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Un couac dans le transfert de la route au rail

Voir des camions sur un train est devenu familier en Suisse. Ex-press

Aux yeux du Tribunal administratif fédéral, le gouvernement a augmenté la redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP) de manière illégitime. Or si cette augmentation devait être invalidée, c'est toute la politique suisse de transfert du trafic de la route au rail qui serait ralentie.

Les entreprises de transport ont remporté un premier succès dans leur combat contre la hausse de la RPLP. En effet, dans un récent jugement, le Tribunal fédéral administratif (TAF) a reconnu qu’avec cette augmentation, ces entreprises payaient davantage que ce qu’elles ne provoquaient comme coûts, ce qui est contraire à l’esprit de la loi.

Le TAF a ainsi admis un recours déposé par l’Association suisse des transports routiers (ASTAG) et par une entreprise de la branche.

Les coûts liés aux engorgements du réseau routier – c’est-à-dire les coûts dus aux pertes de temps provoquées par les bouchons – ne doivent pas être compensés spécifiquement par les poids lourds, a estimé le TAF. C’est la raison pour laquelle la hausse de quelque 10% de la RPLP que le gouvernement avait adoptée en 2008 n’est pas légitime et qu’elle doit être annulée.

Cette hausse avait dès le départ provoqué une levée de bouclier chez les entreprises de transport routier. Celles-ci avaient d’abord fait recours auprès de la Direction générale des douanes. Et suite au refus de cette dernière d’entrer en matière, les entreprises s’étaient tournées vers le TAF, qui leur a donc finalement donné raison.

«Revers pour la politique de transfert du trafic»

Cette décision du TAF constitue un revers pour la politique de transfert du trafic de la route au rail, a de son côté commenté le ministère suisse des Transports (DETEC). En effet, la RPLP constitue un élément central de cette politique que les citoyens ont à plusieurs reprises confirmée par la voie des urnes.

Le DETEC rappelle ainsi que la valeur moyenne de 325 francs de redevance visée par la 3e et dernière augmentation sur le trajet de référence entre Bâle et Chiasso était au centre de la votation populaire de 1998. Et avant cela, le peuple avait déjà approuvé le principe de la RPLP ainsi que son augmentation progressive.

Le ministre des Transports en personne s’est montré surpris par la décision du TAF. Sur les ondes de la radio alémanique DRS, Moritz Leuenberger s’est dit «pratiquement sûr» que cette décision fera l’objet d’un recours. Par ailleurs, le ministre a estimé que ce jugement posait problème tant du point de vue de la politique de transfert que d’un point de vue démocratique.

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Une décision illégale

La vision des choses est toute différente pour Adrian Amstutz, député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et président de l’ASTAG. Une adaptation qui contrevient aux prescriptions légales et qui veut transformer un instrument de politique écologique en instrument de politique fiscale est inadmissible, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

Pour le vice-président de l’ASTAG, Jean-Daniel Faucherre, il est évident que le gouvernement a agi de manière arbitraire et contraire au droit lorsqu’il a augmenté la redevance en 2008. Selon lui, les juges ont apporté la preuve qu’il est plus important de prendre en considération l’Etat de droit que «des rêves et des fantaisies de transfert».

150 millions de pertes

Mais que ce passerait-il si la Confédération faisait recours auprès du Tribunal fédéral (TF, Cour suprême) et que celui-ci donne à son tour raison aux entreprises de transport?

Si ce montant maximal de 325 francs conclu avec l’Union européenne dans le cadre de l’accord bilatéral sur les transports terrestres s’avérait contraire au droit, la Confédération perdrait plus de 150 millions de francs par an, déclare à swissinfo.ch Peter Bieri, sénateur démocrate-chrétien et président de la Commission des transports de la Chambre haute. «Cela ralentirait fortement le transfert du trafic vers le rail», juge-t-il.

En effet, cet argent ne manquerait pas seulement pour la construction des Nouvelles liaisons ferroviaires alpines (NLFA), mais aussi pour la poursuite du développement de Rail 2000 ou encore pour le raccordement au réseau à grande vitesse.

Si cette solution de la RPLP, acceptée après une longue lutte tant par le peuple suisse que par l’UE et qui représente aujourd’hui un modèle en matière de transfert de la route au rail, était chamboulée, cela provoquerait une grande incertitude. «Cela déboucherait à nouveau sur des négociations difficiles et pèserait sur les relations avec l’UE», craint le sénateur.

Peter Bieri s’inquiète également de la déconnection qui existe entre l’accord sur les transports terrestres, qui a été accepté sur des bases politiques, et l’approche économique d’aujourd’hui qui se base sur des arguments scientifiques et des faits.

Pour le sénateur, il s’agit finalement de savoir quelle valeur il convient de donner au transfert du trafic vers le rail. «Celui qui vit près d’une autoroute considère tout ceci différemment de celui qui en vit éloigné», conclut Peter Bieri.

Corine Buchser, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

La redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) est une redevance fédérale.

Elle est perçue en fonction du poids total du véhicule, de sa catégorie d’émissions et des kilomètres parcourus en Suisse et dans la principauté de Liechtenstein.

Elle doit être payée pour tous les véhicules à moteur et remorques qui présentent un poids total de plus de 3,5 tonnes, qui sont utilisés pour le transport de choses et sont immatriculés en Suisse ou à l’étranger et empruntent le réseau routier public en Suisse.

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