
Le sacre du printemps, Bausch ou Béjart?

Le Sacre du Printemps est l'une des deux pièces du spectacle de Pina Bausch, interprétée au Grand Théâtre de Genève.
Mais quelles sont les différences entre la version de la chorégraphe allemande et celle du Maître lausannois, Maurice Béjart ?
Les plus grands créateurs se sont essayés, une fois ou l’autre, à esquisser un ballet sur la partition musicale du Sacre du Printemps, de Stravinski.
Car, pour le spécialiste lausannois Jean-Pierre Pastori, «le Sacre du Printemps est une œuvre clef du 20e siècle». Et, poursuit-il, «les deux versions chorégraphiques les plus connues et reconnues en Europe sont incontestablement celles de Pina Bausch et de Maurice Béjart».
Le Sacre, au gré des années
Commandité par Serge de Diaghilev, le directeur des Ballets russes, l’œuvre a été créée en 1913, au théâtre des Champs-Elysées, à Paris. Son interprétation déclencha un véritable scandale. Bon nombre d’auditeurs ne virent alors dans cette partition qu’un insupportable chaos.
Sur le plan chorégraphique, les deux plus importantes versions du Sacre du Printemps trouvent d’abord leur différence dans le temps. Celle de Maurice Béjart date de 1959, celle de Pina Bausch de 1975.
«Pina Bausch, dans sa création, s’est distinguée notamment en déversant des tonnes de tourbe sur scène. S’ensuivit, de toute évidence, un rapport différent entre les mouvements des danseuses et danseurs, pieds nus, sur et avec la terre à pétrir», constate le journaliste lausannois.
Expressionnisme allemand
Pina Bausch a quasiment inventé le théâtre dansé ou la danse-théâtre, comme le rappelle Jean-Pierre Pastori: «La chorégraphe a pris racine dans l’expressionnisme allemand, auprès du Maître, Kurt Joos».
«La version de Béjart, elle, repose beaucoup plus sur une base de danse classique. Même si son travail revêt une tendance contemporaine. En outre, le travail du chorégraphe lausannois touche aux plus infimes détails. La danse est pour ainsi dire plaquée sur la partition musicale. Alors que, chez Pina Bausch, il y a beaucoup plus de liberté par rapport à la musique de Stravinski».
Et cela, que ce soit sur le plan du style, de la technique ou de la pensée. «Nous irons jusqu’à dire qu’il y a plus de sauvagerie dans la version de Pina Bausch que dans celle de Maurice Béjart», commente Jean-Pierre Pastori.
Avant de poursuivre: «Si Pina Bausch a autant touché le grand public, c’est parce la chorégraphe allemande a toujours fait du grand spectacle avec des mises en scènes et des scénographies superbes».
Oeuvre magistrale
Reste que les deux versions débordent d’inventivité, regorgent d’énergie et font preuve d’une très grande expression. Tout en ferveur et puissance.
Comment pourrait-il en être autrement quand l’on sait que l’œuvre parle de sacrifice humain dédié aux dieux de la terre ?
La force du Sacre du Printemps est telle que l’œuvre a constamment été maintenue à l’affiche. Et, curieusement, «cette musique composée pour ballet est devenue, en soi, une véritable pièce de concert».
Avec elle, Pina Bausch touche à l’essentiel, au travers du sacrifice féminin, dansé jusqu’à la mort, pour un renouveau de la vie.
swissinfo/Emmanuel Manzi
«Café Müller» et «Le sacre du printemps». A Genève, Bâtiment des forces motrices, les 17 et 18 octobre. Tel: 022/418 30 00

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