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Aide au suicide: Dignitas recourt à tour de bras

Préparation du breuvage létal dans l’appartement de Dignitas à Zurich. Keystone Archive

Le Tribunal fédéral vient de débouter Dignitas qui avait recouru contre une décision d’autopsie à Zurich. Le même cas fait l’objet d’un autre recours dans le canton d’Argovie.

L’association espère faire reconnaître la prise en charge de malades psychiques.

L’association d’aide au suicide Dignitas – qui fait régulièrement parler d’elle en acceptant les patients étrangers – se bat sur tous les fronts.

Même s’il vient d’être débouté par le Tribunal fédéral (TF), son fondateur et secrétaire général, l’avocat Ludwig Minelli, croit en la justesse de sa cause.

«Nous recevons toujours plus de demandes de l’étranger. Elles proviennent même de l’Australie», affirme-t-il pour montrer à quel point Dignitas répond à un besoin.

L’avocat espère aussi que le cas qui vient d’occuper Mon-Repos – et qui a aussi suscité une procédure dans le canton d’Argovie – ouvre les esprits. Révélés par le «Tages-Anzeiger» mi-juillet, les faits se sont déroulés en février 2002.

Frère et sœur

Un frère et une soeur français, âgés de 31 et de 29 ans, qui, selon Dignitas, souffraient «depuis l’enfance d’une maladie psychique, avec angoisses et délires de persécution» ont bu le breuvage létal prescrit par un médecin, dans l’appartement de l’association à Zurich.

Le lendemain, une procureure a ordonné une autopsie, qui a eu lieu le jour d’après, malgré le recours de Ludwig Minelli.

L’avocat, qui se prévalait d’une procuration signée par le frère et la soeur, lui donnant pleins pouvoirs pour régler l’après-décès, recourait ensuite devant le TF.

Pas de protection post mortem

Le 4 juillet dernier, la haute cour a rendu son verdict final: elle ne reconnaît pas le droit à la protection de la personnalité «post mortem», qui existe par exemple en Allemagne.

En d’autres termes, des personnes décédées n’ont plus de compétence juridique et ne peuvent pas faire recours ou se faire représenter par un avocat.

Quant à la question de savoir si une autopsie peut être refusée par écrit, préventivement, le TF ne répond. Il n’est, en effet, pas entré en matière sur le recours de droit public portant sur ce point.

«Bâtons dans les roues»

Selon Ludwig Minelli, le procureur zurichois Andreas Brunner- connu pour ses critiques envers l’accueil d’étrangers et de malades psychiques – ordonne plus d’autopsies que nécessaire pour «nous mettre des batons dans les roues».

«Il peut de cette façon montrer que ça coûte cher à la collectivité et demander à ce que les frais soient reportés sur nous», critique Ludwig Minelli.

Le procureur était en vacances hier mais, dans le «Tages-Anzeiger», il avait répliqué qu’une autopsie se décide toujours sur la base de soupçons clairs et après discussion avec le médecin légiste.

Quant à l’Institut de médecine légale de Zurich, il se base sur une étude concernant les membres d’Exit, selon laquelle seuls 5 cas sur 147 ont fait l’objet d’une autopsie entre 1990 et 2000.

Jusqu’ici, à Zurich, aucun cas n’a débouché sur l’ouverture d’une enquête pour aide active au suicide, une forme d’assistance interdite en Suisse.

Fréquentes à Bâle

A Bâle, les autopsies de personnes s’étant suicidées ou étant décédées dans des circonstances peu claires sont quasi automatiques.

«Nous renonçons à l’exiger seulement lorsque la cause du décès peut être clairement fournie par le médecin légiste, explique Markus Melzl du Ministère public de Bâle-Ville. Dans le cas de l’aide au suicide, l’ordonnance du médecin accompagnant ne suffit pas.»

Pas d’autopsie en Suisse romande

Rien de tel en Suisse romande. «Seul Vaud exige un transfert à l’Institut de médecine légale, mais pour un examen externe, pas pour une autopsie», explique le président d’Exit Suisse romande Jérôme Sobel.

«Le but est de rendre le corps à la famille le plus vite possible. Dans les autres cantons, un médecin légiste vient constater le décès sur place», précise le président.

Le cas des deux jeunes Français n’est cependant pas clos. Le médecin ayant prescrit le breuvage fatal, qui exerce dans le canton d’Argovie, s’est en effet vu interdire de prescrir des narcotiques par le Département de la santé, sous peine de perdre son autorisation de pratiquer.

On lui reproche trois cas d’aide au suicide au total. C’est l’Institut de médecine légale de Zurich qui a averti le canton voisin.

Conseil d’Etat argovien sollicité

Là aussi, Ludwig Minelli a fait recours. Le Conseil d’Etat doit trancher, «vraisemblablement vers la fin de l’automne, indique Andreas Schefer, du Service juridique compétent. Mais si la décision est attaquée, les procédures pourraient durer des années.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich

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