Olivier Py, une modernité à toute épreuve
Le très prolifique auteur et metteur en scène français est à l'affiche des deux plus importantes salles genevoises.
Le Grand Théâtre l’invite à créer «La damnation de Faust» de Berlioz. Et La Comédie accueille sa pièce «Epître aux jeunes acteurs».
Hormis la «Symphonie fantastique» et le «Requiem», l’œuvre de Berlioz reste celle d’un compositeur mal connu du grand public francophone. Et pour cause: ses «Troyens» sont rarement montés et sa «Damnation de Faust», à mi-chemin entre l’oratorio et l’opéra, réclame du génie aux metteurs en scène.
Le génie, ce n’est pas ce qui manque au metteur en scène, acteur et auteur français Olivier Py (38 ans), invité à créer au Grand Théâtre de Genève cette fameuse «Damnation».
En cette fin de saison, Py est à l’affiche de deux scènes genevoises. Outre «Faust» donc, une de ses pièces est présentée à La Comédie dans un esprit qui déjoue, avec bonheur, la ferveur qu’appelle ce titre: «Epître aux jeunes acteurs pour que soit rendue la Parole à la Parole».
Les résonances de Berlioz
Mais d’abord Berlioz. On peut compter sur Olivier Py pour que l’œuvre du musicien s’enfle de toutes ses résonances. Le metteur en scène lui fera sans doute «dégorger» tous les sens qu’elle recèle. Lui qui adore l’exaltation théâtrale (il l’a souvent prouvé sur le plateau et dans ses textes) met ici son talent d’auteur dramatique au service de la musique.
Avec lui, le «Faust» de Berlioz, inspiré bien sûr de la pièce éponyme de Goethe, devient un homme moderne qui réalise que le monde marche sans lui. Qu’il en est exclu et par là-même réduit au rôle passif d’observateur. D’où son désespoir. D’où aussi sa tragédie.
La bonne parole des dirigeants
Tout autre, mais non moins intense, est la tragédie qui parcourt l’«Epître aux jeunes acteurs». Disons qu’ici elle est un pastiche, une parodie de la bonne parole des dirigeants. Ceux que Py désigne sous les noms saugrenus de «policiers du désir» ou de «porcs modernes».
De ces dirigeants-là, l’auteur doute. Comme il doute de la bonne foi d’une société qui accepte, par exemple, d’ériger «les footballeurs en penseurs».
Cynique Olivier Py? Non. L’auteur ne dresse pas de «couronnes au désespoir», comme le dit sur scène son interprète Anne Durand. Coiffée d’une couronne de lauriers, inébranlable comme César dans son orgueil, fébrile comme le Christ dans ses tourments, la comédienne – dirigée par Hervé Loichemol – joue avec brio cet «Epître».
On croirait l’actrice réfugiée dans un autre monde, avec comme viatiques les mots et la musique. Influx poétiques qui font tressaillir son corps vêtu d’un tutu de ballerine. Elle danse. Et tout son être est à la fête. Mais les phrases qu’elle crie ou murmure vous poursuivent longtemps: «Depuis Auschwitz, la parole a prouvé son inefficacité».
swissinfo, Ghania Adamo
«La Damnation de Faust», Genève, Grand Théâtre; du 13 au 26 juin. Tel: 022/418 31 30 et «Epître aux jeunes acteurs», Genève, La Comédie; du 13 au 22 juin. Tel: 022/ 320 50 01.
Avec Faust, Olivier Py met son talent d’auteur dramatique au service de la musique.
Dans L’Êpître, le français présente une parodie de la bonne parole des dirigeants.
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