Les jeunes Erythréens partis à l’étranger, « une perte » pour Asmara
(Keystone-ATS) Les Erythréens qui partent en Suisse ou dans d’autres pays sont jeunes et bien instruits, c’est « une perte pour nous », affirme un conseiller du président Isaias Afewerki. Le régime d’Asmara « cherche à créer les conditions pour qu’ils restent » dans le pays.
« Nous avons investi beaucoup de ressources et d’argent » sur ces personnes, « nous ne voulons pas qu’elles partent », a déclaré à la Radio suisse italienne (RSI) Yemane Gebreab, directeur politique du parti unique, le Front populaire pour la démocratie et la justice(PFDJ).
Cette interview, diffusée mardi, avait été enregistrée la veille à l’issue d’une rencontre entre M. Gebreab et la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga au siège de l’ONU à New York.
« Ils savent ce qu’il faut dire »
Selon lui, les jeunes savent ce qu’il faut dire à leur arrivée en Suisse pour obtenir l’asile politique ou un permis de résidence. S’ils disent venir pour avoir un meilleur travail, la Confédération ne leur permettra pas de rester.
« C’est pour cela qu’ils doivent dire des choses négatives sur le pays dont ils viennent », assure-t-il. Et d’assurer que seuls 5% des jeunes quittent leur pays. 95% ont donc la possibilité de rester.
Par ailleurs, depuis le début de l’année, 1500 Eryhtréens présumés sont entrés chaque mois en Europe. Sur ce nombre, un tiers « se déclarent comme Erythréens, mais ne le sont pas: ils sont Soudanais, Ethiopiens, etc. », ajoute le conseiller, dénonçant « un traitement spécial pour les Erythréens ».
Crimes contre l’humanité
Début juin, la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme avait dévoilé à Genève un rapport affirmant qu’Asmara est responsable de crimes contre l’humanité. Elle mentionne de l’esclavage, des disparitions forcées, de la torture, de la discrimination ou encore des exécutions extrajudiciaires. Ce texte cible aussi des détentions arbitraires ou des violences sexuelles.
Interrogé sur la situation des droits de l’homme dans son pays, Yemane Gebreab reconnaît l’existence de lacunes dans ce domaine, mais affirme que « les gens ne s’échappent pas d’Erythrée parce qu’ils pensent que leurs droits sont violés ».
Opportunités économiques
« Nous cherchons à construire un système politique en Erythrée. Il faut du temps et nous le prendrons. Mais cela ne veut pas dire que les jeunes sont opprimés et qu’ils s’en vont pour cette raison. Les Erythréens qui sont en Suisse ne sont pas opprimés, ils sont là parce qu’ils cherchent de meilleures opportunités économiques », estime M. Gebreab.
Le dirigeant du PFDJ ajoute que la Suisse voit arriver des personnes du monde entier, pas seulement d’Afrique, parce qu’elles « pensent que la Suisse leur offrira les meilleures opportunités ».
Et de rappeler que « chaque été, des milliers d’Erythréens retournent chez eux pour différentes raisons: (ils rendent) visite à leurs familles, ils se marient, ils ont des activités économiques, ils achètent une maison… S’ils étaient opprimés et qu’ils craignaient pour leur vie, ils ne reviendraient pas chaque été », dit-il.
Impôt sur la diaspora
Le conseiller du président a également été interrogé sur l’impôt que les Erythréens de Suisse sont obligés de payer. « C’est une taxe pour la reconstruction, qui concerne tous les Erythréens de l’étranger », a-t-il expliqué.
Elle a été introduite en 1992. L’Erythrée était alors « un pays dévasté » au sortir de la guerre d’indépendance. « Nous devions le reconstruire. Pour cette raison, nous avons demandé à la diaspora de payer les 2% de son salaire net », ajoute-t-il. Ceux qui ne paient pas vont en prison, comme dans tous les autres pays, « indépendemment du fait que le gouvernement te plaise ou non », conclut-il.