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Au salon horloger de Genève, entre forteresses imprenables et modèles iconiques revisités

Le stand Rolex, à l'image de la domination exercée par la marque à la couronne sur l'industrie horlogère. Wwgf/keystone/cyril Zingaro

Plus de 40'000 visiteurs se sont pressés au salon horloger Watches and Wonders à Genève du 27 mars au 2 avril. Dans cette période euphorique pour l’horlogerie suisse, les 48 marques présentes à Palexpo ont rivalisé d’ingéniosité pour se montrer dans leurs plus beaux atours. Le reportage du journaliste russe Alexey Tarkhanov.

Genève a pris la place de Bâle comme nouvelle capitale mondiale de l’horlogerie. Baselworld, la plus ancienne foire horlogère du monde, a tiré la prise en 2020 en raison notamment des conséquences de la pandémie de Covid-19. L’annulation et le refus de compenser les pertes ont provoqué un clash entre les organisateurs et les exposants, qui ont fait leurs bagages pour Genève.

Watches and Wonders a vu le jour la même année sur la base du Salon international de la haute horlogerie (SIHH), où exposaient principalement les marques du groupe de luxe Richemont. Cartier, IWC Jaeger-LeCoultre, Panerai, Vacheron Constantin et les autres ont été rejoints par les barons de Bâle: Rolex et sa petite-sœur Tudor, Patek Philippe, Chopard, ainsi que des marques du groupe LVMH – TAG Heuer, Hublot, Zenith. Les géants de la mode Hermès et Chanel ont également choisi d’exposer à Genève.

Depuis l’époque du SIHH, le salon organisé dans les halles géantes de Palexpo, à deux pas de l’aéroport, est un club fermé et coûteux d’accès. Par conséquent, des dizaines de marques ne faisant pas partie du club tenaient à cette période leurs expositions ailleurs à Genève, profitant de la présence de nombreux détaillants et représentants de la presse horlogère mondiale.

À la recherche de visibilité

Les professionnels qui remplissaient les halles de Watches and Wonders ont été rejoints par des amateurs de montres lors de l’ouverture du salon au public les 1er et 2 avril. Un moment de vérité important, car malgré les vitrines présentes sur les principales avenues des grandes capitales de la planète, l’industrie manque de visibilité. Les gens ne voient jamais de chefs-d’œuvre d’horlogerie: les pièces les plus chères et les plus complexes passent immédiatement dans les coffres-forts des clients. C’est un problème non seulement pour le grand public, mais aussi pour les horlogers eux-mêmes, qui ne savent pas ce que font leurs concurrents.

À Watches and Wonders, on a peu parlé de chiffres de production et de profits. La plupart des exposants affichaient néanmoins un large sourire. Après un millésime 2022 de tous les records, les exportations horlogères ont continué de progresser depuis le début de l’année. Et la perspective d’une réouverture du marché chinois après la levée des restrictions sanitaires a de quoi aiguiser les appétits des horlogers suisses.

Le salon genevois a donné un aperçu du potentiel et de l’état de santé des marques, de leur créativité, qui se voit le plus clairement dans la scénographie des stands. D’un côté, il y a l’exemple d’une forteresse Rolex imprenable ou d’un château Patek Philippe transparent de l’extérieur, mais inaccessible aux simples mortels. D’autre part, la marque IWC, qui présentait une nouvelle réincarnation de sa montre classique Ingenieur des années 1970, a invité tout le monde sur son stand avec des chefs-d’œuvre du design de ces années: une Mercedes-Benz futuriste ou un poste TV Braun.

La Mercedes-Benz futuriste des années 1970 sur le stand de la marque schaffhousoise IWC. Wwgf/keystone/valentin Flauraud

Tout aussi beau, le stand Panerai représentant le pont du célèbre voilier Eilean, acheté et restauré par la marque italienne. Il s’agissait de marquer le lancement d’une nouvelle collection de montres de plongée Radiomir, dont les premiers modèles ont été conçus dans les années 1940 pour les plongeurs de la marine italienne. Les créateurs de Van Cleef & Arpels, fidèles à leur devise «les bijoux qui donnent l’heure», ont quant à eux transformé leur stand en une fabuleuse forêt, où les feuilles de verre colorées de Murano poussaient sur les arbres.

