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Georg Stucky, «le père du droit de vote des Suisses de l’étranger», n’est plus

Georg Stucky
2006, Georg Stucky préside le Conseil des Suisses de l'étranger. Keystone / Yoshiko Kusano

Il est peu de gens à qui la communauté mondiale des expatriés suisses doit autant: Georg Stucky, président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) de 1998 à 2007, est décédé à fin août, peu avant son 90e anniversaire. Hommage.

Il avait le titre honorifique de «père du droit de vote des Suisses de l’étranger». C’est grâce à lui qu’ils ont reçu en 1992 le droit de vote et d’éligibilité par correspondance au niveau fédéral. Cette participation politique était sur la liste des souhaits de l’OSE depuis des décennies, mais la demande avait été mise en veilleuse à maintes reprises.

En 1986, après une procédure de consultation qui avait donné des réponses dissonantes, le Conseil fédéral était prêt à remettre le projet dans un tiroir. Les représentants des Suisses de l’étranger ont alors fait appel. Mais c’est le conseiller national libéral-radical Georg Stucky, lui-même ancien expatrié qui a obtenu quasiment seul le déblocage de la décision, par voie de motion.

En 1992, l’OSE le nomme vice-président et il accède à la présidence six ans plus tard. Il y restera pendant presque une décennie, qui sera une des plus productives pour les relations entre la Suisse et sa diaspora et pour la reconnaissance en droit de celle-ci. La communication avec la «5e Suisse» se développe considérablement, avant tout par internet. Le nombre de citoyennes et citoyens suisses établis à l’étranger qui s’inscrivent pour exercer leur droit de vote passe de 14’000 à 120’000. Dès 1999, le vote électronique devient un objectif stratégique.

Un homme sans fioritures

L’OSE se bat avec succès contre l’éviction totale des Suisses de l’étranger du système de sécurité sociale. Son engagement en faveur des écoles suisses à l’étranger et de swissinfo, le service international de la SSR, est également un succès. La diaspora s’engage pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU, pour la libre circulation des personnes, pour les accords de Schengen/Dublin. Une opération d’aide est mise sur pied pour les Suisses d’Argentine dans le besoin. Aux Chambres fédérales, un intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger» se penche depuis 2004 sur les préoccupations des expatriés, de plus en plus mobiles.

Georg Stucky a joué un rôle décisif dans toutes ces actions. J’ai appris à le connaître comme un homme d’action, pragmatique, sans fioritures et qui ne se donnait pas des grands airs: un juriste incorruptible, incarnation de l’objectivité et de la précision. Il était un des rares à pouvoir s’y retrouver dans la jungle de la législation sur la sécurité sociale et à tenir tête aux représentants des autorités dans les discussions pénibles sur la suppression de la possibilité de rester assurés pour les Suisses de l’étranger. Et au moment décisif, il a su trouver une solution concrète et capable de réunir une majorité.

Alpiniste et chef d’orchestre

C’était un alpiniste. Non seulement, il a gravi le Cervin et plusieurs autres sommets de 4000 mètres, mais il avait aussi les qualités de l’alpiniste dans sa manière de faire de la politique. Il connaissait son but, planifiait sa route, observait la météo, assurait sa cordée et avançait prudemment pas à pas. Les alpinistes qui réussissent sont des stratèges.

Enfin, il était un mélomane, chef d’orchestre inoubliable dans sa façon enthousiaste de se tenir au pupitre de l’orchestre de chambre qu’on lui confiait à l’occasion d’une fête d’anniversaire. Et il a dirigé de la même manière cette organisation globale et hétérogène qu’est l’OSE. Pas comme un tyran, mais avec l’autorité naturelle et le tact de l’inspirateur, du coordinateur qui connaît sa partition et ses musiciens, qui a l’oreille attentive aux fausses notes et qui sait équilibrer les registres d’une main légère et avec l’humour nécessaire pour faire régner l’harmonie. Les leaders les plus efficaces sont des chefs d’orchestre.

Georg Stucky a puisé la motivation et l’expérience nécessaires à son engagement en faveur de la diaspora dans ses propres années d’expatrié. Personne n’avait besoin de lui rappeler que les Suisses de l’étranger font partie de la nation – lui qui fut Conseiller d’État de son canton de Zoug en parallèle à son mandat aux Chambres fédérales. Pour lui, la participation faisait partie des droits civiques, que l’on soit suisse à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. L’émancipation des Suisses de l’étranger devait assurer que les intérêts spécifiques des citoyens de plus en plus nombreux qui choisissent la mobilité ne soient pas oubliés.

Non moins central pour lui était le fait que la Suisse peut profiter de l’expérience internationale de ses natifs. Il était convaincu de l’importance de l’interdépendance internationale. Il voyait dans les Suisses de l’étranger une ressource importante pour le pays.

Dialogue avec la diaspora

Pour Georg Stucky, l’introduction du droit de vote par correspondance pour les Suisses de l’étranger était un premier pas. L’objectif stratégique était d’impliquer les expatriés dans le débat politique, dans la communication entre compatriotes de l’intérieur et de l’extérieur. C’est donc logiquement qu’il a créé en 1992 une section internationale de son parti. Et l’exemple a fait école: les autres grands partis ont tous imité l’exemple de ce premier parti des Suisses de l’étranger – dans l’esprit de son fondateur, le libéral ouvert au monde Georg Stucky.

La 5e Suisse a toutes les raisons de se souvenir de cet ami lucide et de ce soutien méritant.

(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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