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«Il faudra juger le Conseil dans une année»

Jean-Daniel Vigny Keystone

A Lausanne, un forum organisé par la Suisse vient de plancher sur le fonctionnement du Conseil des droits de l'homme. Un vaste chantier, selon Jean-Daniel Vigny.

Le diplomate suisse souligne les points les plus épineux à régler et le temps nécessaire pour que la nouvelle institution soit pleinement opérationnelle.

La Suisse a pris l’initiative d’organiser ce séminaire, suite à l’élection des 47 membres fondateurs du Conseil des droits de l’homme – le 9 mai dernier – par l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Un scrutin durant lequel la Confédération suisse a été élue pour trois ans par 140 voix sur 191 pays.

Vieux routier des négociations onusiennes sur les droits humains, Jean-Daniel Vigny assure que la rencontre lausannoise s’est déroulée dans un esprit positif, tout en rappelant qu’elle n’avait pas pour but de négocier ou de décider quoi que se soit.

swissinfo: Quel était le sens de cette réunion organisée par la Suisse?

Jean-Daniel Vigny: L’objectif était de préparer et de faciliter les consultations informelles entre les 47 membres du Conseil des droits de l’homme (prévues dès cette semaine). Et ce, en présence des pays observateurs et des ONG.

La réunion a attiré près de 350 personnes et la plupart des pays membres de l’ONU étaient représentés. Depuis la création du Conseil, d’autres rencontres informelles ont eu lieu. Mais celle-ci était l’une des plus importantes.

swissinfo: Quelles sont les questions les plus sensibles que devra régler le Conseil cette première année?

J-D. V.: A Lausanne, dix groupes de travail ont planché sur la première session du Conseil des droits de l’homme (prévue dès le 19 juin). Le but n’était pas de négocier, mais de voir où résident les points de friction et ceux où un accord est possible.

Ainsi, la réunion a confirmé que l’examen périodique universel qui permet au Conseil d’analyser le bilan des droits humains de chaque Etat membre de l’ONU – l’une des grandes nouveautés de ce Conseil – demandera beaucoup d’efforts pour être mis en place dans les temps, soit d’ici la fin de l’année.

Il faudra également voir de quelle manière les procédures spéciales et les mécanismes de l’ancienne Commission des droits de l’homme, comme les mandats des enquêteurs indépendants (rapporteurs spéciaux), seront repris par le Conseil des droits de l’homme.

La Suisse va tout faire pour que ces mécanismes soient renforcés, d’autant qu’ils pourraient jouer un rôle important dans l’examen périodique universel. Mais le risque existe qu’ils soient affaiblis.

swissinfo: Deux textes (peuples autochtones et disparition forcée) sont en suspend. Vont-ils être adoptés cette année?

J-D. V.: La première session du Conseil doit normalement adopter la convention sur les disparitions forcées (un traité pour lequel la Suisse s’est beaucoup engagée). Et cette adoption ne devrait pas poser trop de problèmes.

En revanche, le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones sera plus ardu à faire passer. Cela fait en effet 11 ans que les Etats et les représentants des peuples autochtones se disputent sur cette question.

Et des questions aussi sensibles que le droit à l’autodétermination, le contrôle des ressources naturelles, les droits de chasse et de pêche pour ces peuples continuent de susciter l’opposition de quelques Etats.

D’autres projets en voie d’élaboration suscitent également des oppositions. C’est le cas d’un protocole facultatif au pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il vise à établir un mécanisme de plainte individuel, suite, par exemple, à une violation du droit à la sécurité sociale ou aux entraves mises à l’action d’un syndicat libre.

Or, une telle mesure pourrait coûter très cher aux Etats condamnés. Raison pour laquelle beaucoup d’Etats occidentaux sont très méfiants.

swissinfo: Il reste donc beaucoup de questions à régler pour que le Conseil donne la pleine mesure de ses capacités?

J-D. V.: En fait, Il faudrait juger ce Conseil dans une année, quand il sera véritablement opérationnel. D’ici là, il s’agit en effet de bâtir une nouvelle institution en reprenant les acquis bénéfiques de l’ancienne Commission des droits de l’homme, tout en se débarrassant de ses mauvaises pratiques.

Mais tout le monde attend le Conseil au contour. Et ce, dès la première session.

swissinfo: L’ONG genevoise UN Watch demande qu’Israël puisse faire partie du groupe occidental et pouvoir ainsi se porter candidat au Conseil. Cette question a-t-elle été abordée à Lausanne?

J-D. V.: Cette question n’a pas été abordée. Mais elle revient régulièrement sur le tapis et jusqu’à maintenant, le groupe occidental sur les droits humains n’a jamais admis Israël comme observateur ou comme membre de plein droit.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

La Suisse a organisé une réunion exploratoire, suite à l’élection des 47 membres du Conseil des droits de l’homme par l’Assemblée générale de l’ONU à New York.

La Suisse souhaite ainsi créer une plateforme susceptible de faciliter un échange entre délégations à un moment clé de l’établissement du Conseil.

Il s’agissait d’une des premières rencontres d’importance depuis l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU qui a créé le Conseil le 15 mars 2006.

Le ministère suisse des affaires étrangères a déjà organisé en mai et juin de l’an dernier des rencontres similaires à Lausanne.

Elles avaient contribué à faire avancer la réflexion sur l’idée même de création d’un Conseil des droits de l’homme. Et ce pour remplacer la Commission des droits de l’homme, phagocytée par la présence en son sein d’un grand nombre de régimes répressifs.

Le 15 mars 2006, l’Assemblée générale des Nations Unies vote la création du Conseil des droits de l’homme.
Le 9 mai, elle élit les 47 membres du Conseil, dont la Suisse.
Le 19 juin, le Conseil des droits de l’homme tient sa première session.

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