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La Suisse ne forme pas assez de médecins

Les médecins en formation ne sont pas assez nombreux. Keystone

Dans les universités, le nombre d'étudiants en médecine devrait être augmenté de 20%, a averti hier le Conseil suisse de la science et de la technologie (CSST). Le but est de prévenir une pénurie de docteurs.

Aujourd’hui, le système de santé suisse ne fonctionne que grâce à l’arrivée de médecins étrangers.

En lançant ce cri d’alarme dans un rapport, la CSST espère endiguer le décalage entre le nombre de médecins formés en Suisse, leur choix de spécialisation et les besoins du système de santé. Le temps presse, a affirmé Susanne Suter, présidente du Conseil lundi devant la presse.

Les effets d’une réforme ne seront perceptibles qu’après douze ans (six ans d’études de médecine, plus trois à six ans de spécialisation). En dopant la formation, la Suisse suivrait la tendance internationale. La France a décidé d’augmenter de 15% la capacité d’accueil de ses facultés, l’Autriche de 20%, les Etats-Unis visent 30% et la Grande-Bretagne va créer 1000 places d’études supplémentaires.

Actuellement, l’accès aux études médicales est strictement limité, via des numeri clausi ou des sélections sévères en fin de 1ère année. En 2007, plus de 2000 jeunes auraient voulu se lancer dans la médecine alors que seules 984 places étaient disponibles.

Besoins existants

Le vieillissement de la population, entre autres, exige un renforcement de la branche. Les hôpitaux ont toujours davantage besoin de médecins, notamment du fait de la limitation du temps de travail à 50 heures hebdomadaires et d’une spécialisation accrue.

Les femmes, qui sont toujours plus nombreuses à exercer, mais aussi de plus en plus d’hommes optent en outre pour des temps partiels.

Parallèlement, de moins en moins d’étudiants se destinent à la médecine de premier recours. Actuellement 20% des médecins sont des généralistes mais seuls 10% des docteurs en devenir souhaitent prendre le relais. Le moratoire sur l’ouverture de nouveaux cabinets a renforcé ce phénomène, a expliqué Susanne Suter.

Médecins importés

Résultat: le système suisse de santé ne fonctionne que grâce à un afflux croissant de médecins étrangers. Le pourcentage de médecins assistants venus d’Europe, en particulier d’Allemagne, a plus que doublé en sept ans, passant de 16 à 39%.

Or ce flux migratoire a un inconvénient majeur: il prive les pays d’origine des médecins dont ils ont besoin. Selon la CSST, la Suisse, qui dispose d’un système de formation de très grande qualité, devrait plutôt exporter des médecins qu’en importer.

Mieux cibler la formation

Outre une hausse des capacités des facultés de médecine, qui devrait avoir lieu indépendamment d’une éventuelle suppression du numerus clausus, la CSST plaide pour plus de flexibilité. Il faudra mieux distinguer entre médecine en pratique indépendante et médecine hospitalière et adapter les contenus des formations et des méthodes pédagogiques.

Le nombre de titres de spécialistes reconnus en Suisse pourrait très bien passer de 44 actuellement – dont seuls 14 sont reconnus au niveau européen – à 15 ou 20. Le processus de Bologne et la nouvelle loi sur les hautes écoles pourront permettre d’engager une réforme en profondeur du système. Selon la CSST, celle-ci devrait être confiée aux facultés en collaboration avec les médecins praticiens.

Réticences

La Conférence universitaire suisse se prononcera sur ces recommandations en avril 2008, à l’issue d’une consultation. Des doutes se font déjà entendre. Une hausse de 20% des capacités représenterait la création d’une nouvelle faculté de médecine. Se poseraient alors des problèmes de qualité de l’enseignement et de financement.

La Fédération suisse des médecins (FMH) est quant à elle réfractaire à une réforme de la formation postgraduée des médecins, Dans un communiqué, elle juge «totalement inutile d’accroître encore le lourd appareil administratif du Département fédéral de l’intérieur (DFI)». Et de rappeler qu’elle officie déjà comme organisation accréditée par le DFI pour la formation postgraduée.

swissinfo avec les agences

En 2006, il y avait en Suisse environ 29’000 médecins, dont 54% travaillaient comme indépendants.
Leur nombre a augmenté de 11% depuis 2002.
Entre 2000 et 2006, le nombre de médecins assistants étrangers à presque doublé, passant de 1620 à 3100, alors que celui des suisses a baissé de 6690 à 5572.
Un tiers des médecins sont des femmes. En 2000, leur part était de 29%.

Le moratoire sur l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux a été introduit en juillet 2002 par la ministre de l’Intérieur de l’époque, Ruth Dreifuss. La mesure a été prise notamment pour enrayer l’explosion des coûts de la santé, partant du principe que la multiplication de l’offre médicale augmente la consommation.

Mais la mesure visait surtout à éviter un afflux massif de médecins en provenance de l’Union européenne, puisque l’accord sur la libre circulation des personnes leur permet de venir plus facilement s’installer en Suisse et y ouvrir un cabinet.

Ce moratoire doit prendre fin le 3 juillet 2008.

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