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Novartis mis en cause aux Etats-Unis

Malgré les effets secondaires, les patients atteints du type de leucémie et du type de cancer de l'estomac visés par Glivec ne doivent pas arrêter leur traitement. Novartis

Une étude américaine conclut que le médicament anti-cancéreux Glivec peut provoquer insuffisance et arrêt cardiaques.

Novartis ne conteste pas que les problèmes cardiaques font partie des effets secondaires de Glivec mais minimise la portée de l’étude.

Cinq ans après son arrivée sur le marché, le médicament qui a ouvert une nouvelle ère dans le traitement du cancer en agissant par ciblage moléculaire est mis sur la sellette.

Commercialisé par Novartis sous le nom de Glivec en Europe et sous celui de Gleevec aux Etats-Unis, et devenu l’un des trois produits pharmaceutiques les plus vendus par le groupe suisse dans le monde, il est accusé de provoquer des insuffisances et des arrêts cardiaques.

C’est ce que conclut une étude américaine publiée cette semaine dans le journal scientifique «Nature Medecine». L’étude, menée par une équipe issue du Jefferson Medical College de Philadelphie, de l’Université Tufts de Boston et de l’Université du Texas, a été dirigée par le docteur Thomas Force, un cardiologue renommé.

Etonnement

«Glivec présente un problème», déclare à swissinfo le docteur Thomas Force. «Glivec a été le premier d’une nouvelle génération de médicaments à mettre en place ce qu’on appelle des thérapies moléculaires ciblées et il agit en inhibant une protéine, or nous avons trouvé qu’en inhibant cette protéine, Glivec abîme les cellules du muscle cardiaque», explique le principal auteur de l’étude américaine.

Thomas Force reconnaît qu’il a été lui-même étonné par cette découverte. «C’est une vraie surprise car a priori, il était absolument absurde qu’un médicament comme Glivec puisse provoquer des problèmes cardiaques», indique le chercheur.

Le docteur Force relève cependant qu’il est déjà établi que l’insuffisance cardiaque et l’arrêt du cœur sont des effets secondaires avérés d’autres médicaments contre le cancer.

La compagnie pharmaceutique Bristol-Myers-Squibb mentionne ainsi sur la boîte de l’un de ses anticancéreux une incidence cardiaque de 3%. Le taux d’incidence cardiaque est de 7% pour le Herceptin de Genentech, prescrit pour le cancer du sein.

Le docteur Force ajoute que les patients qu’il a étudiés n’avaient pas d’historique cardiaque avant de prendre Glivec et qu’ils ont développé une insuffisance cardiaque après avoir reçu Glivec pendant 1 à 14 mois seulement.

La «Food and Drug Administration» (FDA), l’instance américaine de règlementation des médicaments, va-t-elle se mêler du dossier? Le docteur Thomas Force souligne qu’une «plus grande surveillance est nécessaire».

Il affirme néanmoins que «si la FDA décidait d’imposer un protocole pour les essais cliniques d’anticancéreux comme Glivec, les coûts de recherche et de production enregistreraient une augmentation énorme de nature à décourager les compagnies de fabriquer ces médicaments».

Mais il estime qu’il est «certain maintenant que les compagnies pharmaceutiques doivent inclure des études sur l’impact cardiaque dans leurs essais cliniques».

Dimension cardiaque bientôt dans les essais cliniques?

Contactée par swissinfo, la filiale américaine Novartis s’en tient au communiqué publié par le groupe suisse qui minimise la portée de l’étude publiée par ‘Nature Medecine’. «Les données sont limitées et d’autres études sont nécessaires», indique en effet Novartis.

Le docteur Force admet qu’avec la participation de 10 patients seulement, son étude n’est qu’un début dans la compréhension des effets secondaires cardiaques de Glivec. Mais son équipe prévoit des études plus larges portant sur une centaine de patients.

Novartis ne conteste d’ailleurs pas que les problèmes cardiaques font partie des effets secondaires de Glivec. Mais le groupe affirme que «l’incidence d’insuffisance cardiaque est extrêmement rare».

Le docteur Force recommande à Novartis et aux autres compagnies pharmaceutiques d’intégrer la dimension cardiaque dans leurs essais cliniques.

Une source au sein de la filiale américaine de Novartis, qui ne souhaite s’exprimer que sous couvert de l’anonymat, confie à swissinfo que le groupe n’a pas pris de position sur ce point mais qu’il est «possible que nous commencions à inclure un volet cardiaque dans nos essais cliniques».

En tout cas, le docteur Force est d’accord avec Novartis pour dire que les patients atteints du type de leucémie et du type de cancer de l’estomac visés par Glivec ne doivent pas arrêter leur traitement. «Les résultats de notre étude ne doivent pas constituer une préoccupation immédiate pour ces patients parce qu’ils ont tellement besoin de Glivec», indique le cardiologue.

Pour sa part, Novartis affirme que les observations du docteur Force «ne changent pas le rapport positif entre les avantages et les risques de Glivec». Et le groupe suisse rappelle que «dans la catégorie des patients récemment diagnostiqués», le traitement avec Glivec a permis «un taux de survie après cinq ans de plus de 90%».

swissinfo, Marie-Christine Bonzom

Novartis est le quatrième producteur de médicaments dans le monde.
En 2005, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 32,2 milliards de dollars (41,7 milliards de francs) et un bénéfice de 6,1 milliards de dollars (7,8 milliards de francs).

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