
Balthus, à la croisée du nord et du sud, du passé et du présent

Alors que le village de Rossinière vient d'enterrer le peintre Balthus, retour sur son oeuvre et sa trajectoire en compagnie de Gérard Regnier, conservateur du Musée Picasso à Paris.
Gérard Regnier, Jean Clair sous son nom de plume, est également le co-auteur, avec Virginie Monnier, du catalogue raisonné de l’œuvre complète de Balthus. Une oeuvre qui s’échelonne sur une durée de 80 ans, pour une production relativement limitée: environ 350 peintures et 2000 dessins, «ce qui est peu en regard des 40 000 oeuvres de Picasso, mais beaucoup comparé aux 32 tableaux de Vermeer» commente Gérard Regnier.
«Balthus était très attaché au métier de peintre, à une approche classique qui supposait beaucoup de temps. Beaucoup de méditation, mais aussi un faire assez lent, opposé à la rapidité d’une peinture plus conforme aux canons de la modernité.»
Pour les tenants de l’art contemporain, c’est bel et bien là que le bât blesse: Balthus semble emprunter davantage à la source des grands maîtres italiens et français – Della Francesca, Poussin, David – qu’aux courants du présent, notamment le non-figuratif.
«Picasso lui-même est passé à côté du non-figuratif. On pourrait faire une histoire de la peinture du 20ème siècle en éliminant complètement l’abstraction, ça n’y changerait pas grand chose, à mon avis», ironise Gérard Regnier.
«Je crois tout de même que Balthus est passé à travers toutes les avant-gardes de son époque, et qu’il en a retenu ce qui pouvait l’attirer.» Et Gérard Regnier de citer aussi bien la «peinture métaphysique» de l’Italien Giorgio de Chirico que la «nouvelle objectivité allemande, tournée vers une appréhension assez tragique, assez noire de l’humanité. Il ne faut pas oublier que Balthus est d’origine centre-européenne, entre la Pologne et l’Allemagne prussienne, et que cet arrière-fond est toujours très présent dans son œuvre.»
Une origine centre-européenne, l’influence des maîtres italiens, l’importance de Paris, nombril du monde en matière de peinture dans la première moitié du 20e siècle, cette triple composante n’est pas étrangère, selon Gérard Regnier, au fait que Balthus, né comte Balthazar Klossowski de Rola, ait choisi de vivre en Suisse, et cela dès 1977.
«L’enfance de Balthus s’est déroulée en Suisse, c’est là qu’il a eu ses premières expériences de peintre. De ce point de vue, il était profondément attaché à la Suisse, qui est aussi un pays au confluent des influences germanique, française et italienne. Il se trouvait ainsi au cœur d’une rose des vents dont il était lui-même le fruit, entre Berlin, Rome et la Toscane, et Paris.»
Bernard Léchot

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