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Derrière Alinghi souffle le savoir d’un prof de maths

Alinghi 5, le bateau des superlatifs. Keystone

La Coupe de l’America est certes un duel sportif, mais c’est aussi une bataille technologique. Et c’est l’Ecole polytechnique de Lausanne qui est le partenaire chargé de donner au bateau une vitesse décisive. Et un homme: Alfio Quarteroni, professeur de mathématiques.

Si toutes les batailles juridiques trouvent leur solution et si la confrontation entre le team Alinghi et son challenger BMW Oracle peut vraiment commencer le 8 février comme prévu, Lausanne aura aussi les yeux fixés sur Valence.

Car l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) occupe une place de premier plan dans le développement d’Alinghi, qui implique pas moins de six instituts scientifiques.

Après les deux yachts encore plutôt traditionnels des régates de 2003 et 2007, ce sera un catamaran d’un genre résolument nouveau qui participera à cette «Formule un des mers», pour reprendre l’expression de l’EPFL elle-même.

La collaboration entre le team Alinghi et la haute école a commencé en 2001. C’est le grand patron Ernesto Bertarelli en personne qui a sollicité un conseil technique. Le recteur de l’époque a alors désigné les Instituts des sciences des matériaux et de recherches numériques comme partenaires.

Un défi pour les scientifiques

«C’était un moment extraordinaire, mais cela a aussi un peu effrayé nos collaborateurs», se rappelle Alfio Quarteroni, 57 ans, professeur de modélisation et calcul scientifique et responsable du projet Alinghi. Les scientifiques ne sont pas vraiment habitués à la compétition sportive et aux délais qu’elle implique.

Cet Italien est spécialiste de simulation numérique des fluides dynamiques (CFD), soit un logiciel permettant de simuler les écoulements aérodynamiques et hydrodynamiques. Ce qui permet, entre autres, de modéliser l’influence du vent et des vagues sur le comportement du bateau avant de le soumettre aux conditions réelles de la mer.

Ces simulations sont importantes car bien moins onéreuses que les tests de performances qui consistaient auparavant à plonger un voilier dans des situations réalistes en soufflerie ou dans des bassins de carène avant de modifier le design.

Maintenant, des centaines de millions d’opérations de calculs sont effectuées sur un superordinateur. «Pour une simulation de la résistance au vent de la voile il faut faire plus de calculs que pour une prévision météorologique de trois jours pour toute l’Italie», affirme Alfio Quarteroni.

La nouvelle dimension d’Alinghi 5

Quand il en vient au nouveau catamaran Alinghi 5, le mathématicien se fait moins bavard. Il se contente de dire: «Ce bateau n’a pratiquement plus rien à voir avec ceux de 2003 et 2007.»

Avec une hauteur de 60 mètres, le mât principal est déjà presque deux fois plus haut que celui de 2007. Ce qui est donc aussi le cas des voiles, qui atteignent jusqu’à 1000 m2 de surface. «Alinghi peut atteindre le double de la vitesse de son prédécesseur», affirme Alfio Quarteroni.

Les dimensions de cette nouvelle génération de bateaux de course dépassent tout ce qui s’est fait jusqu’ici. On se souvient qu’il a fallu faire appel à un hélicoptère spécial russe pour transporter le catamaran du lac Léman jusqu’au port de Gênes.

Sport et technique

Le professeur Quarteroni n’est pas seulement un mathématicien remarquable, mais aussi un brillant conférencier. Il présente très souvent des exposés dans les écoles ou devant un public élargi sur les relations entre «les mathématiques et Alinghi», ou plus généralement entre «les mathématiques et le sport» afin de rendre ses lettres de noblesse à une science qui n’est pas des plus populaires.

Il a par exemple attiré plus de 300 personnes pour une conférence au Centre national de sport pour les jeunes à Tenero, au Tessin. A chaque occasion, le mathématicien se voit poser la question de l’utilité de développer à tel point la technologie dans une compétition sportive telle que la Coupe de l’America.

Alfio Quarteroni est convaincu que ce sport de haut niveau est aujourd’hui un champ d’expérimentation idéal pour la recherche. Si on introduisait ces nouveaux matériaux directement sur le marché, cela pourrait présenter des risques en cas de défaillance. Dans le domaine sportif, le risque est moins important. C’est pourquoi la recherche s’investit aussi dans la Formule un.

La recherche de matériaux toujours meilleurs est une des caractéristique du développement de l’humanité. Alfio Quarteroni en est convaincu: «Les sprinters non plus ne courent plus avec des chaussure d’il y a cent ans.»

Gerhard Lob, Tenero, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

Dimanche 7 février 2010: cérémonie d’ouverture.

Lundi 8 février 2010 dès 10h: première régate.

Mercredi 10 février 2010 dès 10h: deuxième régate.

Vendredi 12 février 2010 dès 10h: troisième régate (en cas d’égalité au terme des deux premières régates).

Du 14 au 25 février 2010 (inclus): jours de réserve.

Né en 1952, il a étudié à Pavie et à Paris VI et vit à Lodi (Italie).

1986: nommé professeur ordinaire à l’Université Catholique de Brescia, puis professeur de mathématiques à l’Université de Minnesota à Minneapolis, ainsi que professeur en analyse numérique au Politecnico di Milano.

1998: nommé professeur d’analyse numérique et de modélisation mathématique à l’EPFL.

Son groupe a été associé à l’optimisation d’Alinghi, le voilier suisse qui a gagné les deux dernières éditions de la Coupe de l’America en 2003 et 2007.

Il est auteur d’une vingtaine de livres et de centaines d’articles de revues scientifiques.

L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a développé les technologies de pointe qui ont permis au Team Alinghi de remporter la Coupe de l’America en 2003 et 2007.

Les projets ont porté sur la mise au point d’un mât, l’analyse et la simulation sur ordinateur de la voile, la simulation de la dynamique des courants ainsi que le développement de matériaux intelligents et de la planification des itinéraires.

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