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L’alerte enlèvement devient réalité en Suisse

Un enlèvement tel que celui de la petite Ylenia sera désormais signalé rapidement dans tout le pays. Keystone

Depuis le 1er janvier, la Suisse dispose d'un dispositif national de communication en cas d’enlèvement d’enfant. Ce système, qui a fait ses preuves en France, aux Etats-Unis ou au Canada, permettra la diffusion large et rapide d'un message d’alerte.

Enlevée le 31 juillet 2007 à la piscine d’Appenzell, la petite Ylenia avait été retrouvée morte le 15 septembre, soit 47 jours après sa disparition.

Ce drame, qui avait ému tout le pays, a grandement contribué à la mise en place du système entré en vigueur le 1er janvier 2010.

Ce d’autant qu’en mars 2009, le meurtre de Lucie, une jeune fille au pair fribourgeoise de 16 ans dont la disparition avait été signalée près de Zurich, a montré la nécessité de créer une nouvelle forme d’alerte en cas d’enlèvement.

Heures décisives

Désormais, dès qu’une police cantonale recevra un avis d’enlèvement, ou qu’elle soupçonnera fortement un tel acte, elle en fera part à l’Office fédéral de la police (fedpol) à Berne. C’est ce dernier qui se chargera alors de diffuser un message d’alerte relayé par les médias nationaux, les CFF, les services routiers et les grands aéroports du pays.

Les premières heures qui suivent la disparition d’une personne peuvent en effet être décisives pour sauver une victime d’enlèvement, a souligné à la télévision suisse alémanique Roger Schneeberger, secrétaire général de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP). «C’est à ce moment que les chances de rencontrer par hasard le kidnappeur et sa victime sur une route ou dans un lieu public sont les plus importantes.»

Mais, précise Roger Schneeberger, l’alerte enlèvement ne sera déclenchée que «si l’enfant est vraisemblablement en danger, et pas dans le cas d’une simple disparition». Ces cas sont en effet trop fréquents. «Si elle est déclenchée trop souvent, l’alerte enlèvement pourrait perdre de son efficacité», estime-t-il.

Succès en France

En France, le système d’alerte national, qui existe depuis quelques années, a déjà été actionnné plusieurs fois. Selon la police française, il a jusqu’ici permis d’éviter que quatre enlèvement ne tournent au drame.

L’un des éléments clés de ce système est l’utilisation des médias électroniques, qui assurent une réaction rapide. En Suisse, même la télévision diffusera l’alerte. Elle apparaîtra sous forme de message déroulant au bas de l’écran. Il est également prévu de diffuser une photo de l’enfant disparu entre les différentes émissions, et ceci durant plusieurs heures.

«L’exemple de la France montre que dans plusieurs cas, les alertes ont porté leurs fruits», a déclaré Hansruedi Schoch, rédacteur en chef à la télévision alémanique. «Pour la télévision alémanique, il est important d’être impliqué dans un tel dispositif et d’apporter notre contribution.» Les agences de presse participeront elle aussi.

Enfin, il est également prévu d’impliquer les opérateurs de téléphonie mobile d’ici la fin de cette année. A l’avenir, tous les abonnés pourraient donc recevoir un message d’alerte en cas d’enlèvement d’enfant.

Pressions au Parlement

En 2008 déjà, un groupe de pression avait rassemblé plus de 32’000 signatures afin que soit mis en place le dispositif devenu aujourd’hui réalité grâce à un processus parlementaire, parfois critiqué pour sa lenteur au regard de l’urgence du sujet.

Au printemps 2009, le Conseil national (Chambre basse), suivant le Conseil des Etats (Chambre haute), a donné une impulsion décisive en accentuant la pression sur les autorités cantonales afin qu’elles instaurent une coopération avec les médias, les entreprises de transport et de télécommunication, ainsi que les associations de proches des victimes d’enlèvement.

A l’origine d’une motion demandant la création d’un système d’alerte enlèvement, le parlementaire radical (PLR, droite) Didier Burkhalter – devenu membre du gouvernement en novembre dernier – avait alors préconisé le modèle français, lequel, avait-il déclaré à swissinfo.ch, «a fait ses preuves.»

De fait, les appels visant à la mise en place d’un tel système se sont avérés plus pressants en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Une différence que Didier Burkhalter expliquait par le fait que les Romands, habitués à regarder la télévision française, étaient plus conscients de la nécessité de ce genre d’alerte.

«Mais une fois que le système sera compris et que les gens verront son utilité, il deviendra un outil supplémentaire pour les policiers. Il sera alors approuvé, en Suisse alémanique aussi», juge-t-il.

swissinfo.ch

Inspiré des systèmes mis en place aux Etats-Unis (1996) et au Québec (2003), le dispositif français fonctionne depuis février 2006.

C’est le procureur de la République qui déclenche l’alerte, pour autant que l’on ait affaire à un enlèvement avéré, que la victime soit mineure, que son intégrité physique ou sa vie soient en danger, que des éléments d’informations permettent de localiser l’enfant ou le suspect et que les parents aient donné leur accord.

Le message d’alerte, qui doit être «simple, précis et solennel» est alors diffusé partout où cela est possible: radios, télévisions, gares, aéroports, panneaux sur les autoroutes…

L’efficacité semble totale: jusqu’ici, l’alerte a été déclenchée sept fois et si l’on excepte la première, qui était une fausse alerte (les enfants sont rentrés d’eux-mêmes), la ou les victimes ont à chaque fois été retrouvés en moins de 24 heures, grâce à des témoignages de personnes ayant vu ou entendu les messages.

Fort de ce succès, la France a suggéré aux 27 pays de l’UE d’adopter le système au niveau européen.

Pour l’heure, les discussions sont en cours, mais les Français ont déjà procédé à deux exercices transfrontaliers, l’un avec la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, l’autre avec le Royaume-Uni.

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SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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