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Un «oui» clair à la voie des bilatérales

Avec le vote de dimanche, les citoyens ont clairement confirmé le choix de la voie des bilatérales. Keystone Archive

En acceptant l'extension de la libre circulation, les Suisses ont confirmé la voie des bilatérales avec l'UE. Une voie empreinte de pragmatisme.

Mais les bilatérales ne règlent pas tout. Il conviendra donc maintenant de déterminer comment les relations avec l’Union européenne (UE) doivent se poursuivre.

Les citoyens étaient confrontés à deux peurs. D’une part à la peur de voir arriver une immigration massive en provenance de l’Est suite à l’ouverture des frontières; d’autre part à celle de voir l’économie suisse en grande difficulté au cas où un refus de l’extension aurait débouché sur une rupture entre Berne et Bruxelles.

Les efforts conjugués de la droite économique et de la gauche ont permis de conjuré ces deux peurs. La droite a clairement fait passer son message, en soulignant que l’économie suisse avait absolument besoin de collaborer avec l’UE, au risque de perdre emplois et compétitivité.

Mais à lui seul, cet argument n’était pas décisif. On se souvient par exemple qu’en 1992, les milieux économiques avaient averti qu’un refus de l’Espace économique européen (EEE) causerait de grosses difficultés à l’économie suisse. Or, cela n’avait pas empêché les citoyens de dire «non».

Le mérite de l’extension de la libre circulation revient donc également à la gauche et aux syndicats. En mettant tout leur poids dans la balance pour convaincre les salariés que les mesures d’accompagnement étaient suffisantes pour palier les risques liés à la libre circulation, ils ont également fortement contribué au résultat de dimanche.

Un pays uni

La Suisse présente un front uni au sortir des urnes. Traditionnellement, les dossiers de politiques européennes montrent un net clivage entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Or cela n’a pas été le cas pour ces votations.

Certes, le soutien à l’extension est un peu plus fort en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Mais les écarts ne sont pas assez grands pour réellement pouvoir parler de fossé.

On n’a pas assisté non plus à un clivage marqué entre régions urbaines et zones rurales. Bien sûr, mis à part le Tessin, les cantons qui ont refusé l’extension sont plutôt agricoles. Cependant, le fait que des cantons comme les Grisons ou Appenzell Rhodes-Extérieures aient dit «oui» montre là aussi que le clivage villes-campagnes était moins net que d’habitude pour un dossier européen.

Choix du pragmatisme

Les vues des Alémaniques et des Romands concernant les rapports avec l’UE semblent s’être rapprochées. La différence n’est plus aussi marquée qu’autrefois.

Côté Romand, on est bien loin des scores du début des années 1990. En 1992, les citoyens des cantons de Vaud, Genève, Jura et Neuchâtel avaient accepté l’entrée de la Suisse dans l’EEE avec des résultats avoisinant 80%. Or aujourd’hui, les deux cantons (Neuchâtel et Vaud) qui ont accepté le plus nettement l’extension de la libre circulation ne l’ont fait «que» par un peu plus de 65% des voix.

En revanche, côté alémanique, plusieurs cantons qui avaient refusé l’EEE à plus de 60% des voix (comme Lucerne, Schaffhouse, les Grisons ou St-Gall) acceptent aujourd’hui l’extension de la libre circulation des personnes.

Avec la voie des bilatérales, le pragmatisme semble donc désormais l’emporter sur les grands débats d’idées sur la construction européenne. Le résultat qui s’en suit est un peu différent des deux côtés de la Sarine. Le pragmatisme semble avoir un peu calmé l’europhilie enthousiaste des Romands, tandis qu’il a poussé les Alémaniques à ne plus voir l’UE comme un épouvantail.

Et maintenant?

Le vote de dimanche constitue sans aucun doute un grand soulagement pour le gouvernement suisse. Il n’aura en effet pas à aller expliquer à Bruxelles que la Suisse refuse désormais de poursuivre sur une voie bilatérale qu’elle a elle-même voulue.

Cependant, les deux paquets actuels d’accords bilatéraux (bilatérales I et II) n’englobent pas tous les aspects des relations entre la Suisse et l’UE. D’où la question: comment faire évoluer ces relations à l’avenir?

Il serait possible de poursuivre sur la voie choisie avec un troisième paquet d’accords. Mais personne jusqu’à présent n’a évoqué en Suisse la possibilité de Bilatérales III. Par ailleurs, il n’est pas certain que l’UE – qui compte désormais 25 membres et qui songe encore à s’agrandir – veuille continuer à négocier des accords particuliers avec un petit pays comme la Suisse.

Reste l’autre possibilité: l’adhésion de la Suisse à l’UE. La demande d’adhésion existe, mais le gouvernement l’a «gelée» suite à plusieurs votes négatifs par le peuple.

Avec les bilatérales, la Suisse est déjà fortement intégrée à l’UE: collaboration policière, libre circulation des marchandises et des personnes, programmes de recherche scientifique, etc. On ne voit donc pas très bien, ce qui la différencie encore d’un Etat membre, si ce n’est qu’elle ne peut pas participer activement aux décisions.

Nul doute qu’avec le vote de dimanche, qui permet d’intégrer un peu plus la Suisse dans l’UE, la délicate question de l’adhésion se reposera.

swissinfo, Olivier Pauchard

Oui: 1’457’355 voix (55,95%).
Non: 1’147’236 (44,05%).
L’extension de la libre circulation a été acceptés par 16 cantons et 3 demi-cantons.
Elle a été rejetée par 4 cantons et 3 demi-cantons.
La participation a atteint 53,6%.

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