur des lieux: «On n’a pas essayé de réaliser une coupe transversale du phénomène du nu dans la photographie.»

«L’idée des commissaires, Eric Gentil et Heini Stucki, était de faire un choix d’images singulières. Eviter les icônes traditionnelles et montrer des images qui ont un point de vue… de biais».

Des icônes, il y en a tout de même quelques-unes: des images d’Henri Cartier-Bresson, et aussi de Man Ray, notamment des portraits de Meret Oppenheim.

On trouve également quelques témoignages d’un passé plus lointain: collection de cartes postales montrant des dames dénudées, ou photos «ethnographiques» de femmes africaines aux seins nus. L’ethnographie avait d’ailleurs bon dos, et le regard du photographe-ethnologue n’était pas nécessairement que scientifique.

Images contemporaines

A part dans quelques cas, assez rares, c’est bien le désir qui est au cœur de cette exposition. Ainsi, quand la jeune photographe Léonore Robert signe une série intitulée «Chambres d’hôtel», et selon Daniel Müller, «crée un rapport intime entre l’espace et le corps humain», c’est une profonde sensualité qui émane des images.

Les «Tulips» de Christian Vogt, dans le cadre désexualisé d’une cuisine, ne semblent que mieux mettre en valeur la petite rose tatouée que porte la jeune femme sur son sein gauche.

De jolies fesses émergeant de l’eau, tirées de la série «Culs» (1970) d’Henriette Grindat ne suscitent pas qu’une réflexion artistique. Et quand Olivier Cristinat donne dans la nudité en couleur, il flirte de très près avec la pornographie.

L’approche des photographes, en matière de nu, ne flotte pas que dans des brumes strictement conceptuelles. Et même quand l’approche artistique est là, c’est notre insatiable curiosité à l’égard du corps, et donc le désir, qui est en cause.

L’art est parfois un prétexte. Comme l’ethnographie. Ou la religion, puisque malgré la culpabilité judéo-chrétienne à l’égard du corps, la nudité a largement été exploitée par l’art religieux.

Va-et-vient



Depuis les années 70 et la révolution sexuelle, et grâce ou à cause d’une pornographie qui montre tout, qui dit tout, on peut avoir l’impression d’être allé au bout de la représentation du corps. Mais les choses ne sont pas aussi claires: «C’est un mouvement de va-et-vient», constate avec à propos Daniel Müller.

«On ne s’émeut plus beaucoup en voyant une photographie de Nan Goldin présentant un homme qui se masturbe. Par contre, on aura une autre sensibilité par rapport à un enfant nu, à cause de toute la médiatisation qu’il y a eu autour du problème de la pédophilie. Il y a donc une question d’époque, de tolérance par rapport à la représentation du corps.»

Pour ce survol charnel, les commissaires de l’exposition sont allés puiser des images auprès de différents photographes en activité, mais aussi à la Fondation suisse pour la photographie à Winterthour, dans la Collection de Charles-Henri Favrod (l’ancien directeur du Musée de l’Elysée à Lausanne), et auprès de la Ville de Bienne, qui possède une importante collection photographique.

swissinfo, Bernard Léchot

– Le Photoforum PasquArt a été fondé en 1984 par Francis Siegfried.

– Selon Daniel Müller, qui en sera le nouveau patron dès le 1er août, il est devenu «une plate-forme importante de la photographie en Suisse, à mi-chemin entre le Fotomuseum de Winterthur et le Musée de l’Elysée à Lausanne.»

– Cherchant à promouvoir les découvertes en matière d’images, le Photoforum PasquArt espère développer les échanges avec des institutions comparables, en Suisse et à l’étranger, et faire de Bienne un pôle majeur de la photographie.

– L’exposition «Nu… » est à voir jusqu’au 10 août.

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