Des perspectives suisses en 10 langues

Pierre Keller va, court, vole pour Lausanne

swissinfo.ch

L'ECAL - Haute école d'art et de design de Lausanne - fait partie des meilleurs lieux de formation artistique du monde. Un succès dû à son directeur Pierre Keller couronné par le Prix de Lausanne pour sa forte contribution au rayonnement du chef-lieu vaudois. Interview.

Fils de syndic et membre du parti radical, Pierre Keller a un profil de notable vaudois, mais pas sa réserve ou son esprit de sérieux.

Depuis des décennies, ce graphiste de formation rayonne dans le monde international de l’art. Un réseau local et international que Pierre Keller met au service de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) qu’il dirige depuis 1995, la propulsant au niveau des meilleures hautes écoles d’art d’Europe, selon un classement de l’hebdomadaire américain Business Week.

swissinfo: Pierre Keller, qu’est qui vous fait courir tout autour de la planète?

Pierre Keller: Pour promouvoir l’ECAL, je voyage en effet beaucoup. Après Pékin, Shanghai et Singapour ces derniers jours, j’irai à Londres, Rome et Athènes, avant de me rendre au Mexique.

L’ECAL est devenue un label qu’il vaut la peine de porter au loin. Je cherche à développer des relations et des partenariats internationaux qui permettent à cette école de rester une des meilleures du monde.

swissinfo: Qu’est-ce qui distingue l’ECAL des autres écoles d’art et de design?

PK: Le bâtiment de l’école qui a été conçu par l’architecte Bernard Tschumi offre de grands espaces libres où les gens peuvent se rencontrer, alors que beaucoup d’écoles sont réparties sur plusieurs lieux, comme à Zurich ou Genève.

Cela dit, je ne suis pas un adepte du mélange généralisé. Avec l’ECAL, nous restons dans le visuel, avec les arts visuels, le cinéma et le design.

Ce n’est pas une école où l’on ne fait qu’apprendre. Nos étudiants se mesurent à ce qui ce fait de meilleur dans leur domaine et nous les mettons en contact, en réseau avec le monde réel de l’industrie, de l’art et de la création.

Résultat: sur les 20 bourses artistiques données cette année par la Confédération, 8 ou 9 sont allée à des étudiants de l’ECAL. Et toute une série de créateurs sortis de notre école cartonnent non seulement en Suisse, mais aussi à l’étranger. Depuis 10 ans, un réseau se déploie dans le monde: celui des «écaliens», les anciens étudiants de notre école.

swissinfo: Vous avez mis en place un master lié à l’industrie du luxe, vos locaux sont sponsorisés par des entreprises de la région, votre école est donc très ouverte sur le monde de l’économie. L’artiste marginal et rebelle, c’est un cliché dépassé?

PK: Le peintre réfugié dans sa mansarde, c’est fini depuis très longtemps. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir de jeunes créateurs, qu’ils soient graphistes, designer, typographe ou artiste, qui nourrissent la culture visuelle d’aujourd’hui.

Les jeunes créateurs comprennent vite les choses et anticipent, ce sont des faiseurs d’image qui ne voient pas comme tout-le-monde. Ils découvrent et transmettent le monde d’une manière particulière. Leur apport peut toucher aussi bien l’identité visuelle d’une entreprise, une nouvelle typographie, du design fou ou fonctionnel. C’est ça que nous essayons de faire, des jeunes passionnés par leurs travaux qui se mesurent sur le plan international.

swissinfo: C’est également ce que fait l’EPFL.

PK: En effet. Je suis un adepte de l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) où j’enseigne également et avec laquelle nous avons noué un partenariat. Aujourd’hui, il faut être souple, réactif, y compris dans les écoles. J’essaye donc de développer des partenariats avec les entreprises tout en préservant notre liberté académique. Ainsi, nous travaillons avec des entreprises comme Nespresso, les horlogers Audemars-Piguet et Hublot ou les porcelaines Bernardaud.

