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Les cellules solaires de Piccard tiennent bien l’altitude

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Solar Impulse sortira du hangar au printemps. En attendant, les partenaires de Bertrand Piccard ont présenté dans la neige les cellules qui feront voler son avion. Testées au Jungfraujoch, elles ont supporté l'altitude, le froid et les tempêtes.

Véritable nid d’aigle perché sur la roche et la glace entre les sommets du Mönch et de la Jungfrau, le complexe du Jungfraujoch n’est pas seulement un haut lieu du tourisme alpin.

En plus des terrasses et des restaurants panoramiques, de la gare la plus haute d’Europe et des excursions sur les neiges éternelles, le complexe offre un refuge à toute une population de scientifiques. Ici, on observe bien sûr les étoiles, la neige, les glaciers ou le permafrost, mais aussi l’atmosphère, la pollution, le climat ou les rayons cosmiques.

Le Jungfraujoch abrite également la plus haute centrale solaire du monde, installée il y a un peu plus d’un an par la filiale des Forces motrices bernoises (FMB) dévolue aux énergies renouvelables.

Sachant que l’observatoire du Sphinx, point culminant du site, est à 3580 mètres d’altitude, que Solar Impulse volera lui aussi assez haut (8500 m la journée, 1000 à 1500 la nuit) et que les FMB sont partenaires du projet de Bertrand Piccard, le test des cellules solaires dans ce lieu si proche des nuages devenait presque une évidence.

«Bertrand peut y aller»

Début décembre, on a donc installé sur un mur du bâtiment un panneau de 24 cellules photovoltaïques – fabriquées en Californie par Sunpower, un des leaders mondiaux de la branche – et d’une cellule qui mesure le rayonnement solaire.

Particulièrement fines et légères (pour Solar Impulse, chaque gramme compte), ces cellules présentent aussi l’avantage de se laisser «encapsuler» sur une surface non plane, selon une technique mise au point pour la circonstance. Elles pourront ainsi épouser exactement le profil des ailes de l’avion.

Le 16 janvier, les testeurs ont rendu leur verdict. Même dans ces conditions de froid, d’humidité, de vent et parfois de tempêtes, les cellules ont réussi à transformer en électricité 22% de la lumière qu’elles ont reçu du soleil. C’est le double de ce que l’on peut attendre d’une cellule solaire standard trouvée dans le commerce.

«Pour nous, Bertrand peut y aller», affirme alors Martin Pfisterer, patron des énergies renouvelables au sein des FMB.

Message reçu, même si Bertrand Piccard et André Borschberg, les deux pilotes de l’avion, n’assistent pas à la cérémonie du Jungfraujoch ce jour-là. Ils sont en effet avec le ministre Moritz Leuenberger à Abou Dhabi, pour un sommet des entreprises sur les énergies de demain.

En leur nom, c’est donc Luiggino Torrigiani, le troisième homme à l’origine de Solar Impulse, qui accueille la nouvelle.

«Ceci n’est pas un avion»

En quelques mots, l’ingénieur, expert en marketing et administrateur du projet rappelle le défi technique que va constituer la gestion de l’énergie dans cet avion «capable de faire le tour de monde sans utiliser plus de puissance que les ampoules du sapin de Noël de votre commune».

Solar Impulse sera en effet très léger et volera très lentement. La principale difficulté sera de parvenir à emmagasiner suffisamment d’énergie durant le jour pour arriver à rester en l’air durant la nuit.

«En ce sens, Bertrand et André, les deux pilotes, quand ils seront seuls dans leur cockpit, représenteront un peu chacun d’entre nous, qui doit gérer son niveau d’énergie pour tenir la nuit, jusqu’au lendemain», explique Luiggino Torrigiani.

Et de poursuivre en langage imagé, avec une reproduction du célèbre tableau de Magritte, qui, sous l’image hyper réaliste d’une banale pipe en bois, clame «ceci n’est pas une pipe». Ainsi, de la même manière, on peut écrire sous l’image de Solar Impulse «ceci n’est pas un avion».

«C’est un symbole, précise Luiggino Torrigiani, un symbole qui fait pas mal rêver, si j’en juge par les étoiles qui s’allument dans les yeux des gens à qui on en parle. C’est un beau projet, du genre de ceux dont on a bien besoin dans la morosité économique actuelle».

Démontrer des possibles

Car les promoteurs de Solar Impulse savent bien que leur machine n’est pas une alternative à l’aviation civile actuelle, tellement polluante et gourmande en énergies fossiles. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais présenté comme tel.

L’idée, c’est bien plus de démontrer des possibles. Et de donner notamment un coup de fouet au développement de l’énergie photovoltaïque, domaine où la Suisse a d’excellents chercheurs, mais manque encore de filières industrielles.

En annonçant à quelques jours d’intervalle le lancement du projet Romande Energie-EPFL (swissinfo, 15 janvier 2009 – lien sous la photo en haut de page) et cette nouvelle étape vers le décollage de Solar Impulse, le pays montre en tout les cas que les choses avancent.

swissinfo, Marc-André Miserez au Jungfraujoch

Après avoir bouclé en 1999 – avec l’aérostier Brian Jones – le premier tour du monde en ballon sans escale, Bertrand Piccard (petit-fils d’Auguste, premier homme dans la stratosphère et fils de Jacques, premier explorateur des abysses) a lancé le défi de rééditer le voyage avec un avion solaire. Sans consommer un litre de carburant, ni émettre un gramme de CO2.

Initialement prévu sans escales, ce tour du monde devrait finalement se faire en cinq étapes, à partir de 2010-2011. Actuellement, l’avion est en phase de construction sur l’aérodrome militaire de Dübendorf, près de Zurich, d’où il doit faire ses premiers «sauts de puce» ce printemps. Il émigrera ensuite sur un autre aérodrome militaire, à Payerne, dans le Canton de Vaud, qui devrait voir ses premiers vrais vols d’essai.

Très grand, très léger et très peu gourmand en énergie, Solar Impulse a, selon la formule de ses concepteurs, «l’envergure d’un gros porteur, le poids d’une voiture et la puissance d’un scooter».

A l’heure de présenter les résultats des tests de cellules pour Solar Impulse, les dirigeants des FMB n’ont pas manqué de rappeler que le projet de Bertrand Piccard s’inscrit parfaitement dans «l’esprit Mont-Soleil».

Lorsque l’entreprise fonde en 1990 une société vouée à exploiter, au-dessus de St-Imier, dans le Jura bernois, la plus grande centrale photovoltaïque d’Europe, les sarcasmes et les sourires condescendants ne manquent pas.

Aujourd’hui, Mont-Soleil a acquis une réputation internationale grâce aux résultats de ses recherches et à des réalisations comme le plus grand catamaran solaire du monde (qui navigue depuis 2002 sur le Lac de Bienne), ou la centrale installée sur le toit du Stade de Suisse à Berne, qui lui a valu le Prix solaire européen 2005.

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