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Le grand nettoyage

Rolf Kesselring

«Cartes postales» de Suisses expatriés... Rolf Kesselring, écrivain, ancien éditeur, nous adresse son courrier de la région de Nîmes.

Parmi les clichés helvétiques, il y a celui de la légendaire propreté des Suisses. Rolf Kesselring y met un gros bémol.

On me l’a souvent reproché: je n’ai pas la fibre nationaliste. Pourtant, à force, j’avais l’impression, qu’en Suisse, nous avions le respect de la nature. Candide, j’étais certain que nous étions tous des écologistes nés.

Lors d’un récent voyage en Suisse, j’avais pris le train. Stupéfait, j’avais remarqué l’incroyable saleté qui régnait dans les wagons de nos CFF. J’avais noté la chose dans un recoin de ma tête en me disant que j’étais tombé sur un mauvais jour.

Puis, à plusieurs reprises, j’avais vu des choses qui, dans ma mémoire, avaient fait comme des taches. Dans cette Suisse, il y avait maintenant des ombres au tableau de notre proverbiale propreté. Tout m’avait paru moins propre, moins net, plus poisseux.

L’image idyllique

Depuis ces Cévennes où j’ai décidé de passer un bout de ma vie, la Suisse (MA Suisse) demeurait idyllique. Je ne savais pas encore que la mémoire, souvent, nous joue des tours… C’est pourquoi, cette ambiance diffuse de malpropreté et d’abandon m’avait laissé, dans la gorge, un arrière-goût légèrement amer.

Puis le soleil était revenu. L’été mordorait les crêtes tout autour de ce chez moi provisoire. J’avais oublié cette sensation désagréable. Je m’étais replongé dans mes occupations habituelles et provençales.

Bagarres quotidiennes avec ma plume ou avec le clavier de l’ordinateur, promenades délicieuses parmi les genévriers, les buis arborescents et les petits chênes méditerranéens, siestes ombrées et apéritifs amicaux sous la treille, sur ma terrasse. La vie, méridionale à souhait, m’avait repris. J’étais redevenu insouciant, presque heureux comme cet Ulysse…

Le grand nettoyage

Le seul inconvénient de cette région qui m’a adopté, c’est – peut-être – la marée de touristes qui l’envahissent à la belle saison. Comme je deviens prudent et que je connais cet encombrement saisonnier, dès les premiers jours de juillet, je circule moins, je me terre dans ma garrigue, bref, je me fais ermite durant quelques semaines.

Pourtant, de temps à autre, il faut bien aller acheter du pain, du vin et de quoi ratatouiller allégrement dans sa cuisine. C’est ce que je fis un beau matin, il n’y a pas si longtemps…

Je me retrouvais sur la route en direction du village voisin où je savais un marché coloré. Sur la route, comme un fait exprès, je me retrouvai à suivre une voiture qui portait des plaques minéralogiques bien de chez nous. « Tiens des compatriotes « , me dis-je, vaguement intéressé.

Dans le véhicule, je discernai un couple, à l’avant, et deux enfants sur la banquette arrière. Ce furent ces derniers qui me glacèrent le sang, lorsque, par les vitres ouvertes, ils commencèrent à faire le ménage!… Papiers d’emballage, sachets de plastique, canettes de boissons gazeuses, papiers gras, ils jetaient tout sur le bas-côté de la route!

Pauvre Suisse…

Cette désinvolture me mit hors de moi! Comment pouvaient-ils faire une chose aussi stupide et infâme ? Comment, ces gens de chez moi, pouvaient-ils manquer à ce point de respect pour la nature?

Puis, les images de ce tout que j’avais remarqué en Suisse me revinrent en mémoire… Toutes ces petites saletés, toutes ces malpropretés, toutes ces négligences, que j’avais alors remarquées, étaient donc bien le reflet écœurant d’un changement de comportement des gens de chez moi? Une phrase, malgré moi, déborda mes lèvres: «Pauvre Suisse!»

swissinfo/Rolf Kesselring

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