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Le rejet de «No Billag» ravit les Suisses de France

Tour de la SSR à Berne
Avec une redevance réduite, l'heure est aux économies pour la SSR. Entre autres mesures envisagées: le déménagement de la direction générale, qui pourrait quitter son imposant siège en ville de Berne. swissinfo.ch

Réunis à Aix-les-Bains à l’occasion de leur Congrès annuel, les Suisses de France ont salué le rejet de l’initiative «No Billag». Les membres de la Cinquième Suisse s’étaient clairement engagés contre cette initiative qui menaçait l’existence des médias publics helvétiques.

Le 4 mars, les citoyens rejetaient massivement – par 71,6% des voix et à l’unanimité des cantons – l’initiative «No Billag». Emanant de mouvements de jeunesse d’inspiration libertarienne et soutenue par l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), cette initiative demandait la suppression de la redevance servant à financer les médias audiovisuels suisses.

Très large soutien

Présente au congrès de l’Union des Associations Suisses de France (UASF), la rédactrice en chef de swissinfo.ch, Larissa Bieler, est revenue sur les enjeux et l’analyse de ce scrutin devant un public largement conquis à la cause du service public. 

L’Organisation des Suisses de l’étranger avait en effet officiellement pris position contre l’initiative. Dans un éditorial publié dans la «Revue Suisse», son président Remo Gysin déclarait notamment: «On peut revenir sur les détails et envisager des améliorations, mais dans l’ensemble, la Société Suisse de radiodiffusion et télévision est remarquable. A une époque marquée par la dispersion de l’information en ligne, elle est proche des gens et garante d’une information, d’une communication et de divertissements de qualité.»

Les Suisses de l’étranger avaient par ailleurs un intérêt spécifique au rejet de l’initiative. En effet, une suppression de la redevance aurait très certainement marqué aussi la fin de swissinfo.ch, une unité d’entreprise de la SSR qui fournit des informations spécifiques aux Suisses de l’étranger, et ce dans dix langues. 

Ce large soutien de la Cinquième Suisse s’est retrouvé massivement confirmé dans les urnes. Dans les douze cantons qui tiennent un décompte séparé des voix des Suisses de l’étranger, il est apparu que le rejet de l’initiative par les expatriés a été partout plus fort qu’en moyenne nationale. Dans deux cantons, Genève et Bâle-Ville, il a même atteint plus de 82%.

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Une menace bien réelle

Devant les Suisses de France, Larissa Bieler a rappelé que l’initiative constituait une menace bien réelle pour la SSR et que son acceptation aurait marqué de fait la fin de la SSR.

Les partisans de l’initiative affirmaient que la suppression de la redevance aurait pu être compensée, notamment en rendant l’offre des médias publics payants, par exemple au travers d’une offre d’abonnement. Une chimère, aux yeux de la rédactrice en chef de swissinfo.ch. 

Sur le budget annuel de 1,64 milliard de la SSR, 1,25 milliard, soit plus de 75% proviennent de la redevance. Quant aux recettes commerciales, elles ne représentent «que» 280 millions de francs, selon les chiffres présentés par Gilles Marchand, directeur général de la SSR.

Compenser une part aussi importante du budget sur la base de l’offre et de la demande aurait été une mission quasiment impossible, surtout dans un marché médiatique largement sous pression depuis plusieurs années. L’acceptation de l’initiative «No Billag» aurait donc bel et bien été synonyme de fermeture pour la SSR. 

Principe des «petits ruisseaux»

Il n’en reste pas moins que le rejet massif de l’initiative – tant en Suisse que parmi les expatriés – sort de l’ordinaire. D’autant que l’idée de supprimer une taxe de plusieurs centaines de francs avait de quoi séduire.

Pour Larissa Bieler, cela peut s’expliquer par le vieux principe qui veut que «les petits ruisseaux font les grandes rivières». C’est ainsi que la multiplication des oppositions a pu provoquer ce résultat final massif. Outre les Suisses de l’étranger, d’autres milieux étaient très majoritairement hostiles à l’initiative. 

La gauche, par exemple, qui a par principe tendance à privilégier un service public fort plutôt que les seules lois du marché.

