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Une commission d’enquête de l’ONU conclut à un génocide à Gaza

Chris Sidoti et Navi Pillay
Navi Pillay (à droite) et Chris Sidoti lors de présentation du nouveau rapport de la Commission d'enquête sur les Territoires palestiniens occupés. Keystone / Martial Trezzini

Un rapport de la Commission d’enquête de l’ONU sur les Territoires palestiniens occupés conclut qu’un génocide est en cours à Gaza. Ses auteurs pointent la responsabilité des dirigeants israéliens et appellent les États à agir. Sa publication n’a suscité que peu de réactions des capitales européennes.

Venue présenter mardi à Genève les conclusions de son dernier rapport, Navi Pillay, présidente de la Commission d’enquête de l’ONU sur les Territoires palestiniens occupés, n’a pas fait durer le suspense: «La commission a conclu qu’Israël a commis un génocide contre le peuple palestinien à Gaza et qu’il poursuit ce génocide», a-t-elle déclaré à la presse.

Dans leur rapportLien externe détaillé de 72 pages, résultat de deux ans d’enquête, les trois membres de la commission estiment que les «autorités israéliennes et les forces de sécurité du pays» ont commis et continuent de commettre, à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza, quatre des cinq actes génocidaires définis dans la Convention sur le génocide de 1948.

Ces actes sont les suivants: le fait de tuer des membres du groupe, de leur causer des dommages physiques ou mentaux graves, de les soumettre délibérément à des conditions d’existence devant entraîner leur destruction – totale ou partielle – et d’imposer des mesures visant à empêcher les naissances au sein du groupe.

«Rapport important»

«C’est un rapport important», souligne Vincent Chetail, professeur de droit international au Geneva Graduate Institute. «On parle d’une enquête approfondie et factuelle qui, contrairement aux précédents rapports d’ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch, émane d’une commission officielle mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.»

Navi Pillay, ancienne Haute-Commissaire aux droits de l’homme, et les deux autres membres de la commission, les juristes Miloon Kothari et Chris Sidoti, avaient déjà fait état de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre dans l’enclave palestinienne. Mais ils n’avaient encore jamais enquêté sur le crime de génocide.

>> En 2023, à l’occasion des 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, nous avions fait le portrait de Navi Pillay, retraçant sa longue carrière en faveur des droits humains. Il est à lire ici (en anglais).

Ces derniers mois, d’autres experts indépendants de l’ONU, dont la rapporteuse spéciale sur les Territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, ont aussi conclu qu’un génocide est en cours à Gaza. Plusieurs pays, dont le Qatar, le Brésil et la Namibie, l’ont également évoqué.

Concernant l’intention génocidaire, aspect clé du crime de génocide, et le plus difficile à prouver, Navi Pillay a expliqué que la commission avait tiré ses conclusions des «déclarations faites» par les autorités israéliennes ainsi que du «comportement récurrent» des forces armées du pays.

Israël réfute toute accusation de génocide et invoque la légitime défense contre le Hamas à la suite des attaques du 7 octobre 2023.

Depuis le début de la guerre, plus de 62’000 Palestiniens et Palestiniennes, dont 18’000 enfants, sont morts, selon les chiffres relayés par l’ONU. Presque deux millions de personnes ont été déplacées. Alors que la famine a été déclarée dans le nord de la bande de Gaza, l’aide humanitaire continue d’entrer au compte-gouttes.

Hauts dirigeants israéliens visés

Dans leur rapport, les enquêteurs accusent le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, et l’ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, d’avoir «incité» au génocide. Pour rappel, ce dernier avait indiqué combattre «des animaux humains».

Par ailleurs, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre Benyamin Nétanyahou et Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La commission d’enquête souhaite que le procureur général de la CPI enquête également sur les actes de génocide décrits dans le rapport.

Responsabilité des États

«Si le droit est appliqué et que les États tirent les conséquences du rapport, diverses mesures devraient être prises, dont un embargo sur les livraisons d’armes et des actions diplomatiques pour faire cesser le massacre», indique Vincent Chetail. Il souligne toutefois le fossé entre respect du droit et intérêts politiques.

Au lendemain de sa publication, le rapport n’a pas provoqué une vague de réactions de la part des capitales européennes. Certaines, dont Berne, Bruxelles et Paris, ont toutefois dénoncé mercredi l’intensification des attaques de l’armée israélienne dans la ville de Gaza.

Gaza
L’intensification de l’assaut d’Israël contre la ville de Gaza a provoqué d’importants déplacements du nord vers le sud de l’enclave palestinienne. Copyright 2025 The Associated Press. All Rights Reserved.

La Cour internationale de Justice (CIJ) – principal organe judiciaire de l’ONU – n’a pas encore statué sur le fond du différend qui oppose l’Afrique du Sud à Israël. Mais les pays européens sont particulièrement réticents à condamner un génocide à Gaza avant que la justice internationale ne rende ses conclusions, ce qui prendra encore des années.

«Les États ne doivent pas attendre que la Cour internationale de Justice constate un génocide», a martelé la présidente de la commission et ex-juge du Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui exhorte les pays à ne plus livrer d’armes à Israël.

«On pourrait très bien concevoir que des États parties à la convention sur le génocide, par exemple des pays du ‘Sud global’, se tournent vers la CIJ pour mettre en cause la complicité des États occidentaux, qui risquent d’être amenés à payer des réparations», indique Vincent Chetail.

Les membres de la commission espèrent que leur rapport incitera les hauts responsables onusiens, dont le Secrétaire général Antonio Guterres et le Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk, à utiliser ce terme. Ces derniers ne l’ont pas encore fait.

Réponse israélienne

Mardi matin, l’ambassadeur israélien auprès de l’ONU à Genève, Daniel Meron, a convié la presse pour dénoncer ce qu’il considère comme un rapport «scandaleux» et «mensonger», produit par des enquêteurs connus pour leur «antisémitisme».

Navi Pillay et Chris Sidoti ont rejeté cette accusation, le juriste australien ajoutant qu’il souhaiterait que les autorités israéliennes «répondent sur le fond du rapport, mais elles ne le font jamais».

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Alors que les trois membres de la commission d’enquête ont récemment annoncé leur démission prochaine, ils ont souligné que leur choix n’était pas lié aux pressions d’Israël et des États-Unis, qui ont sanctionné la rapporteuse spéciale sur les Territoires palestiniens occupés.

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin/livm

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