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La pénurie de jambon de fin d’année jette le peuple dans la rue

La pénurie alimentaire, une donnée à gérer au quotidien à Caracas (archives) KEYSTONE/AP/FERNANDO LLANO sda-ats

(Keystone-ATS) Incontournable des repas de fin d’année au Venezuela, le jambon de porc fera cruellement défaut pour le réveillon, au point de jeter dans les rues les habitants excédés par la pénurie d’aliments. Coupures d’eau et d’électricité font aussi partie du décor.

« Il n’est pas arrivé pour Noël et ne sera pas là pour le nouvel An », se plaint Miriam Brito lors d’une manifestation à Caracas pour réclamer le traditionnel « pernil de cerdo ». Le gouvernement de Nicolas Maduro avait pourtant promis qu’il figurerait parmi les aliments vendus à prix subventionnés.

De petites mobilisations se sont multipliées ces derniers jours dans les quartiers populaires de la capitale et ailleurs dans ce pays en plein marasme économique.

« Voilà quatre mois que nous n’avons pas reçu les caisses des Clap (comités citoyens qui distribuent des aliments subventionnés, ndlr) et on nous a menti avec le jambon », poursuit cette mère de 40 ans. Autour d’elle, une centaine d’habitants bloquent une avenue à l’aide de cordes, de pneus et de débris. Ils tapent sur des casseroles.

Tarif prohibitif

Salaire et bon alimentaire réunis, le revenu minimum des Vénézuéliens est de 450’000 bolivars environ, soit 135 dollars au taux officiel – dans des bureaux de change où les billets verts sont quasiment introuvables -, et 4,5 dollars au marché noir, considéré comme le taux de référence.

C’est ce que coûte dans la rue, à des prix non subventionnés, un kilo et demi de porc. Un tarif prohibitif pour Miriam, caissière dont le salaire dépasse à peine le minimum légal. De leur côté, les Clap vendent le kilo de viande 30 fois moins cher… quand il y en a.

Au-delà de la pénurie qui frappe ce plat des fêtes constitué d’un jambon à l’os rôti, les manifestants se plaignent également des coupures d’eau et d’électricité, fréquentes au Venezuela qui dispose pourtant des plus grandes réserves de pétrole au monde.

La faute au Portugal

Le président Maduro a reconnu des accrocs dans la distribution des fameux jambons mais il a mis cela sur le compte d’un boycott international lié, selon lui, aux sévères sanctions financières infligées par les Etats-Unis et à un « sabotage » du Portugal, d’où proviennent les importations de cette viande.

« Où est passé le jambon ? On nous a saboté. C’est la faute d’un pays: le Portugal (…) On a acheté tout le jambon disponible au Venezuela, absolument tout, et on devait en importer (…), mais on nous a bloqué nos comptes bancaires et deux bateaux qui se dirigeaient » vers le Venezuela, a déclaré dans les médias le dirigeant sud-américain à propos de cette affaire d’Etat.

Lisbonne a réfuté ces accusations. « Le gouvernement portugais n’a pas le pouvoir de saboter le jambon de porc », a rétorqué le ministre des affaires étrangères Augusto Santos Silva. « Nous vivons dans une économie de marché et les exportations sont du ressort des entreprises. Il n’y a pas eu d’interférence politique », selon lui.

Raporal, un des exportateurs portugais de ce jambon à l’os, a indiqué que le Venezuela devait quelque 40 millions d’euros aux fournisseurs lusitaniens.

Du rôti à la place

A Caracas, Jesus Castellanos, cordonnier de 64 ans, manifeste aussi. Nicolas Maduro « a promis à la télévision qu’il allait faire venir les jambons et maintenant il nous sort la fable du Portugal (…) Les gens ne croient plus à ces histoires, le peuple ne peut pas vivre de mensonges! », lance-t-il.

Dans ce quartier du centre-ville, quelques jambons sont bien arrivés. Mais ils étaient insuffisants pour les 300 familles qui les attendaient avec impatience. Les morceaux de viande ont donc été tirés au sort.

Ultime épisode de cette histoire rocambolesque: 15 tonnes de rôti seraient bien en chemin vers le Venezuela, mais la marchandise reste actuellement bloquée à la frontière colombienne, a affirmé Freddy Bernal, chargé de diriger les Clap.

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