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Secret bancaire: «C’est Stalingrad»

"Pourquoi la Suisse devrait-elle collaborer à la réalisation de concepts de société auxquels elle n’adhère pas?" RTS

Auteur d'un ouvrage sur le droit et la pratique de la gestion de fortune, Carlo Lombardini estime que la Suisse a été bernée par Bruxelles.

L’avocat genevois considère que Londres veut s’emparer des fonds gérés par la place financière helvétique.

swissinfo: Le secret bancaire et partant la place financière suisse sont menacés. Comment en est-on arrivé là?

Carlo Lombardini: Avec une honnêteté bien helvétique, nos autorités ont largement ouvert la porte à l’entraide internationale en matière pénale. Celle-ci a été accordée de manière parfois excessive et certains clients ont été sacrifiés à cette politique d’ouverture.

Berne pensait que si elle collaborait activement dans le domaine du blanchiment, l’UE la laisserait en paix sur le plan fiscal.

On constate aujourd’hui que c’était une erreur. En fait, l’UE, et notamment les Britanniques, s’intéresse plus à l’argent que ses riches contribuables placent en Suisse qu’a la traque des fonds criminels.

Nos autorités ont été ingénues?

C. L.: Les Anglais chérissent leur place financière, avant de prendre une décision ils en analysent l’impact sur leur économie.

Le monde anglo-saxon vous séduit avant de vous coloniser puis de vous broyer. Comme la Suisse veut désespérément plaire aux autres, elle se fait souvent piétiner.

La bataille concerne donc surtout des intérêts économiques?

C. L.: C’est évident. Londres est la seule place financière qui peut concurrencer New York, sauf dans la gestion de fortune où la Suisse occupe une place importante. On veut simplement nous éliminer avec des prétextes fallacieux et hypocrites.

Mais une partie des fonds déposés en Suisse provient de l’évasion fiscale…

C. L.: Il est normal qu’un Français ou un Allemand veuille se défendre contre une charge fiscale qu’il juge excessive.

Pourquoi la Suisse devrait-elle collaborer à la réalisation de concepts de société, comme les 35 heures, auxquels elle n’adhère pas. Pourquoi devrions-nous aider ces pays à fortement ponctionner leurs citoyens?

Que les Quinze s’entendent d’abord entre eux et éliminent leurs divergences fiscales, après Berne entrera en matière.

Quels sont les enjeux?

C. L.: Si le secret bancaire disparaît, les capitaux n’auront plus aucun motif de préféré la Suisse à Londres. Le moment est décisif. C’est Stalingrad et nous devons choisir si nous voulons être les Russes ou les Allemands.

Genève devrait se souvenir que Pise ou les villes de la Hanse étaient, il y a quelques siècles, de puissants centres commerciaux avant de redevenir de paisibles bourgades touristiques.

swissinfo/Propos recueillis par Luigino Canal

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