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« Bébés volés »: un ex-médecin reconnu coupable mais non condamné

L'ancien gynécologue était accusé par Ines Madrigal, 49 ans, de l'avoir séparée de sa mère biologique et d'avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969. KEYSTONE/AP/MANU FERNANDEZ sda-ats

(Keystone-ATS) Un ancien gynécologue de 85 ans, jugé dans le premier procès en Espagne des « bébés volés » du franquisme, a été reconnu coupable lundi. Il n’a toutefois pas été condamné, en raison de la prescription des faits, a annoncé le tribunal madrilène en charge de l’affaire.

Dans sa décision, le tribunal madrilène chargé de l’affaire indique « absoudre » Eduardo Vela tout en le considérant « auteur de tous les délits » dont il était accusé. Le parquet avait, lui, requis onze ans de prison à son encontre.

Eduardo Vela, considéré comme l’un des principaux acteurs du trafic d’enfants alors qu’il était obstétricien à la clinique San Ramon de Madrid, était accusé par Ines Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l’avoir séparée de sa mère biologique et d’avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969. Avec la complicité d’un prêtre jésuite, Mme Madrigal avait été confiée à Inès Pérez, une femme stérile alors âgée de 46 ans.

« Détention illégale »

Selon le tribunal, il est « prouvé » que le docteur Vela a « certifié de sa main » qu’Ines Perez avait accouché d’une petite fille ce jour-là, « ce qui n’a jamais eu lieu ». Mais selon les juges, le délit le plus grave de « détention illégale », dont le délai de prescription est de 10 ans, était déjà prescrit quand Ines Madrigal a déposé sa plainte en 2012.

« Je suis partagée », a réagi Mme Madrigal, qui va faire appel devant la Cour suprême. « Evidemment, je suis contente parce qu’il est reconnu qu’Eduardo Vela a fait tout ce qu’il a fait mais je ne pensais pas que les juges s’arrêteraient à la question de la prescription », a-t-elle dit.

Le procès avait débuté le 26 juin mais avait dû être reporté pour une deuxième journée d’audience début septembre. Eduardo Vela, qui se déplace en fauteuil roulant, avait été admis aux urgences le 27 juin.

Durant l’instruction, le médecin avait reconnu avoir signé « sans regarder » le dossier médical indiquant qu’il avait assisté à la naissance d’Ines Madrigal. Il s’était rétracté durant le procès, affirmant ne pas reconnaître sa signature.

Milliers d’enfants

L’un des témoins du procès, une journaliste française, Emilie Helmbacher, avait réalisé en 2013 un reportage pour la chaîne France 2 sur le sujet. Elle avait raconté que le Dr Vela, filmé en caméra cachée, lui avait laissé entendre qu’il avait confié le nouveau-né à Inès Pérez et précisé qu’elle « n’avait pas payé ».

Dénoncé depuis longtemps par la presse et des associations de victimes, l’octogénaire a été le premier à s’asseoir sur le banc des accusés pour ce trafic qui pourrait avoir concerné des milliers d’enfants depuis la dictature de Franco (1939-1975).

Les enfants étaient, souvent avec la complicité de l’Eglise catholique, retirés à leurs parents après l’accouchement et déclarés morts sans qu’on leur en fournisse la preuve. Ils étaient ensuite adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime « national-catholique ».

« Gène » du marxisme

Né pendant la répression qui a suivi la guerre civile (1936-1939) pour soustraire les enfants à des opposantes accusées de leur transmettre le « gène » du marxisme, le trafic a touché à partir des années 1950 des enfants nés hors mariage ou dans des familles pauvres ou très nombreuses. Il a ensuite perduré sous la démocratie, au moins jusqu’en 1987, cette fois uniquement pour des raisons financières.

Malgré l’ampleur du scandale, aucune des plus de 2000 plaintes déposées selon les associations n’a abouti, souvent en raison de la prescription des faits.

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