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Erreur de calcul: les libéraux-radicaux restent la troisième force du pays

La programmation incorrecte d'un logiciel a provoqué un comptage multiple des suffrages exprimés dans trois cantons. Alessandro Della Valle/Keystone

C'est l'un des résultats qui a fait le plus de bruit ce week-end: le parti à l'origine de la Suisse moderne a été dépassé par Le Centre pour la première fois de l'histoire. L'Office fédéral de la statistique a toutefois corrigé les résultats mercredi. «Le risque est que les personnes qui ne font pas confiance aux autorités se trouvent renforcées dans leurs convictions», estime le politologue Sean Müller.

La correction, précise l’Office fédéral de la statistique (OFS) dans un communiquéLien externe, n’a pas d’impact sur les résultats des élections. Elle n’affecte ni la répartition des sièges ni les parlementaires élus.

Le chiffre corrigé est cependant significatif. Le Centre obtient 14,1% et non 14,6% des voix comme indiqué dimanche, tandis que le Parti libéral-radical (PLR /droite) obtient 14,3% des voix et non 14,4% comme indiqué lundi.

Des erreurs dans trois cantons

«Cette erreur de calcul des forces des partis est due à une programmation incorrecte du logiciel d’importation des données pour les trois cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures et Glaris», explique l’OFS.

«La programmation incorrecte , poursuit le communiqué, a provoqué un comptage multiple (de trois à cinq fois) des suffrages exprimés dans ces trois cantons pour les partis qui s’y sont présentés. Par conséquent, le logiciel a attribué un trop grand nombre de voix à ces partis, ce qui s’est traduit par une force de parti trop élevée au plan national pour l’UDC, Le Centre et le PLR.»

En ce qui concerne l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), le chiffre doit être corrigé, passant de 28,6% initialement annoncé à 27,9%. Par rapport à il y a quatre ans, sa progression n’est donc pas de 3%, mais de 2,3%. Parmi ceux qui gagnent après la correction, quoique légèrement, on trouve le Parti socialiste (PS), les Vert-e-s et le Parti Vert’libéral (PVL).

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Comme les trois cantons où l’erreur s’est produite n’ont qu’un seul siège au Conseil national, l’erreur n’a pas entraîné de changement dans la répartition des sièges. La situation aurait pu être différente si cela s’était produit dans un canton beaucoup plus peuplé, par exemple Zurich, qui envoie 36 conseillers nationaux à Berne. En raison du jeu de la représentation proportionnelle, il est concevable que même avec un faible changement de pourcentage, un siège aurait pu changer de main.

Le chef du Département de l’intérieur, Alain Berset, a ordonné une enquête administrative pour analyser ce qui s’est passé et améliorer les processus, souligne l’OFS.

Entre critique et ironie

L’erreur n’a pas manqué de susciter des critiques et une certaine ironie. «Erreur embarrassante dans les élections au Conseil national: république bananière», a par exemple écrit la députée centriste de Bâle-Campagne Elisabeth Schneider-Schneiter sur X.

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En termes de sièges, Le Centre reste en tête

Le PLR peut donc faire contre mauvaise fortune bon cœur: en pourcentage, il peut au moins continuer à se considérer comme le troisième parti de Suisse. Il n’en va pas de même au niveau des sièges. À la Chambre basse, Le Centre a en effet réussi à en gagner un, passant à 29 sièges, tandis que le PLR en a perdu un et n’en a donc plus que 28.

Le PLR évoque une erreur «regrettable» et «inquiétante», mais se dit «heureux» d’avoir sauvegardé sa troisième position, comme l’écrit Andrea Caroni, le vice-président et conseiller aux États d’Appenzell Rhodes-Extérieures, sur X.

Le président du Centre, Gerhard Pfister a, quant à lui, noté que le résultat était toujours supérieur à celui obtenu en 2019 par les deux partis dont Le Centre est issu (le Parti démocrate-chrétien et le Parti bourgeois démocratique).

«Une erreur humaine, mais honteuse»

C’est la première fois dans l’histoire de la démocratie helvétique qu’une telle faute de comptage se produit au niveau fédéral.

Michael Hermann, politologue de l’institut Sotomo, qui a réalisé les sondages préélectoraux, n’a pas  manqué de mettre en évidence sur la plateforme X: «C’est peut-être une première mondiale. Le sondage électoral est plus précis que les résultats finaux publiés officiellement par l’Office fédéral de la statistique (d’une précision presque effrayante – à l’exception du PVL)».

«Certes, l’erreur est humaine, mais celle-ci est honteuse, surtout presque trois jours après la publication des résultats définitifs», réagit, de son côté, le politologue Sean Müller. Même si la correction n’a pas d’impact sur la répartition des sièges, elle induit tout de même des changements non négligeables, relève-t-il: «Le Centre ne passe pas devant le PLR, l’UDC gagne moins que prévu, le PS gagne davantage. Ainsi, le virage à droite du Parlement est moins important.»

«Le risque est que les personnes qui n’ont pas confiance en les autorités se trouvent renforcées dans leurs convictions», estime Sean Müller. Pour éviter que cela ne se reproduise, le politologue suggère de renforcer les processus de vérification, même si cela retarde la publication des résultats.

«Cela devrait renforcer notre confiance»

Le directeur de l’Année politique suisse, Marc Bühlmann, est d’un autre avis. «Il est normal que des erreurs se produisent. Cela arrive partout où des êtres humains travaillent», dit-il. Le politologue rappelle que patienter deux ou trois jours avant d’obtenir des résultats définitifs était normal il y a 50 ans.

«Le problème est qu’aujourd’hui les médias et le public les veulent immédiatement. Le canton de Berne a d’ailleurs dû essuyer de nombreuses critiques, car il était le dernier à publier ses chiffres. Plus on doit travailler vite, plus le risque de se tromper est grand», constate-t-il. Pour éviter ce type de situation, Marc Bühlmann propose de publier des résultats provisoires et d’attendre plusieurs jours avant de les rendre définitifs après toutes les vérifications.

Le politologue porte plutôt un regard positif sur le fait que l’erreur ait été trouvée et communiquée rapidement: «Cela devrait plutôt renforcer notre confiance dans la démocratie suisse». Il s’attend cependant à une utilisation politique de l’événement. «Cela fait partie du jeu de taper sur l’administration, mais il faudrait faire attention de ne pas trop insister, car c’est cela qui risquerait d’entamer la confiance de l’électorat.»

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