Un Royal tout 9 à Tavannes

9h09, le 9.9.99 : c'était le rendez-vous donné pour l'ouverture du Centre culturel Le Royal de Tavannes. Ou plutôt sa réouverture miraculeuse : inauguré en 1918, le Royal, d'abord salle de spectacle et de cinéma, était devenu une grande surface Migros.

9h09, le 9.9.99 : c’était le rendez-vous donné ce jeudi pour l’ouverture officielle du Centre culturel Le Royal de Tavannes. Ou plutôt sa réouverture miraculeuse : inauguré en 1918, le Royal, d’abord salle de spectacle et de cinéma, était devenu une grande surface Migros. Grâce à la vigueur du Collectif du Royal, le lieu retrouve sa vocation culturelle première.

Jeudi matin, les livres, les films, les spectacles de théâtre et de musique ont définitivement bouté les rayonnages de produits ménagers, de nourriture et autres produits Migros hors du Royal de Tavannes. Le Royal redevenant un centre de culture pour le Jura Bernois, c’est «M» de Fritz Lang remplaçant «M» de Migros. Il n’est pas saugrenu de considérer l’événement comme une vengeance exemplaire. Pour toutes les salles qui ferment chaque année, en particulier pour celles qui ont comblé nos enfances.

Réapparaît le visage de l’écrivain Patrick Modiano : il y a une dizaine d’années, l’émission d’Antenne 2 «Cinéma, Cinémas» lui avait demandé de raconter la salle obscure de sa jeunesse. L’auteur déambulait donc entre les rayons d’un supermarché, bégayait d’émotion en pointant son doigt sur l’ancien balcon à frises devenu plafond industriel ou sur l’écran transformé en étal de boucherie. Parce qu’il existe une justice pour les nourritures de l’esprit qui, elles, ne se vendent pas au poids, le miracle de Tavannes se doit d’être fêté. Selon une formule que n’aurait pas désavouée Paco Rabanne, le Collectif des bénévoles du Royal ont choisi le jeudi 9.9.99 à 9h09, promettant des cadeaux et merveilles aux visiteurs âgés de 9 ou de 99 ans.

Construit en 1918 par l’industriel Henri Sandoz, fondateur de Tavannes Watch, le Royal a d’abord été un temple du spectacle destiné à divertir les ouvriers, selon la tradition des patrons-mécènes. De fait, il fut l’un des premiers cinémas de Suisse. Quatre-vingts ans plus tard, le lieu a retrouvé ses plafonds voûtés, ses moulages et son bas-relief d’époque pour accueillir rien de moins que deux bibliothèques, une ludothèque, un cinéma, une salle de spectacle et un bar. Tout tout neuf.

Thierry Jobin