La Colombie vote pour une présidentielle inédite entre droite et gauche

(Keystone-ATS) Les Colombiens ont commencé à voter dimanche lors d’un duel inédit entre droite et gauche, au second tour d’une élection cruciale pour la paix. Ce scrutin va désigner le successeur de Juan Manuel Santos, artisan du pacte historique avec l’ex-guérilla FARC.
Le champion de la droite dure, Ivan Duque, 41 ans, affronte Gustavo Petro, 58 ans, premier candidat de gauche à parvenir si loin dans une course présidentielle. Les bureaux de vote sont ouverts jusqu’à 16h00 locales (23h00 suisses).
Dauphin de l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010), farouche opposant à l’accord avec les FARC, Ivan Duque a promis de modifier ce texte, selon lui trop laxiste envers les ex-chefs guérilleros. S’il est élu, il deviendra le plus jeune président de Colombie depuis 1872.
« Continuons à construire un pays en paix, un pays en démocratie, un pays où nous tenons tous et auquel tous nous contribuons », a déclaré M. Santos, 66 ans, en appelant samedi soir les Colombiens à se rendre aux urnes. L’accord avec les FARC, qui a permis le désarmement de 7000 rebelles, lui a valu le prix Nobel de la Paix, mais aussi une impopularité record de 80% dans ce pays de 49 millions d’habitants. Au pouvoir depuis 2010, il ne peut se représenter après deux mandats consécutifs.
Si le pacte, signé fin 2016, a clos plus de 52 ans d’affrontements avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), converties en parti politique, la Colombie peine à émerger du conflit. Elle reste confrontée à une corruption et des inégalités criantes, notamment en matière d’éducation et de santé, ainsi qu’à la violence de groupes armés se disputant le narco-trafic dans ce pays, premier producteur mondial de cocaïne.
La gauche au second tour: c’est inédit
La droite règne depuis toujours. Ivan Duque a remporté 39,14% des voix au premier tour le 27 mai contre 25,08% à Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout. La participation avait été sans précédent (53,9%). Habituellement moins de la moitié des 36 millions d’électeurs votent.
Novice en politique avec un seul mandat comme sénateur, l’avocat et économiste Ivan Duque se défend d’être la « marionnette » d’Alvaro Uribe. Les sondages créditent le candidat du Centre démocratique (CD) de plus de 50%, six à quinze points devant Gustavo Petro.
Mais c’est la première fois que la gauche colombienne, divisée et qui a pâti de la présence des guérillas, arrive aussi loin dans une course présidentielle. Ivan Duque, soutenu par les conservateurs, les partis chrétiens, les évangéliques et l’ultra-droite, défend la liberté d’entreprendre et les valeurs traditionnelles de la famille, en agitant le spectre du Venezuela voisin en faillite.
Il veut réviser l’accord de paix pour envoyer en prison les chefs des ex-FARC coupables de crimes graves et leur barrer l’accès au Parlement, éradiquer « le cancer de la corruption » et relancer la 4e économie d’Amérique latine, en berne avec 1,8% de croissance.
Visions opposées sur l’avenir de la paix
Gustavo Petro, chantre d’une gauche anti-système, promet de l’appliquer et de lancer de profondes réformes favorables aux pauvres. Mais il paye sa proximité avec le défunt président vénézuélien Hugo Chavez, bien qu’il ait désavoué son successeur Nicolas Maduro. Les candidats s’opposent aussi sur le dialogue avec l’Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla du pays. Gustavo Petro veut le poursuivre; Ivan Duque compte durcir la position gouvernementale.
Dans la dernière ligne droite, les deux adversaires ont limité les déclarations, tentant de nouer des alliances. Le report des voix du centre, dont un candidat, Sergio Fajardo, a obtenu 23,7% au premier tour, pourrait peser. Mais le vote blanc aussi.
Pour sa part, le parti FARC (Force alternative révolutionnaire commune) a renoncé après un échec cuisant devant les urnes: il n’avait même pas atteint les 0,5% de voix nécessaires pour dépasser les dix sièges parlementaires octroyés par l’accord.