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Bollywood version suisse, le ‘oui’ du public

Cobra Film

Tandoori Love, le premier film de Bollywood réalisé par un suisse, a été diffusé dans le cadre du Festival International du Film de Goa, dans le sud de l'Inde. Une première asiatique qui a remporté les faveurs des spectateurs.

Des gros plans de choucroute, des oreilles et des joues de porc versées dans de l’eau bouillante. Le début du film est violent pour le public indien. Lorsque la saucisse de foie s’entrouvre, la chair apparaît et dans l’assistance, quelqu’un pousse un «arghhh» de dégoût. Bienvenue chez les Hirschen, une ‘Gaststube’ familiale dans un traditionnel village bernois.

Quelques minutes plus tard, les spectateurs assistent à l’arrivée d’une équipe de tournage indienne. Dans ses bagages, une jeune starlette de Bombay qui veut «vivre comme Heidi» et un cuisinier, bientôt amoureux fou de la serveuse des Hirschen. L’Inde et la Suisse se rencontrent… sur le fond et sur la forme. Des déclarations d’amour chantées et dansées en plein coeur de la Migros, voilà une scène encore inédite dans la filmographie européenne!

A la sortie, le public indien du festival est conquis. «C’était à la fois un film suisse et un film de Bollywood, analyse Saurabh. Il y avait des chansons, des danses et plein de coïncidences dans l’histoire – comme chez nous – mais les paysages étaient typiquement suisses.»

Caricature ou réalité?

Tandoori Love se moque des Suisses comme des Indiens. Les Hirschen ont un chien handicapé qui circule avec une prothèse de roues arrière. Le producteur bombayite se fait arrêter à la frontière avec des bouteilles d’alcool, de l’argent liquide et d’autres substances illicites. Tout semble exagéré et pourtant…

«On sent que le réalisateur connaît bien le monde de Bollywood: le producteur et le manager sont des gens brutaux, secs, comme dans la réalité. Le film montre aussi les rapports hiérarchiques qu’on voit dans le milieu du cinéma indien», explique Rinki Roy, la fille d’un des grands réalisateurs indiens aujourd’hui décédé, Bimal Roy.

Autre particularité de Tandoori Love: ses séquences ‘cuisine’ filmées avec une étonnante sensualité. Ici découper des fraises, faire revenir des petits oignons et écraser des pommes de terre fait partie de l’entreprise de séduction. Un parti pris voulu par le réalisateur, le Soleurois Oliver Paulus: «Pour moi, mêler la cuisine avec la danse et la musique, c’est quelque chose de très beau! C’est ce qui fait l’une des caractéristiques du film».

Réaliser un «Swiss Bollywood» par amour pour l’Inde et sa cuisine, l’idée lui trottait dans la tête depuis longtemps: «18 ans en arrière, lors de mon premier voyage en Inde, je suis tombé nez à nez avec la Suisse en regardant des films de Bollywood, quelque part dans un village du sous-continent. Je me suis rendu compte que beaucoup de scènes de films indiens étaient tournées en Suisse. Cette ‘découverte’ amusante a été l’inspiration subliminale de Tandoori Love», raconte le jeune réalisateur.
Il écrit donc un premier scénario il y a une dizaine d’années. Mais impossible à l’époque de trouver un financement. Il faudra attendre que la vague Bollywood déferle en Europe pour qu’Oliver Paulus puisse ressortir son projet.

La valse des mamans

Enfin, il pourra tourner son Bollywood… neuf semaines de tournage avec deux équipes, une suisse et une indienne, et des mini chocs culturels pour tous. «Avec les Suisses, on tournait en une journée ce qu’on tourne à Bollywood en une demi-journée ou en deux heures!», sourit Asif Basra qui joue le rôle du producteur de cinéma, «ils sont très organisés, chacun a son rôle. Chez nous, tout le monde touche à tout.»

Surprise côté helvétique, l’importance de la famille indienne: Shweta Agarwal, la jeune comédienne de 21 ans, est venue en Suisse accompagnée de sa mère. Mais ce n’était pas la seule: celle qui joue le rôle de sa mère sur la pellicule est aussi arrivée avec sa propre maman!

Sans parler des habitudes alimentaires de chacun ou des rythmes de travail, les plus petits détails révèlent parfois un fossé culturel: «On avait deux groupes de maquilleurs, l’un venu de Bombay et l’autre local. Ils n’étaient pas d’accord: les indiens ont l’habitude de mettre d’énormes couches de fond de teint. Et tous les jours, c’étaient des discussions sans fin sur la moustache de Vijay Raaz. Il fallait la replacer à chaque prise de vue», se souvient Oliver Paulus.

Promixités inattendues

Mais le film a aussi permis de découvrir des proximités inattendues entre l’Inde et la Suisse, notamment la musique. «Nous nous sommes rendu compte que les musiques folkloriques des deux pays se ressemblent», explique Marcel Vaid, le compositeur de Tandoori Love, «du coup, on a mélangé les instruments et les styles des deux pays». Résultat: une chorégraphie style Bollywood avec une farandole de vaches et de paysans suisses sur fond de cor des Alpes et de yodle.

A la suite de l’accueil positif du public de Goa, des distributeurs locaux ont pris contact avec l’équipe de Tandoori Love. Après la Suisse et ses pays voisins, le film pourrait bientôt être distribué en Inde et au Pakistan.

swissinfo, Miyuki Droz Aramaki, New Delhi

Réalisé par le Soleurois Oliver Paulus, Tandoori Love est une comédie romantique.

Le film raconte les aventures d’une serveuse d’Interlaken, Sonia, partagée entre son patron et fiancé, le très helvétique Markus et Rajah, un cuisinier indien.

Ce dernier, tombé amoureux de l’héroïne, abandonne l’équipe de tournage indienne avec laquelle il est arrivé en Suisse. Mais l’actrice principale du film indien n’a pas l’intention de le laisser partir….

Avec un budget de 4,3 millions de CHF, il s’agit du premier film de style Bollywood réalisé par un suisse. Les acteurs sont à moitié suisses, à moitié indiens. Lavinia Wilson, Martin Schick, Shweta Agarwal et Vijay Raaz tiennent les rôles principaux.

La coproduction suisse, allemande et autrichienne dure 100 minutes, ses dialogues ont été tournés en suisse allemand, anglais et hindi.

La sortie commerciale de Tandoori Love est prévue pour janvier en Suisse allemande, un peu plus tard en Suisse Romande.

Situé dans l’Etat touristique de Goa, le Festival International du Film en Inde (IFFI) est la plus ancienne compétition de cinéma dans le pays.

Sa 39ème édition a lieu du 22 novembre au 2 décembre 2008.

Une quinzaine de films, surtout originaires de pays asiatiques, seront en compétition.

De nombreux autres films, venus du monde entier seront diffusés pendant la durée de l’événement.

Tandoori Love est l’un des cinq films présentés dans la catégorie « L’Inde filmée à travers le monde ».

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