Les régions périphériques avaient aussi un intérêt marqué à maintenir les activités de la SSR. Au Tessin par exemple, cette dernière représente le principal pourvoyeur d’emplois après le canton. Ou encore dans les Grisons, le service public semble le seul à même de garantir une couverture télévisée et radiophonique de l’actualité en romanche. Des acteurs privés auraient d’énormes difficultés à évoluer dans un marché si restreint sans aide étatique.

Un dernier exemple avec les milieux sportifs et culturels qui se sont eux aussi massivement mobilisés en faveur de la SSR. En effet, bon nombre de manifestations ou de réalisations profitent du soutien financier du service public. 

Les privés pour la redevance

Les médias privés justement ont aussi leur part dans la déroute de «No Billag». Les radios et les télévisions privées de Suisse ont en effet milité pour le rejet de l’initiative.

Une partie de la redevance est rétrocédée à ces diffuseurs privés, pour autant qu’ils assument une mission de service public, c’est-à-dire diffuser des informations quotidiennes aux heures de grande écoute sur la vie politique, culturelle, sociale ou encore sportive d’une région. 

Actuellement, les diffuseurs privés reçoivent 65,5 millions de francs par an provenant de la redevance. Et dès l’an prochain, ce montant atteindra 81 millions. 

Certes, cette somme ne représente qu’une très petite partie de la redevance – 5% actuellement et 6% dès l’an prochain. Mais cet argent est vital pour les médias privés. Selon l’Office fédéral de la communication, la redevance représente par exemple en moyenne 53% du budget des télévisions locales suisses.

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Pas d’effet «génération Netflix»

Une analyse VOTO vient encore d’apporter un éclairage sur le vote du 4 mars. Les enquêtes VOTO sont menées par le centre de recherches FORS, le centre d’études sur la démocratie d’Aarau (ZDA) et l’institut de sondage LINK.

Pendant la campagne, les partisans de l’initiative ont souvent insisté sur le fait que la redevance servait à financer des médias d’une autre époque. Selon eux, les jeunes d’aujourd’hui ne consomment plus les médias de la même manière que leurs parents.

Ils regardent peu la télévision et écoutent peu la radio, préférant consulter les médias directement sur des téléphones, ordinateurs ou tablettes. Les jeunes pratiqueraient une consommation médiatique «à la carte», n’hésitant pas au passage à payer pour disposer de contenus qui les intéressent, par exemple auprès de Netflix. 

Et bien surprise, les moins de 30 ans, ceux que l’on avait justement qualifiés de «génération Netflix» durant la campagne, sont ceux qui ont le plus largement refusé l’initiative. A contrario, ce sont les quadragénaires qui ont été le plus convaincus par «No Billag», avec un taux d’acceptation de 40%. 

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Encore des défis à venir

Devant les Suisses de France, Larissa Bieler a encore rappelé que les défis restent nombreux à relever pour la SSR, malgré le vote positif du 4 mars. 

Avant même le vote, Doris Leuthard, ministre en charge de la communication, avait annoncé que la redevance coûtera aux ménages 365 francs par an dès le 1er janvier, au lieu de 451 francs actuellement. Une opération marketing pour «vendre» aux citoyens un service public ne coûtant qu’un franc par jour. 

Mais ce ne pourrait être qu’un début. Dès le soir du vote, Doris Leuthard déclarait que le montant de la redevance sera réexaminé tous les deux ans. «Cela va clairement vers le bas, vers les 300 francs», a averti la ministre.

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Indépendamment de l’évolution future, la SSR est donc appelée à se serrer la ceinture dès le 1er janvier, avec un budget annuel plafonné à 1,2 milliard de francs. La direction générale de la SSR évoque déjà un premier plan d’économies de 100 millions de francs qui prendra effet sur cinq ans dès 2019. 
 
Par ailleurs, l’institution publique est appelée à concrétiser les réformes promises durant la campagne.    

Principale communauté suisse à l’étranger

Selon les données du Département fédéral des affaires étrangères, on dénombrait 77’923 expatriés suisses dans le monde au 31 décembre 2016.

La France est le pays étranger où il y a le plus de citoyens suisses établis. On en dénombrait 200’730 au 31 décembre 2016, contre seulement 89’390 en Allemagne et 81’075 aux Etats-Unis, respectivement 2e et 3e pays de destination.

La France est également le pays qui compte le plus de binationaux: 82,9% des Suisses établis dans l’Hexagone ont la double nationalité suisse et française.

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SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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