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La Cour suprême US met fin à la discrimination positive dans les unis

Les six magistrats conservateurs de la Cour suprême ont jugé, contre l'avis des trois progressistes, contraire à la Constitution les procédures d'admission sur les campus prenant en compte la couleur de la peau ou l'origine ethnique des candidats. KEYSTONE/EPA/MICHAEL REYNOLDS sda-ats

(Keystone-ATS) La Cour suprême des Etats-Unis a fait tomber jeudi un des acquis de la lutte pour les droits civiques des années 1960: elle a mis un terme aux programmes de discrimination positive à l’université.

Ses six magistrats conservateurs ont jugé, contre l’avis de leurs trois consoeurs progressistes, contraire à la Constitution les procédures d’admission sur les campus prenant en compte la couleur de la peau ou l’origine ethnique des candidats.

Beaucoup d’universités « ont considéré, à tort, que le fondement de l’identité d’une personne n’était pas sa mise à l’épreuve, les compétences acquises ou les leçons apprises, mais la couleur de sa peau. Notre histoire constitutionnelle ne tolère pas ça », a écrit le magistrat John Roberts au nom de la majorité.

« En d’autres mots, l’étudiant doit être traité en fonction de ses expériences individuelles, mais pas sur des critères raciaux », ajoute-t-il.

« Racisme inversé »

A la fin des années 1960, plusieurs universités très sélectives avaient introduit des critères raciaux et ethniques dans leur procédure d’admission afin de corriger les inégalités issues du passé ségrégationniste des Etats-Unis et d’augmenter la part des étudiants noirs, hispaniques et amérindiens dans leurs effectifs.

Ces politiques dites de « discrimination positive » ont toujours été très critiquées dans les milieux conservateurs, qui les jugent opaques et y voient du « racisme inversé ».

Saisie à plusieurs reprises depuis 1978, la Cour suprême avait interdit les quotas, mais avait toujours autorisé les universités à prendre en compte, parmi d’autres, les critères raciaux. Jusqu’ici, elle jugeait « légitime » la recherche d’une plus grande diversité sur les campus.

« Stéréotypes » raciaux utilisés

Jeudi, elle a fait demi-tour, comme elle l’avait fait le 24 juin 2022 en annulant le droit fédéral à l’avortement qu’elle garantissait depuis 1973.

Elle s’est prononcée dans le cadre d’une plainte déposée en 2014 contre les plus vieilles universités privée et publique des Etats-Unis, Harvard et celle de Caroline du Nord, accusées de discriminer les étudiants d’origine asiatique.

Ces derniers, qui ont des résultats académiques nettement supérieurs à la moyenne, seraient plus nombreux sur les campus si leurs performances étaient le seul critère de sélection, avait plaidé l’association Students for Fair Admission.

La haute Cour leur a donné raison, en estimant que « malgré leurs bonnes intentions », les procédures d’admission dans ces universités utilisaient des catégories raciales « imprécises » et des « stéréotypes » raciaux.

Concert d’applaudissements à droite

Sa volte-face a suscité un concert d’applaudissements à droite. « C’est un grand jour pour l’Amérique », « on revient à un système au mérite », a écrit sur Truth Social l’ex-président républicain Donald Trump, artisan de ce revirement puisqu’il a profondément remanié la Cour pendant son mandat.

Dans une allocution télévisée, le président démocrate Joe Biden a au contraire exprimé son « profond désaccord » et sa « déception » après cet arrêt qui « s’écarte de décennies de jurisprudence ».

Il a appelé les universités à ne pas « abandonner » leur objectif de diversité. « Nous ne pouvons pas laisser la Cour avoir le dernier mot », a-t-il ajouté, en glissant qu’elle n’était « pas normale ».

« Rouge à lèvres sur un cochon »

Des critiques très vives se sont élevées en son sein même. « Six membres non-élus de la majorité ont renversé le statu quo sur la base de leur préférence politique », a écrit la juge Sonia Sotomayor au nom de la minorité progressiste. Ils ont préféré « mettre un vernis incolore sur une société où la question raciale a de l’importance et continuera d’en avoir ».

Certes, la majorité autorise les universités à prendre en compte « les expériences personnelles » des candidats et l’impact de leur couleur de peau sur leur parcours, mais ça revient à mettre « du rouge à lèvres sur un cochon », a-t-elle asséné.

L’impact pourrait être minimisé

L’université Harvard a pourtant laissé entendre qu’elle utiliserait cette ouverture, ce qui pourrait minimiser l’impact de cet arrêt.

« La Cour a jugé que les universités pouvaient prendre en compte dans leurs procédures d’admission ‘les commentaires d’un candidat sur la manière dont sa couleur a affecté sa vie, que ce soit en matière de discrimination, d’inspiration ou autre’. Nous allons certainement nous plier à cette décision », a-t-elle fait savoir jeudi.

Croisée par l’AFP sur son campus près de Boston, Mayan McClinton, une jeune fille de couleur qui prend des cours d’été à Harvard, a souligné que les minorités restaient sous-représentées. « Et c’est injuste de penser que l’on prend les places d’étudiants blancs plus riches… »

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