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Tourmente dans le paysage médiatique suisse

Keystone

La crise a noirci d'un coup l'horizon des journaux traditionnels suisses, déjà malmenés. Les lecteurs ont modifié leurs habitudes – sans espoir de retour. C'est en tout cas le constat du futur deuxième groupe médiatique de Suisse, Tamedia.

Il n’y a pas encore ici de spectaculaire fermeture de vénérables journaux comme celles qui ponctuent ces temps-ci l’actualité aux Etats-Unis. Mais tous les voyants sont au rouge.

Lors de la présentation de son bilan 2008 au début avril, l’éditeur zurichois Tamedia, propriétaire du Tages-Anzeiger, repreneur de la Berner Zeitung et du Bund de Berne et futur propriétaire d’Edipresse, pour ne citer que ces bijoux-là de sa grosse couronne, en a profité pour se livrer à une analyse approfondie de la situation.

Le principal indice, moteur du financement des médias, est le volume des annonces publicitaires. L’évolution ne laisse pas de doutes: en 2007, année du pic conjoncturel, le Tages-Anzeiger a enregistré une baisse de 58% des offres d’emploi par rapport à 2000, précédente année record.

Le transfert des annonces se lit bien dans les statistiques: la télévision a enregistré une hausse de 6,2% des dépenses publicitaires. Internet est le plus grand gagnant, avec une hausse de 42,3% entre 2007 et 2008.

«Si le recul des annonces n’atteint pas son plancher ces prochains mois, avertit Martin Kall, directeur général de Tamedia, la crise sera vraiment exceptionnelle», lâche-t-il. Pour le directeur, seule l’innovation dans de nouveaux secteurs permettra de «sauver» les produits imprimés traditionnels.

Internet est le mot magique pour répondre aux besoins et offrir des services aux nouvelles générations. Plateformes de rencontres, d’offres d’emploi, de recherche d’appartement, de sorties nocturnes…

Sur tous les fronts

Le groupe de presse zurichois investit des dizaines de millions de francs pour occuper tous les «créneaux». Il est aussi sur le point de reprendre le site search.ch, si les gardiens de la concurrence lui donnent leur aval.

Du côté des médias imprimés, un seul produit progresse, et de manière exponentielle jusqu’ici: les journaux gratuits. Selon une comparaison internationale, la Suisse devance tous les pays européens dans ce domaine, et de loin.

35 journaux gratuits!

Sur une période de quatorze ans, des chercheurs de l’Université d’Amsterdam ont dénombré 36 journaux gratuits en Suisse par 100 habitants, contre… 14 pour le deuxième, la Suède. «C’est une situation unique en Europe», a confirmé Martin Kall. Mais «cela va se calmer, les investissements ont atteint leur maximum de ce côté-là.» Tamedia, qui a lancé 20 Minuten, 20 Minutes et News engrange les bénéfices de ses investissements.

Bénéfices relatifs pour le moment: car si leur tirage n’ont cessé d’augmenter, les gratuits ne sont pas tous rentables. Tamedia indique ainsi que «news» son 2e gratuit destiné à épauler la plateforme Internet du même nom, détenue avec la Basler Zeitung et la Berner Zeitung, n’a pas encore convaincu les annonceurs.

En Suisse romande, 20 Minutes (Tamedia) et Le Matin bleu (Edipresse) restent dans le rouge. Tamedia reprenant Edipresse, les deux titres seront fusionnés lorsque la Commission de la concurrence aura donné son feu vert.

Lecteurs perdus

«Il ne faut pas se leurrer, ajoute Martin Kall, les jeunes lisent moins que leurs parents, c’est irréversible. Les abonnés des journaux classiques vieillissent et ne sont pas remplacés.»

«Pour conserver nos titres, dit le directeur, il faut être créatif et dégager des profits dans d’autres secteurs. Restructurer encore et encore ne suffit pas. Qui payera un abonnement de plusieurs centaines de francs pour un Tagi paraissant deux fois par semaine?»

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Le chiffre d’affaire a progressé en raison du rachat d’Espace Media fin 2007, qui a aussi diminué les marges de rentabilité. Résultats en millions 2008 (2007) et évolution en %:

Chiffre d’affaires: 897,5 (743,2) +20,8%

Résultat d’exploitation (EBIT): 119,4 (133,5) -10,6

Ch. d’affaires des quotidiens: 608,7 (547,7) +11,1

Ch. d’affaires des magazines: 103,7 (92,9) +11,6

Ch. d’affaires des médias en ligne: 84 (58,6) +43,1%

Ch. d’affaires des services: 101,3 (43,9) +130,7

Effectif au 31.12: 2513 (2442) +2,9.

Tamedia a annoncé début mars la reprise du groupe Edipresse en trois phases d’ici 2013, laquelle doit encore être avalisé par la Commission de la concurrence.

Ensuite, Tamedia deviendrait le 2e groupe privé du pays, avec un chiffre d’affaires estimé à 1,25 milliard de francs, derrière Ringier (1,45 milliard). La NZZ est 3e avec 551 millions.

Fondé le 2 mars 1893 par l’Allemand Wilhelm Girardet avec un ancien journaliste de la NZZ, Fritz Walz, le Tages-Anzeiger et son groupe possèdent aujourd’hui, entre autres, les journaux gratuits 20 Minuten, 20 Minutes, News (avec la Berner Zeitung et la Basler Zeitung) et les quotidiens Der Bund, Berner Zeitung et la Thurgauer Zeitung.

Tamedia possède aussi des chaînes de radio-TV (Radio 24, Capital FM, Telebärn, TeleZüri) et les sites Internet Homegate, alpha.ch, jobinner.ch.

Côté clics, Tamedia possède plusieurs des 20 premiers sites. Si la première place est occupée par Bluewin, (3,78 millions), search.ch (bientôt Tamedia) est 2e devant 20minuten.ch et la TV alémanique sf.tv.

Le site de la NZZ (1,38 mios) est d’une courte tête devant celui du Tages-Anzeiger (1,2 mios), qui précède swissinfo (914’000), lui-même devant le Teletext.

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