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Jérusalem au centre de la rencontre entre le pape et Erdogan

Recep Tayyip Erdogan a évoqué l'état du monde avec le Saint-Père lundi à Rome KEYSTONE/AP ANSA/ALESSANDRO DI MEO sda-ats

(Keystone-ATS) Le pape François a longuement reçu, lundi au Vatican, le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il a offert à son hôte un médaillon avec “un ange étranglant le démon de la guerre”, au moment même où l’armée turque bombardait des Kurdes en Syrie.

La rencontre privée avec M. Erdogan a duré 50 minutes. Le souverain pontife, qui n’a de cesse de marteler son horreur des guerres, n’a sans doute pas manqué d’aborder l’offensive menée depuis le 20 janvier dernier dans la région syrienne d’Afrine par la Turquie.

Ces attaques visent officiellement à éloigner de la frontière turque la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG). Cette organisation est classée “terroriste” par Ankara, mais alliée de Washington dans la lutte contre l’EI.

La voiture de M. Erdogan est arrivée lundi matin sur une place Saint-Pierre inaccessible en raison des mesures de sécurité. Une très vaste zone du centre de Rome a ainsi été interdite aux manifestants. Quelque 3500 policiers étaient mobilisés.

Manifestation pro-kurde

Plusieurs dizaines de personnes se sont néanmoins rassemblées à la mi-journée non loin du Vatican, à l’initiative d’une association italienne de Kurdes. “A Afrine, un nouveau crime contre l’humanité est en cours”, a-t-elle dénoncé. Deux manifestants ont été interpellés à la suite de brèves échauffourées, a indiqué la préfecture de police.

Au cours de discussions “cordiales”, le pape et le président turc ont abordé “la situation au Moyen-Orient, avec une référence particulière au statut de Jérusalem, mettant en exergue le besoin de promouvoir la paix et la stabilité dans la région à travers le dialogue et la négociation, en respectant les droits de l’Homme et la loi internationale”, a précisé le Vatican dans un communiqué.

Les droits humains mentionnés ne renvoyaient pas directement à la Turquie ou aux bombardements visant des Kurdes en Syrie.

M. Erdogan avait prévu de remercier le pape pour avoir contesté la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël. “Nous sommes tous les deux pour la défense du statu quo”, avait déjà commenté le dirigeant turc dimanche dans le journal italien La Stampa.

Crispations

Le président turc, très souriant et en retard, a été accueilli dans le palais du Vatican par un souverain pontife à la mine plus sérieuse. Mais l’atmosphère semblait davantage détendue au moment d’échanger des cadeaux et de prendre congé.

“Ceci est un ange de la paix qui étrangle le démon de la guerre”, a commenté le pape en offrant un médaillon en bronze d’une vingtaine de centimètres de diamètre. “C’est le symbole d’un monde basé sur la paix et la justice”, a-t-il ajouté. Le médaillon représente un ange rapprochant les hémisphères nord et sud, tout en combattant un dragon.

M. Erdogan a apporté au souverain pontife une grande représentation panoramique en céramique d’Istanbul, sur laquelle on pouvait distinguer la coupole de la basilique Saint-Sophie convertie par les Ottomans en mosquée au XVe siècle, ainsi que la célèbre mosquée bleue.

Rencontre avec le président italien

Le pape argentin, défenseur du dialogue interreligieux, avait effectué un voyage peu chaleureux en Turquie en novembre 2014. M. Erdogan, un pieux musulman, s’était alors arc-bouté sur la dénonciation de l'”islamophobie”. En juin 2016, au cours d’un voyage en Arménie, le pape avait utilisé le mot “génocide” que la Turquie réfute pour qualifier les massacres d’Arméniens de 1915/16.

Le président turc était accompagné lundi d’une délégation de seize personnes. Parmi celles-ci figuraient son épouse et l’une de ses filles, portant des foulards.

Recep Tayyip Erdogan devait aussi s’entretenir dans la journée avec le président italien Sergio Mattarella et le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni. L’occasion pour eux de parler d’immigration clandestine, d’industrie de la défense ou d’adhésion à l’Union européenne. Dimanche, M. Erdogan avait réclamé une “adhésion” de la Turquie à l’UE, rejetant la proposition française d’un simple “partenariat”.

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