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A Washington, la Suisse s’oppose à une taxe bancaire

Une photo de groupe dans la bonne humeur malgré les divergences sur la réforme du système financier international. Keystone

A la tête de la délégation suisse qui participe aux réunions semi-annuelles du FMI et de la Banque Mondiale, Hans-Rudolf Merz a rejeté samedi l’idée d’une taxe sur les banques. Une proposition pourtant soutenue par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Tandis que le Fonds Monétaire International (FMI) affirme que «la relance de l’économie mondiale a évolué mieux que prévu», Hans-Rudolph Merz estime, lui, que les divergences de vue entre les Etats membres de l’institution se sont creusées à propos des moyens d’empêcher de nouvelles crises.

«Il y a trois ans, il y avait unité de vue sur la crise et sur son ampleur. On retrouvait encore cette unité l’an dernier. Mais aujourd’hui, les opinions divergent quant aux mesures concrètes à mettre en œuvre», a déclaré le ministre suisse des Finances à swissinfo.ch lors d’une conférence de presse en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque Mondiale à Washington.

Les désaccords portent en particulier sur le contenu de la réforme du système financier international. Emblématique du débat houleux: le communiqué des ministres du G-20, publié la veille des réunions des institutions de Bretton Woods, s’est borné à dire que les nouvelles règles internationales du jeu bancaire et financier devraient être adoptées d’ici la fin de l’année.

Des leçons différentes

Les divisions se focalisent notamment sur l’idée d’une taxe bancaire destinée à faire en sorte que les banques alimentent elles-mêmes des fonds spéciaux visant à financer d’éventuels renflouages, sans avoir à solliciter à nouveau les contribuables qui, à travers le monde, ont versé quelques 5000 milliards de dollars pour soutenir les banques et autres assureurs en difficulté.

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne font campagne en faveur de la taxe sur les banques. Mais la Suisse s’y oppose. «Le secteur financier ne doit pas être imposé davantage», fait valoir Hans-Rudolf Merz. Et d’ajouter que «chaque pays a vécu la crise de façon différente et en tire des leçons différentes».

«UBS a remboursé l’argent des contribuables suisses avec en plus un bénéfice d’un milliard et demi de francs; la situation suisse est donc différente de celle de pays qui ont soutenu leurs banques à coups de dizaines de milliards et qui sont encore dans le capital de ces banques», a expliqué le conseiller fédéral.

Vers le rejet d’une taxe bancaire

Interrogé par swissinfo.ch sur la question de savoir si la Suisse ne risque pas l’isolement en rejetant la taxe bancaire, Philipp Hildebrand, le président de la Banque nationale suisse (BNS), note que la taxe bancaire n’est qu’une «proposition» à ce stade. Il laisse aussi entendre qu’un consensus est loin de se faire autour des Etats-Unis. «L’idée n’est pas du tout mûre pour une décision au FMI ou au G-20», affirme en effet Philipp Hildebrand.

De fait, le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, dont le pays est, comme la Suisse, opposé à la taxe sur les banques, est même allé jusqu’à affirmer samedi que la balance tendait à pencher vers le rejet de cette idée.

Les divergences parmi les Etats membres du FMI portent aussi sur les politiques nationales à instaurer pour sortir de la crise et raffermir l’environnement économique. «Certains disent qu’il faut augmenter les impôts, d’autres veulent les diminuer, alors que d’autres encore prônent des réformes structurelles telles le relèvement de l’âge de la retraite», explique Hans-Rudolf Merz, en soulignant que le Conseil fédéral va débattre de certaines de ces questions mercredi.

Mesures suisses

Si la réforme du secteur financier traîne au niveau international y compris aux Etats-Unis, la Suisse vient de faire un pas important en direction d’une réforme avec la publication d’un rapport d’une commission d’experts mandatés par le gouvernement. Les experts veulent notamment obliger les banques à augmenter leurs fonds propres et à disséminer leurs risques.

Dans un rapport de mission en Suisse publié le mois dernier, les économistes du FMI conseillent au gouvernement de renforcer la réforme en donnant plus de pouvoirs à la BNS et à la FINMA, l’autorité de surveillance des marchés, et en définissant plus clairement leurs rôles. Samedi, H-R. Merz a réagi en estimant que la Suisse est en train de se réorganiser en ce qui concerne la surveillance des marchés financiers. «Le Conseil fédéral a mandaté une expertise et le résultat est bon en ce qui concerne l’efficacité de la collaboration entre la BNS et la FINMA», assure le ministre.

En l’absence de Doris Leuthard, la ministre de l’Economie, c’est Jean-Daniel Gerber, directeur du Secrétariat d’état à l’économie (SECO), qui représentait la Suisse aux réunions côté Banque Mondiale. Il a souligné que, «si les pays en développement et en transition enregistrent déjà en 2010 une reprise robuste, la situation est inégale selon les pays et les régions», à tel point qu‘il «pourrait se passer plusieurs années avant que ces pays effacent les pertes endurées durant la crise».

Rappelant «le coût humain élevé qui est associé à la crise économique mondiale», Jean-Daniel Gerber a exhorté les pays donateurs et les institutions multilatérales de développement à «revigorer leurs efforts afin d’augmenter leur aide et d‘en améliorer l’efficacité».

Marie-Christine Bonzom à Washington, swissinfo.ch

Les réunions de printemps du FMI et de la Banque Mondiale rassemblent à Washington les ministres des finances et de l’économie ainsi que les patrons des banques centrales des 186 Etats membres des deux organisations internationales.

Le déplacement de la présidente de la Confédération et de l’Economie, Doris Leuthard, a été annulé en raison du nuage de poussière émis par le volcan islandais.

La délégation suisse est donc emmenée par Hans-Rudolph Merz, ministre des Finances, et inclut notamment le nouveau patron de la Banque nationale suisse (BNS), Philipp Hildebrand.

Dans ses prévisions mondiales actualisées le 21 avril, le FMI entrevoit un taux de croissance en hausse de 1,5% pour la Suisse en 2010 et table sur 1,8% en 201.

Ces projections situent la Suisse en meilleure position que l’ensemble de la zone euro, mais en retrait par rapport à la croissance moyenne des pays développés.

Selon le FMI, l’inflation devrait augmenter en Suisse en 2010 et 201.

En 2009, la Suisse a connu une croissance en repli de 1,5%.

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