Toutes ses grandes maisons ont besoins de nous pour trouver de nouvelles idées. Dans cette perspective, la crise actuelle est excellente, parce qu’elle oblige les entreprises à être visionnaire et à chercher, un objectif que nous pouvons aider à atteindre.

swissinfo: L’ECAL est située à l’ouest de l’agglomération lausannoise. C’est un terreau fertile pour la création?

PK: Il faut en effet constater que Lausanne glisse vers l’ouest, la seule direction qui peut se développer. Accueillant déjà l’université et l’EPFL, l’Ouest lausannois peut devenir une plateforme exceptionnelle qui devrait attirer d’autres acteurs industriels ou autre.

Lausanne ne sera jamais une grande capitale artistique. Mais c’est assurément une capitale de l’éducation avec l’école hôtelière réputée mondialement, l’IMD, l’EPFL, l’université, l’ECAL, sans compter les grandes écoles genevoises. Là réside le potentiel de cette région à même d’attirer beaucoup d’étrangers.

swissinfo: Comment êtes-vous entré dans le monde de l’art?

PK: A 16 ans, je suis entré à l’Ecole d’art de Lausanne pour en sortir graphiste 4 ans plus tard en 1965. Par la suite, je suis parti en Italie, en Angleterre, au Canada et aux Etats-Unis.

Dès ces années, je me suis fait mon réseau. J’ai pu connaitre de grands artistes comme Tinguely, Christo, Keith Haring, Andy Warhol, Gordon Matta-Clark, Mapplethorp ou Nan Golding.

swissinfo: Et aujourd’hui, quels sont vos artistes fétiches, vos références?

PK: Dans la région, il y a John Armleder, un type exceptionnel, Sylvie Fleury, Fabrice Gygi et sur le plan suisse, des artistes comme Fischli & Weiss ou Pipilotti Rist.

Sur le plan international, j’aime beaucoup la sculpture anglaise comme celle de Tony Gragg, les dernières folies de Damien Hirst ou Jeff Koons.

Frédéric Burnand, Genève, swissinfo.ch

Le 9 janvier 1945, Pierre Keller nait à Gilly, sur la Côte vaudoise.

En 1965, il obtient le diplôme de graphiste de l’Ecole des beaux-Arts et d’Art Appliqué de Lausanne.

Comme artiste, Pierre Keller représente la Suisse à la Biennale internationale de l’affiche de Varsovie, à la 9e Biennale des jeunes de Paris et à la 17e Biennale Internationale de Saõ Paulo.

Il déploie parallèlement une importante activité d’éditeur, d’enseignant, de consultant en art, de curateur d’exposition et d’organisateur.

De 1988 à 1991, il est Délégué du Conseil d’Etat vaudois durant les festivités commémoratives du 700e anniversaire de la Confédération.

Il prend en 1995 la direction de l’ECAL, qu’il conduit en quelques années dans le top ten des hautes écoles d’art européennes.

Pierre Keller siège au Conseil de Fondation du Montreux Jazz Festival.

En 2000, il se voit conférer le grade d’Officier des Arts et les Lettres de la République française. En 2006, il reçoit le Prix du rayonnement de la Fondation vaudoise pour l’art. En 2007, la European University lui décerne à Barcelone le titre de docteur honoris causa.

Fondée L’Ecole cantonale d’art de Lausanne a été fondée en 1821.

Reconnue Cette Haute école d’art et de design offre des formations sont reconnues en Suisse et en Europe.

Filières L’ECAL propose 3 filières bachelor : arts visuels, communication visuelle, design industriel et de produits et 3 master : cinéma, arts visuels, design et industrie du luxe.

Bas nylon Depuis 2007, l’ECAL occupe à Renens (banlieue de Lausanne) une ancienne fabrique de bas nylon transformée par Bernard Tschumi, un architecte suisse basé à New York. Elle compte près de 500 étudiants.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision