
Aujourd’hui en Suisse
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En cette dernière semaine d’une session parlementaire d’automne quelque peu chahutée par les manifestants écologistes, les élus suisses réunis à Berne n’ont pas chômé.
Les deux Chambres fédérales ont bouclé la loi Covid-19, qui vise principalement à prolonger des aides financières jusqu’à la fin de l’année. Elles ont aussi -enfin- réussi à s’entendre sur la substance de la future loi sur le CO2, l’outil par lequel la Suisse espère atteindre ses objectifs climatiques.
Les juges fédéraux ont été réélus, malgré une controverse sur leur indépendance politique. Et un procureur extraordinaire a reçu la confiance du Parlement pour instruire l’enquête sur Michael Lauber, l’ancien procureur général de la Confédération.
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Les Chambres fédérales ont finalisé la nouvelle loi sur le CO2, après un long feuilleton parlementaire. La réforme introduit plusieurs mesures qui doivent permettre à la Suisse de tenir son engagement de réduire, d’ici 2030, ses émissions de CO2 de moitié par rapport à 1990, avec l’espoir de contenir le réchauffement climatique à 1,5 degré.
Cette réforme prévoit une taxe sur les billets d’avion de ligne. Le montant variera entre 30 et 120 francs, selon la distance et la classe de transport. Les vols en jets privés seront également taxés. Le mazout coûtera lui aussi plus cher, puisque le plafond de la taxe sur les combustibles fossiles passera de 120 à 210 francs par tonne de CO2.
Le prix de l’essence sera majoré -jusqu’à 10 centimes par litre dans un premier temps, puis jusqu’à 12 centimes dès 2025. Des mesures ont aussi été prévues pour favoriser la conversion écologique des transports publics. Dans le domaine des bâtiments, les émissions des nouvelles installations de chauffage devront être drastiquement réduites.
La loi prévoit encore la création d’un Fonds pour le climat. Son but sera d’encourager les mesures en faveur de la lutte contre le changement climatique. Le peuple devrait avoir le dernier mot sur cette réforme de la loi CO2, l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) ayant déjà annoncé son intention de soutenir un éventuel référendum lancé par les organisations économiques touchées.
- Loi sur le CO2 sous toit – La Suisse peut tenir ses engagements – la dépêche de l’ATS
- La couverture de la session parlementaire d’automne sur RTSinfo.chLien externe
- Géraldine Pflieger: «La Suisse est de plus en plus crédible dans son action climatique»
- La Suisse réduit ses émissions de CO2, mais pas assez vite
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Les manifestants pour le climat, qui occupaient depuis lundi la Place fédérale à Berne, ont été évacués quelques heures avant la reprise des débats. La ville de Berne leur avait proposé à plusieurs reprises de déplacer leur camp sur une base volontaire, ce qu’ils ont refusé. Après un dernier ultimatum ignoré mardi soir, la municipalité a demandé à la police d’intervenir.
Les activistes ont opté pour la résistance passive. Sans s’opposer mais en jouant les poids morts, ils ont attendu que les agents les portent pour les déloger. Certaines personnes enchaînées à des objets ont dû être détachées au sécateur. La police a également démonté leurs installations et interpellé plusieurs manifestants.
Cette action a pimenté la session parlementaire, qui prendra fin vendredi, et fortement divisé les élus. Le camp bourgeois, comme les présidences des Chambres fédérales, insistaient sur l’illégalité de ce campement, les manifestations étant interdites devant le Palais fédéral pendant les sessions parlementaires. La gauche y voyait surtout un combat légitime face à l’urgence climatique.
Existe-t-il alors un moyen de préserver le climat qui mettrait tout le monde d’accord? Katrin Schregenberger, rédactrice en chef de la revue scientifique higgs.ch, lance une piste: l’instauration d’une «semaine nationale d’expérimentation climatique». Cette option permettrait, selon elle, de «tester de nouvelles stratégies», d’en «identifier concrètement les avantages et les inconvénients» et «recueillerait certainement une plus large adhésion» en étant «plus économique et efficace».
