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La guerre des prix critiquée dans le commerce de détail

Keystone-SDA

La concurrence sur les prix s'est intensifiée dans le commerce de détail alimentaire en Suisse. Censée profiter aux consommateurs, elle ne porte en réalité que sur des articles clés et cache le fait que les prix se trouvent sur une pente ascendante, selon des experts.

(Keystone-ATS) A l’origine, la guerre des prix dans le commerce de détail alimentaire a été lancée en septembre 2024 par Aldi. «Le discounter avait alors annoncé vouloir proposer la viande la moins chère, suscitant ainsi une grande nervosité dans le commerce de détail», retrace Michel Darbellay, directeur adjoint de l’Union suisse des paysans (USP), contacté par l’agence AWP.

Un mois plus tard, afin de s’aligner sur les discounters, Migros lançait son offensive de prix bas, d’abord sur les fruits et légumes, puis depuis mai 2025 sur plus de 1000 produits de consommation courante. «La demande pour ces marchandises, en particulier dans les catégories fruits et légumes, a déjà augmenté de près de 10%», affirme un porte-parole du géant orange.

Pendant ce temps-là, Coop misait sur sa gamme Prix Garantie, qui propose des produits à des prix équivalents à ceux des magasins discount. Avec de bons résultats à la clé selon le détaillant bâlois. «Nous gagnons régulièrement des parts de marché et constatons depuis longtemps une augmentation du nombre de clients», précise une porte-parole.

De son côté, Lidl assurait se concentrer sur des prix durablement bas, et non sur des actions isolées. «Rien que cette année, nous avons réduit les prix de centaines d’articles, parmi lesquels les produits les plus vendus, à savoir les bananes, les croissants, le café et les pâtes. Certains de ces produits ont été réduits à des prix historiquement bas», rapporte le service de presse du discounter.

Après une série d’actions, notamment sur les vins mousseux et le poisson frais, Aldi annonçait mi-octobre 2025, à la surprise générale, vendre son pain mi-blanc de 500 g à 99 centimes. Migros, Coop et Lidl ont immédiatement suivi le mouvement, réduisant non seulement les prix de leur pain mi-blanc mais aussi ceux d’autres produits de boulangerie.

Interrogé par AWP, le Surveillant des prix Stefan Meierhans estime que les répercussions sur les consommateurs de cette concurrence féroce sont globalement positives, car ceux-ci peuvent profiter de prix plus bas. «Aucun effet négatif sur la qualité ou la durabilité n’est à craindre et n’a été observé jusqu’à présent», constate Monsieur Prix.

Les perdants de la guerre des prix

Pourtant, cette politique de promotions à tout va dans le commerce de détail alimentaire ne fait pas que des heureux. «Quand un distributeur baisse ses prix, les autres suivent. Cette hémorragie doit cesser!», interpelle Michel Darbellay.

Pour le directeur adjoint de l’USP, ces baisses de prix, quasi imperceptibles par le consommateur, ne sont qu’une destruction de valeur et réduisent la marge de manoeuvre des grands distributeurs pour rétribuer les producteurs.

Migros, Coop, Lidl et Aldi assurent toutefois que les réductions de prix n’ont aucun impact sur les prix à la production. «Mous investissons sur nos prix en baissant nos marges brutes. C’est le coeur de la stratégie de recentrage. En gros: nous baissons nos coûts pour baisser nos marges brutes», précise le porte-parole de Migros.

Coop affirme également prendre entièrement en charge les frais liés à ces baisses de prix. «Nous payons à nos producteurs des prix équitables et conformes au marché», indique la porte-parole.

Distorsions de la concurrence

L’association Marchés Équitables Suisse va plus loin. Elle a saisi début novembre la Commission de la concurrence (Comco), dénonçant des accords anticoncurrentiels et un comportement abusif sur le marché du pain. «De notre point de vue, les écarts de prix flagrants entre un pain artisanal et un pain industriel ne sont pas seulement les symptômes de deux procédés de fabrication très différents, mais aussi et surtout ceux d’une défaillance structurelle du marché», explique l’association.

Pour Nicolas Inglard, spécialiste du commerce de détail et directeur du cabinet d’études Imadeo à Genève, cette guerre des prix, censée profiter aux consommateurs et à la compétitivité du pays défendue par Monsieur Prix, n’est, au fond, qu’un écran de fumée. «Les recettes du commerce de détail alimentaire sont passées entre 2000 et 2024 de 29,5 milliards à 46,4 milliards de francs, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et l’Institut BAK. Cela est en partie dû à la croissance de la population mais surtout à l’augmentation des prix», analyse-t-il.

Pour l’expert, il n’a y a pas de guerre des prix en Suisse. «Le but des grands distributeurs n’est pas de baisser les prix, mais de modifier l’image des prix qu’ont les consommateurs et cette image se fonde sur quelques articles symboliques», explique M. Inglard tout en prédisant que les prix dans l’alimentation vont poursuivre leur escalade.

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