Des perspectives suisses en 10 langues

Jean-Luc Bideau, «un peu comme la vie»

Jean-Luc Bideau affiché sur les murs soleurois. swisspolitics

Les 39èmes Journées de Soleure, qui se tiennent jusqu’à dimanche, consacrent pour la première fois leur rétrospective à un comédien: Jean-Luc Bideau.

Bernard Léchot l’a rencontré dans un hôtel soleurois.

swissinfo: Jean-Luc Bideau, genevois et parisien d’adoption… Votre impression lorsque vous retrouvez l’ambiance de Soleure et des ‘Journées’?

Jean-Luc Bideau: Je me demande toujours comment les gens me regardent. Et je constate que très peu me connaissent… faut pas rêver! Soleure, c’est un peu le village. Et les habitants ne se préoccupent pas vraiment du festival. Il n’y a pas cette folie qu’on peut ressentir à Cannes, ou même à Locarno. Ici, tout est réservé, assez discret.

swissinfo: Soleure, chaque année, fait le bilan du cinéma suisse et de ses difficultés. A ce propos, vous insistez beaucoup sur la nécessité d’une véritable école de cinéma…

J.-L. B.: Une telle école devrait être nationale, même si je sais que tous les cantons seront contre cette idée, puisqu’ils sont souverains en matière d’enseignement. Mais ce serait une façon d’insister sur le fait que le cinéma n’est pas qu’une affaire d’art, mais aussi une industrie. En Suisse, on ne pense pas assez à cet aspect-là.

D’autre part, les réalisateurs manquent de continuité dans leur travail. Il y a un combat épouvantable pour écrire un scénario, un combat épouvantable pour survivre… En Suisse, les cinéastes vivent rarement de leur métier. Ou alors ils sont à la télé, réalisent des émissions.

swissinfo: La création d’une école relève du monde politique. A propos de politique, êtes-vous toujours à l’écoute de ce qui se passe ici?

J.-L. B.: Je paie ma carte au parti socialiste, même si je n’ai pas le temps de militer. Mais je trouve important d’être un peu responsable de ce qui se passe dans la cité.

swissinfo: Auparavant, dans les milieux traditionalistes, devenir comédien était honteux… est-il honteux pour un comédien gauchiste d’avoir un fils qui a travaillé comme conseiller du président de la Confédération? (Nicolas Bideau était conseiller diplomatique auprès de Pascal Couchepin en 2003, NDLR).

Il était conseiller, délégué par le Département des affaires étrangères: il n’a jamais été engagé par Pascal Couchepin. Je ne veux pas parler au nom de mon fils, mais je pense qu’ils ne sont pas du même parti. Et c’est peut-être ce qui fait que Couchepin l’a apprécié. Il y avait sans doute des moments où il avait besoin d’avoir un écho différent de ses autres conseillers.

Cela dit, pendant sa présidence, Pascal Couchepin n’a pensé qu’aux affaires étrangères… mon fils était vachement concerné, et il n’a pas été inutile. Et Couchepin aime bien les gens qui font, ceux qui frappent du poing sur la table.

swissinfo: Les ‘Journées’ vous consacrent une rétrospective. Or habituellement les rétrospectives soleuroises mettent en valeur les réalisateurs, pas les comédiens…

J.-L.B.: Le directeur Ivo Kummer a fait ce choix, et j’en suis touché. Puisque ce comédien a eu la chance de travailler dans pas mal de films qui ont marché, c’était de bonne guerre! Je trouve ça sympathique, mais, ne vous inquiétez pas, je n’ai pas la grosse tête.

A ce propos, le 24, il y aura une très belle discussion sur le thème: «Qu’est-ce qu’une star?» Là, je vais m’en donner à cœur joie.

swissinfo: Jean-Luc Bideau… qu’est-ce qu’une star?!

J.-L.B.: Une star, c’est un mec qui gagne beaucoup d’argent parce que ses films marchent, qui a une maîtresse très connue, et qui raconte plein de choses sur sa vie privée. Mais avant tout, c’est un mec qui fait rentrer du pognon chez le producteur. Donc c’est un bon cheval, un cheval qui gagne.

swissinfo: Douze films ont été retenus à Soleure pour la rétrospective. Vous-même, sur l’ensemble de votre filmographie, quels films auriez-vous envie de revoir ?

J.-L.B.: Le premier film de Tacchella, «Voyage en Grande Tartarie». C’est un des plus beaux films que j’ai faits, et c’est le plus beau film de Tacchella, qui hélas n’a pas marché.

Et puis, un film qu’on peut voir à Soleure, «Les portes de la gloire», de Merret-Palmair, avec Benoît Poelvoord. Le film n’a pas très bien marché non plus, je dois porter la guigne. Toscan du Planteur (le producteur Daniel Toscan du Plantier, NDLR) disait que j’étais un ‘vide-fauteuils’…

swissinfo : Lorsqu’on parle de Bideau reviennent toujours les années Goretta, Tanner, Soutter… Vous n’êtes jamais fatigué de devoir évoquer cette période-là alors que vous avez fait 2000 choses depuis?

J.-L.B.: A part «Et la tendresse, bordel?», les autres films n’ont pas eu un impact similaire. Et les gens sont assez simples: Bideau est suisse, il sera toujours suisse, on imite – très mal – son accent et puis voilà.

swissinfo: Ce qui caractérise votre trajectoire, c’est le refus des catégories: vous avez tout joué, du film d’auteur pointu à la comédie très grand public… Cela vous a plutôt aidé ou pénalisé?

J.-L.B.: Cela m’a surtout empêché d’être dépressif. Un gars comme Sami Frey, qui a toujours eu une ligne de conduite très stricte, impeccable, doit être plus dépressif que moi. En ce qui me concerne, avec d’un côté les poètes ou les auteurs que ma femme me fait interpréter et, de l’autre, «Et la tendresse, bordel!» où je fais tourner mon zizi, tout va bien! C’est un peu comme la vie, c’est plein de couleurs!

swissinfo, propos recueillis par Bernard Léchot

– Jean-Luc Bideau est né en 1940 à Genève. Après être «monté» à Paris pour y suivre les cours du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, ce sera quelques années de vaches maigres.

– Avec les années 70, Bideau éclate grâce au cinéma suisse romand. Il tourne alors « James ou pas» (Michel Soutter, 1970), «La Salamandre (Alain Tanner, 1971), «L’invitation, Claude Goretta, 1973) ou encore «Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000» (Alain Tanner, 1976).

– Son parcours cinématographique le verra ensuite passer par tous les registres, de la franche comédie au drame.

– Quelques exemples célèbres: «Et la tendresse? bordel!» (Patrick Schulmann., 1978), «Inspecteur Lavardin», Claude Chabrol, 1985), «La fille de D’Artagnan», Bertrand Tavernier, 1994) et récemment «Ripoux 3» (Claude Zidi, 2003).

– Parallèlement au cinéma, il y a la scène. Jean-Luc Bideau a été sociétaire de la Comédie-Française pendant dix ans, et a interprété plusieurs one man shows mis en scène par sa femme, Marcela Salivarova.

– Enfin, il a touché un nouveau public grâce au personnage qu’il a interprété dans la série télévisée «H», aux côtés de Djamel, Eric & Ramzy.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision