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Enfin un vrai livre sur le Palais des Nations

Le Palais des Nations compte 853 000 mètres cubes, soit presque autant que le Palais de Versailles. Keystone Archive

Cela fait belle lurette qu'on attendait à Genève une histoire et une description architecturale en bonne et due forme du Palais des Nations. C'est enfin chose faite, grâce à l'initiative de Jean-Claude Pallas. Un connaisseur: il y a peu, il gérait encore cet immense bâtiment.

Un immeuble de 853 000 mètres cubes, d’une surface utile de 153 500 mètres carrés, offrant 1825 bureaux et 26 salles de conférences et autres réunions. Voilà qui suffit à dire l’immensité du Palais des Nations, dont on rappellera qu’il est actuellement le plus grand centre de conférences diplomatiques au monde.

Jean-Claude Pallas en connaît les moindres coins et recoins. Il y a travaillé pendant vingt-huit ans, assumant à la fin la responsabilité du bâtiment et de ses installations techniques, en prenant grand soin comme si c’était sa propre demeure.

Passionné d’histoire et d’architecture, il n’a cessé, à titre personnel, d’accumuler notes et documents de toutes sortes. Tant et si bien qu’un beau jour, il a décidé de consacrer ses week-ends et autres temps libres à la rédaction des 430 pages, agréablement illustrées, qui comblent un grand vide sur un édifice mal connu des Genevois certes, mais aussi des fonctionnaires onusiens eux-mêmes.

L’Histoire a paradoxalement voulu que sa construction se termine au moment où la Société des Nations qui l’avait commandée constatait son échec et partait à l’agonie. Créée au lendemain de la première guerre mondiale, la SDN s’était installée à Genève en 1920.

Mais l’ancien Hôtel National, rebaptisé Palais Wilson et qui abrite désormais le Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, était bien trop petit et les bords du lac trop exigus pour que l’organisation ne cherche pas ailleurs un site plus vaste. Le grand espace vert du Parc de l’Ariana fit l’affaire.

Le concours d’architecture est à lui seul un vrai morceau d’histoire(s). Il a fait couler beaucoup d’encre. Parce qu’il fallut faire le tri entre pas moins de 377 projets. Parce que l’enjeu suscita bien évidemment des combats d’école, lesquels débouchèrent, entre autres, sur la mise à l’écart d’un projet de Le Corbusier.

Et parce qu’en fin de compte on ne retint véritablement aucune des propositions. Le Français Nénot et son collaborateur genevois Flegenheimer eurent certes la préférence, mais on leur adjoignit trois autres architectes: l’Italien Broggi, le Français Lefèvre et le Hongrois Vago.

La première pierre fut posée en septembre 1929, mais ce n’est que deux printemps plus tard que débuta le gros œuvre. Au moment où se faisaient sentir les effets de la crise économique de 1929, Genève profita de cette embellie. Le chantier comptabilisa un demi-million de journées de travail, soit en moyenne entre 300 à 500 ouvriers par jour.

Il n’y eut jamais d’inauguration officielle. Il fallut attendre 1952 pour voir posée dans la cour du Secrétariat une plaque commémorative portant les noms des cinq architectes et les dates officielles de la construction: 1927-1937.

Le Conseil et l’Assemblée de la SDN y tiennent leurs ultimes séances à la mi-décembre 1939. Pendant la seconde guerre mondiale, le Palais reste quasiment désert. Le 1er août 1946, une fois dissoute l’organisation, il devient alors propriété de l’ONU et retrouve une nouvelle jeunesse sous le nom d’Office européen des Nations Unies.

Commence alors une toute autre histoire pour la diplomatie internationale comme pour le bâtiment, une histoire jalonnée d’agrandissements, d’extensions et de rénovations. Au fil des ans, le nombre des pays membres de l’organisation quadruple ou presque, d’autres langues s’officialisent et nécessitent des installations de traduction, les technologies évoluent vite.

Bref, tout cela appelle des adaptations en tous genres, quitte à remiser dans les coffres-forts certains témoins de l’art décoratif de toute une époque. D’autres styles font leur apparition, l’ancien et le moderne se cherchent des espaces de convivialité. Et le Palais reste plus que jamais un lieu à voir, très prisé des innombrables touristes qui en font quotidiennement la visite.

Quant à l’ouvrage de Jean-Claude Pallas, il n’aurait peut-être pas vu le jour si la Confédération suisse et le Canton de Genève n’avaient décidé de délier bourse pour que le fruit de la patiente et longue recherche de son auteur passe heureusement du manuscrit à l’édition.

Bernard Weissbrodt

* Jean-Claude Pallas, «Architecture du Palais des Nations» (1924-2001), Éditions Nations Unies, Genève.

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