- Avons-nous besoin chaque année d’une pause pour le climat? – L’opinion de Katrin Schregenberger
- Evacuation dans le calme des militants du climat à Berne – la dépêche de l’ATS
- La police a évacué les manifestants pour le climat de la Place fédérale – la couverture multimédia de RTSinfo.chLien externe
- 23’000 paraphes pour que la place financière respecte le climat – la dépêche de l’ATS sur la pétition déposée ce mercredi par Greenpeace
- Le confinement n’a pas freiné les grévistes du climat – l’article de ma collègue Katy Romy
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Les 38 juges au Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire suisse, ont été réélus par l’Assemblée fédérale. Y compris le magistrat Yves Donzallaz, qui faisait l’objet d’une attaque inédite de la part de son parti, l’UDC.
Ces dernières années, Yves Donzallaz a rendu à plusieurs reprises des verdicts allant à l’encontre de la politique de l’UDC – raison pour laquelle le parti de droite conservatrice appelait à ne pas le réélire (le Valaisan de 58 ans avait pourtant été nommé à ce poste en 2008 par le patriarche de l’UDC, Christoph Blocher).
Défendant la séparation des pouvoirs, tous les autres groupes ont rejeté la proposition de l’UDC. Il y a quelques jours, le spécialiste du sujet Lorenz Langer expliquait à swissinfo.ch qu’on n’avait encore jamais vu de parti politique tenter de destituer un juge fédéral.
L’article rappelait aussi que le mode d’élection des juges de la cour suprême suisse est critiqué à l’étranger. En 2018, le Conseil de l’Europe l’a qualifié d’«incompatible avec les principes d’une démocratie moderne». Il juge particulièrement critiquable le fait que les juges élus doivent donner chaque année une partie de leur salaire à leur formation politique et y voit une forme de financement indirect des partis. Une initiative populaire a d’ailleurs abouti l’an dernier pour demander que l’élection des juges du Tribunal fédéral se fasse par tirage au sort.
- Le juge Yves Donzallaz reconduit contre l’avis de l’UDC – la dépêche de l’ATS
- Psychodrame évité pour le Tribunal fédéral – l’articleLien externe (réservé aux abonnés) de ma consœur du Temps
- Les juges fédéraux doivent-ils être politiquement indépendants? – le débat de l’émission ForumLien externe de la RTS
- La Suisse a un problème avec l’indépendance de ses juges fédéraux – l’article de mon collègue Bruno Kaufmann

Le Parlement a aussi accordé sa confiance à Stefan Keller, élu procureur général extraordinaire de la Confédération. Il sera chargé d’instruire l’enquête sur les rencontres secrètes entre l’ancien procureur général de la Confédération, Michael Lauber, et le président de la FIFA, Gianni Infantino.
Cette élection va-t-elle représenter un tournant dans l’affaire? Ma collègue Marie Vuilleumier s’est entretenue avec Rémi Dupré, journaliste pour le quotidien français Le Monde et spécialiste des affaires judiciaires liées à la FIFA. Pour le journaliste, l’élection de Stefan Keller devrait, en principe, accélérer l’enquête pénale qu’il a lui-même ouverte fin juillet.
Les rencontres secrètes «ont eu un fort impact à la fois médiatique et politique», analyse Rémi Dupré. «Elles ont terni l’image du Ministère public de la Confédération (MPC), soupçonné de collusion avec la FIFA dirigée par M. Infantino, elle-même partie civile et plaignante.» Par voie de conséquence, elles ont aussi porté atteinte à l’image de la Suisse à l’étranger, selon le journaliste.
Les procédures judiciaires en cours en Suisse auront «inévitablement (…) un impact sur l’image de la FIFA», affirme-t-il encore dans l’interview. «Cette nouvelle affaire met en exergue (…) l’aspect systémique des scandales à la FIFA. (…) Les réformes mises en place en 2016 (limite des mandats du président, transparence concernant les salaires) avant l’arrivée au pouvoir de M. Infantino semblent n’avoir pas suffi à changer la donne.»
- Rémi Dupré: «Les procédures judiciaires suisses auront un impact sur l’image de la FIFA»
- Infantino et Lauber sont dans le collimateur de la justice – l’article (réservé aux abonnés) de 24 HeuresLien externe
- Levée de l’immunité de Michael Lauber demandée en lien avec l’affaire FIFA
- Corruption à la FIFA: 25 procédures pénales et un procureur sur la sellette

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