Icônes et iconoclastes

Les grandes marques horlogères possèdent des modèles qui restent un objet de désir pendant des décennies, devenant presque un symbole de la marque. L’amour pour les icônes horlogères est si grand que les gens viennent les voir pour dire «oui, tu n’as pas changé du tout» ou «je t’ai à peine reconnu».

C’est ce que fait Jaeger-LeCoultre avec ses iconiques Reverso, montres à double face, qui tournent dans un boîtier rectangulaire. Exemples d’élégance, ils sont devenus cette année encore plus fins et encore plus complexes. Quant à Rolex, la reine sacrée du marché horloger, elle vit depuis des décennies selon le mot d’ordre no news is good news. Tout changement, aussi mineur soit-il, fait sensation, comme cette année avec la première apparition du fond du boîtier en saphir transparent dans l’Oyster Perpetual Cosmograph Daytona. De nombreux journalistes en parlaient comme si un homme avait atterri sur Mars.

Certaines icônes existent depuis le début du 20e siècle, d’autres viennent de notre siècle, comme la Freak sans cadran ni aiguilles créée par Ulysse Nardin en 2001, où le mécanisme tourne en rond et indique l’heure.

Mais il est clair que l’icône ne peut pas être mise en veille, elle doit être modifiée pour se perpétuer. C’est ce que font les horlogers Hublot en explorant de nouveaux matériaux. «C’est très cher, mais nous pensons que la recherche finira par payer tôt ou tard», avance Ricardo Guadalupe, le directeur général de Hublot.

C’est avec une grande fierté qu’il parle des innovations comme l’alliage en or 18 carats Magic Gold inrayable, de la céramique de couleur vive, de son saphir de synthèse coloré et désormais de sa montre à tourbillon avec bracelet intégré en carbone ultraléger, qui ne pèse que 68 grammes.

Le stand de la marque Chopard affiche sa collaboration avec deux stars du cinéma américain. Wwgf/keystone/cyril Zingaro

Poussées par une nouvelle génération de consommateurs plus responsables, les marques réfléchissent également de plus en plus à ce qu’elles peuvent faire pour l’environnement. Au-delà de leur qualité artistique et technique, la grande nouveauté des modèles présentés par Chopard est le matériau utilisé, l’alliage Lucent Steel.

La marque a décidé d’augmenter la part d’acier recyclé à 80% et au moins 90% d’ici en 2025. «L’environnement est une préoccupation constante de notre famille, explique Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de Chopard. L’horlogerie a été fondée par des génies et les génies se sont toujours souciés du bien du monde».

Dépassé par son succès?

Les responsables des marques présentes à Genève sont satisfaits. «Nous étions fidèles à Bâle, mais heureux d’être dans la capitale de l’horlogerie suisse», déclare Ricardo Guadalupe, le directeur général de Hublot. «C’est l’événement le plus important de notre calendrier, confirme Karl-Friedrich Scheufele. En termes de nombre de visiteurs et de rendez-vous d’affaires, il n’a désormais pas d’égal dans le monde.»

«C’est une excellente occasion de montrer les œuvres dont nous sommes fiers», poursuit Wilhelm Schmid, directeur général de A. Lange & Söhne, devant une énorme maquette du nouveau chronographe Odysseus.

Les marques ont constaté qu’il y avait beaucoup plus de monde à Watches and Wonders que l’année dernière. Les rendez-vous étaient pris d’assaut et les listes d’attente pour des présentations rappelaient les waiting lists d’une boutique Rolex. Laurent Dordet, directeur général de La Montre Hermès, partage non seulement sa joie, mais aussi son inquiétude: «Cette année, le nombre de demandes a tellement augmenté que nous avons été presque submergés par cette vague. Peut-être même que l’exposition a eu trop de succès?»

>> Lire aussi l’interview du journaliste spécialisé Serge Maillard sur l’importance d’avoir un grand salon horloger:

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Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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