Climage célèbre ses 40 ans avec une rétrospective à la Cinémathèque
Les films de Climage sont à (re) découvrir à la Cinémathèque suisse à Lausanne jusqu'à la fin de l'année. Le cinéaste Stéphane Goël évoque une aventure humaine et artistique toujours vivante, malgré l’absence de Fernand Melgar, figure marquante du documentaire suisse.
(Keystone-ATS) Fernand Melgar a refusé que ses films soient projetés. «Il ne veut plus qu’ils soient montrés dans ce contexte», a dit le réalisateur et producteur Stéphane Goël. «Je suis profondément attristé, car pour moi, les films les plus importants produits par Climage sont ceux de Melgar, comme ‘La Forteresse’ ou ‘Vol spécial’. Ce sont des œuvres majeures.»
Cette absence témoigne d’une rupture. «C’est une réécriture de notre histoire», estime le cinéaste. Fernand Melgar avait quitté la maison de production lausannoise Climage en 2018, avant la polémique liée à la diffusion d’images de dealers à Lausanne sur les réseaux sociaux. «Depuis, il s’est complètement coupé du milieu du cinéma.»
Fondée dans les années 1980 par une poignée de vidéastes romands, Climage a longtemps fonctionné comme un collectif horizontal, où les moyens et les succès étaient partagés. «Le succès d’un film bénéficiait à tout le monde», rappelle Stéphane Goël. «On achetait ensemble les caméras, les ordinateurs, le local.»
«Les Dames» en 2018
Mais le temps a fait évoluer la structure. «Il y a eu un moment où il fallait devenir adulte», explique le cinéaste. Le départ de Fernand Melgar a marqué un tournant. «J’ai ressenti le besoin d’ouvrir Climage, de ne plus être un entre-soi de mecs vieillissants. Le premier film que nous avons produit à l’extérieur, c’est ‘Les Dames’ de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond en 2018.»
Cette ouverture a entraîné une transformation progressive vers une véritable société de production. Climage accueille désormais de jeunes réalisateurs et réalisatrices, issus de divers horizons. «On a produit «Ardente.x.s» de Patrick Muroni, «Impériale» de Coline Confort, «Maman danse» de Megan Brügger. C’est important de transmettre notre savoir-faire et de ne pas garder la reconnaissance pour soi.»
De nouveaux territoires
Aujourd’hui, la maison lausannoise s’aventure dans de nouveaux territoires, comme la réalité virtuelle (VR). «On a toujours été curieux des nouvelles formes. Dans les années 80, on expérimentait déjà avec la vidéo. Maintenant, on s’intéresse à la VR, qui permet de nouvelles expériences immersives, comme avec ‘Rave’.»
Pour Stéphane Goël, cette évolution s’inscrit dans la continuité de l’esprit Climage. «Le monde de la production change vite, personne ne sait ce que sera le cinéma demain. Peut-être qu’on produira des youtubeurs ou des tiktokers. L’important, c’est de raconter des histoires, quel que soit le support.»
Goût intact pour le réel
Stéphane Goël revendique pourtant une vraie passion pour le réel. «Le documentaire a su préserver quelque chose que le journalisme perd: le temps et les moyens d’aller en profondeur.» Pour le cinéaste, cet espace de liberté est essentiel dans un monde où «le journalisme est attaqué de toutes parts».
A 60 ans, Stéphane Goël se dit «moins préoccupé par l’ego du réalisateur» et plus attentif à la transmission. «J’ai envie de faire bénéficier les plus jeunes de mes compétences, de mes contacts, de mon réseau.»
Sa plus grande fierté reste «d’avoir créé comme une famille autour de Climage, un lieu où j’aime venir chaque jour, un espace ouvert où l’on peut parler, échanger, accueillir des projets».
Quant à l’avenir, le cinéaste reste lucide. «Si la SSR disparaît et que tout «se Netflixise», on ne sera pas les mieux armés pour survivre. Mais tant qu’il y aura un public pour le documentaire, on aura encore quelque chose à dire.»
Climage compte trois producteurs permanents: Pascaline Sordet, Stéphane Goël et Daniel Wyss. L’équipe collabore régulièrement avec une poignée de réalisateurs et scénaristes, dont Céline Pernet.
Le 14 et le 29 novembre, la Cinémathèque suisse célèbrera quarante ans de création avec deux soirées de projection exceptionnelle.