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La fracture profonde sur les mesures sanitaires inquiète les Suisses

Manifestation à Berne contre les mesures anti-Covid de la Confédération. Keystone / Marcel Bieri

La volonté de se faire vacciner stagne, la polarisation croissante inquiète la population et un conseiller fédéral s’enfonce dans les sondages. C’est ce que révèle la nouvelle enquête d’opinion de la SSR sur la crise du coronavirus en Suisse.

Un mois avant que la Suisse ne vote pour la deuxième fois sur la loi Covid-19, et en particulier sur le controversé certificat sanitaire, l’institut Sotomo a réalisé, sur mandat de la SSR, un vaste sondage auprès de la population concernant la pandémie et ses effets.

Plus de 59’000 personnes domiciliées en Suisse ont participé à la septième enquête sur le sujet, dont 42’000 en Suisse alémanique, 15’000 en Suisse romande et un peu moins de 2000 en Suisse italophone. Leurs réponses ont été pondérées; la marge d’erreur est de +/- 1,1 point de pourcentage.

Les résultats révèlent une Suisse qui serait sur la voie de la normalisation, si un profond gouffre ne divisait pas le pays. Une nation qui, avec seulement 64% de personnes entièrement vaccinées, fait partie des moins performantes d’Europe en la matière (les statistiques actuelles peuvent être consultées ici), mais aussi dans laquelle une majorité souhaite à nouveau se rapprocher et s’embrasser, comme le montrent les résultats du sondage.

#Les partisans et les partisanes

Contrairement à la dernière enquête d’opinion, une majorité des Suisses (57%) se prononcent désormais en faveur de la vaccination obligatoire du personnel de santé et du personnel infirmier. Plus de la moitié des personnes sondées (52%) seraient également d’accord de rendre la vaccination obligatoire pour le corps enseignant.

Le certificat Covid est soutenu par 62% de la population, mais une extension de son champ d’application, par exemple aux stations de ski, est rejetée par une majorité d’entre elle. Le Conseil fédéral (gouvernement) et les sociétés de remontées mécaniques souhaitent qu’il soit possible de skier en Suisse en respectant la distance et le port du masque, mais sans certificat, comme ce fut déjà le cas l’hiver dernier.

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Même si le certificat sanitaire jouit d’une acceptation relativement large, 79% des personnes interrogées estiment qu’il représente indirectement une obligation de vaccination, soit 10% de plus que lors du dernier sondage. 46% pensent que le sésame controversé apporte une plus grande liberté dans les lieux où il est exigé, tandis que 32% jugent pesant de devoir présenter régulièrement ce document.

La vaccination de rappel suscite un grand intérêt: 58% des sondés et des sondées y sont favorables. La majorité (59%) approuve également la fin des tests gratuits décidée par le Conseil fédéral au début du mois d’octobre.

#Les adversaires

Le scepticisme à l’égard de la vaccination et les critiques à l’égard des mesures sanitaires rassemblent les groupes les plus divers. D’un point de vue statistique, les partisans et partisanes de l’UDC et les personnes originaires des Balkans sont ainsi sur la même longueur d’onde. Le scepticisme à l’égard de la vaccination est très répandu dans ces deux groupes, même si les personnes originaires d’Europe du Sud-Est et des Balkans ont toujours un taux de vaccination plus élevé (52%) que la base de l’UDC (42%).

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En général, les femmes, les personnes à bas revenu et celles ayant un faible niveau d’instruction sont davantage opposées à la vaccination. À l’inverse, les hommes, les personnes à hauts revenus et celles ayant suivi une formation universitaire y sont plus favorables.

#La peur

Seuls 6% de la population, soit un quart des personnes non vaccinées, envisagent encore de se faire vacciner. Les raisons les plus souvent avancées pour justifier le rejet du vaccin sont la peur de conséquences néfastes sur la santé, ainsi que la confiance en ses propres défenses immunitaires.

Près de 70% des personnes non vaccinées mettent en doute l’efficacité du vaccin. Elles sont 15% à craindre pour leur fertilité, même si un tel effet secondaire n’est pas prouvé d’un point de vue médical et scientifique. Plus surprenant, 12% du panel dit avoir renoncé à la vaccination sur avis médical.

#Le fossé

Les tensions sociales sont actuellement la conséquence la plus redoutée de la pandémie. Ces derniers mois, les opposants et opposantes aux mesures sanitaires ont manifesté dans de nombreuses villes suisses, et la situation a parfois dégénéré.

Ces bouleversements se manifestent aussi dans la sphère privée. Près d’une personne sur deux a peur des conflits privés, soit le double par rapport aux enquêtes précédentes. Le ton des conversations est devenu plus agressif, notent 41% des personnes interrogées. 71% affirment avoir eu des disputes en privé au sujet des mesures sanitaires, 31% ont même mis fin à des relations en raison de ces différends. Les personnes non vaccinées sont clairement exposées à plus de tensions que les personnes vaccinées.

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#Le perdant

La confiance dans les institutions politiques est également mise à mal. L’organe exécutif suprême, le Conseil fédéral, qui est composé de différents partis et décide en commun des mesures à prendre, reçoit presque systématiquement des notes insuffisantes. Soit sur une échelle de 1 à 6, des notes inférieures à 4.

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C’est le ministre de la Santé, le socialiste Alain Berset, qui s’en sort le mieux, avec une note de 4,1. Le plus mauvais élève est le libéral-radical (droite) Ignazio Cassis, qui a été peu visible lors de la pandémie mais a échoué dans le dossier européen cette année.

Le véritable perdant de ces dernières semaines est toutefois Ueli Maurer, ministre de l’Économie et membre de l’UDC (droite conservatrice), qui reçoit une note de 3,3. Il est apparu lors d’un événement public vêtu d’un pull des «Freiheitstrychler», un groupe de sonneurs de cloches très présent dans les manifestations contre les mesures Covid, et a critiqué ouvertement la politique sanitaire de ses collègues du gouvernement. Une prise de position qui a fait les gros titres au-delà des frontières et n’a apparemment pas été appréciée par la majorité de la population.

#La vie

Combien de temps la pandémie laissera-t-elle encore des traces dans nos vies? Cette question fait encore l’objet de spéculations. Néanmoins, l’enquête d’opinion permet de jeter un premier regard sur l’avenir. Par exemple, seuls 10% des sondés et des sondées pensent qu’ils continueront à utiliser leur vélo plus souvent après la pandémie qu’avant.

D’autre part, le temps des voyages aux frais de l’entreprise semble être révolu. Cela coïncide avec une plus grande sympathie pour les réunions en ligne; plus de 40% s’attendent à ce qu’elles aient plus de poids après la pandémie. Une majorité écrasante souhaite également continuer à travailler au moins partiellement à domicile après la crise.

#Les embrassades

Pas de poignées de main, pas de bise: telles étaient les recommandations officielles au début de la pandémie. Ces conseils en matière de distanciation sociale sont de moins en moins suivis systématiquement depuis que le vaccin est disponible. A ce jour, la consigne de ne pas s’embrasser est encore la plus respectée; selon les régions de Suisse, il est en effet habituel de se donner deux ou trois bises pour se saluer.

Une majorité des personnes interrogées souhaite toutefois revenir au régime de la bise après la pandémie. Ce désir est le plus fort chez les 14-34 ans. Il existe également une nette différence géographique: les italophones et les francophones sont moins disposés à renoncer à la bise que les Suisses alémaniques.

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