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BB King’s Montreux Blues Club

BB King et Carlos Santana, une complicité certaine. MJF - Lionel Flusin

Le roi du Blues, 85 ans, n’en est plus à faire officiellement ses adieux… Il joue aux USA, fait escale en Europe, et poursuit sa route. Dimanche à Montreux, Carlos Santana, John McLaughlin et bien d’autres sont venus lui rendre hommage, transformant le vaste auditorium en club intimiste.

«Je suis très tranquille. Je ne réalise pas encore. En fait, c’est comme la fois où j’ai joué avec Chuck Berry: le sentiment d’avoir déjà joué avec eux.» Ces propos, c’est le pianiste suisse Silvan Zingg qui les tient, une heure à peine avant que le spectacle commence.

Né à Lugano, pianiste de blues et de boogie depuis toujours ou presque. «Au début, je jouais en écoutant des disques, BB King en particulier, et j’imitais ce que faisais son pianiste», dit-il.

Depuis, il a arpenté les scènes d’ici et d’ailleurs, fondé le Boogie Woogie Festival de Lugano, donné des cours sur l’histoire du Boogie à l’Université du Texas, à Brownsville… et a été appelé par Claude Nobs pour venir participer à cette soirée montreusienne pas comme les autres.

Showman

Alors que BB King est un vieux monsieur et que le blues a emprunté mille chemins, quel regard Silvan Zinng porte-t-il sur Mr. King? «Bien sûr, il a un jeu extraordinaire. Mais c’est aussi une forte présence scénique. Un showman. Et ça compte».

 

En 2006, BB King était venu saluer, une dernière fois croyait-on, le Montreux Jazz Festival (lire «Les incroyables adieux de BB King à Montreux»). Il y avait déjà du beau monde ce soir-là: George Duke, Joe Sample, Stanley Clarke, John MacLaughlin, David Sanborn. Et un festival de voix avec Randy Crawford, Gladys Knight, Leela James, Earl Thomas et Barbara Hendricks…

Depuis, malgré ses adieux, il est revenu. Et cette année encore, pour la 20ème fois au MJF. Pour cette édition, il s’est offert un concert samedi au Miles Davis Hall. Et dimanche soir, a investi la scène de l’Auditorium Stravinsky pour une soirée de gala baptisée avec humour «Welcome to the Chairman of the Board». Avec un sacré conseil d’administration autour de lui et de «Lucille»…

Du concert…

Huit musiciens entrent en scène, le BB King’s Blues Band, et propose deux instrumentaux avant que la star fasse son entrée en scène, en noir et or,  la démarche difficile mais l’œil vif, et prenne place sur la chaise qui l’attend. On lui tend Lucille, les premières notes en jaillissent. Moelleuses, un peu étouffées. Le son et le phrasé ne sont plus aussi incisifs qu’auparavant, mais restent reconnaissables à la seconde.  I Need You So, suivi de Rock Me Baby, puis See That My Grave Is Kept Clean.

 

BB King joue peu, chante légèrement davantage, et parle beaucoup, éternel complice du public. Un showman, disait Silvan Zinng? Oui, depuis toujours et aujourd’hui encore.

Puis le spectacle va changer son cours. Carlos Santana sera le premier à rejoindre le bluesman et, une Fender Stratocaster à la main (le fait est suffisamment rare chez Santana pour qu’on le mentionne, si si), nous montrera la facette blues de son talent.

Moment d’intimité. Le groupe continuant de jouer en sourdine, BB et Carlos dialoguent, évoquent des souvenirs, se marrent, quelques notes fusant çà et là. On esquisse Everyday I Have The Blues, puis on lance un blues en ‘E minor’, à la fin duquel Santana glisse vers la mélodie de Summertime, ciselée. Moment rare.

… à la jam

Arrivent ensuite Suzan Tedeschi et Derek Trucks, vus la veille en première partie de Santana. Derek Trucks, virtuose de la slide guitar. Mais c’est surtout la blondeur de Suzan Tedeschi qui fait s’extasier le vieux BB.

Cindy Blackmann, Madame Santana, fera un petit tour côté batterie, puis viendront John McLaughlin, la chanteuse Shemekia Copeland – fille du bluesman Johnny Copeland. My Mama Told Me est chanté par Shemekia et Suzan, BB King a l’œil et le verbe fripons, visiblement enchanté d’être pour une fois entouré de femmes sur scène.

Les chansons sont rarement abouties, BB King transformant chaque thème en ‘talking blues’ décontracté. De leur côté, Carlos Santana et John McLaughlin assurent tranquillement leur job d’accompagnateurs, comme s’ils oubliaient qui ils sont.

Dernières arrivées: les remarquables Robert Randolph à la pedal steel guitar et Ladell McLin (guitariste de Chicago, dans la lignée de d’un Stevie Ray Vaughan), et les régionaux de l’étape, Silvan Zingg, qui trouvera l’espace requis pour un joli solo de piano, et, trop discret, la star du blues helvétique, Philipp Fankhauser.

Carlos Santana parviendra soudain à faire basculer les choses vers une échappée latino, sous l’œil surpris et quelque peu dépaysé de BB, avant que le thème de The Thrill Is Gone, magique, ne s’élève. Certains spectateurs s’en vont, sans doute déçus. Ils s’attendaient à un concert, et sont tombés sur une jam session, avec autant de perles que de tunnels, de temps creux que de temps forts. Rien à voir avec les soirées de gala hyper préparées qu’on a pu voir parfois à Montreux. Là, le plateau est riche, mais l’improvisation règne, chaos de luxe, sympathique, bordélique et chaleureux.

Ceux qui seront restés jusqu’à la fin ovationneront le «Chairman of the Board» et les siens avec amour, se rendant compte que si cette fois les adieux ne sont pas officiellement annoncés, ce moment d’exception ressemble beaucoup à une fin. La vieille silhouette de BB King se retire, gentiment…

Vingt minutes plus tard, la scène de l’Auditorium Stravinsky reprend vie, se remplit de musiciens, qui s’attaquent à un blues-rock échevelé. Parmi eux, les indéboulonnables Tedeschi et Trucks, Ladell McLinn, Silvan Zingg, et John McLaughlin. «Why I Sing The Blues», dirait BB King.

Mississipi. BB King est né Riley B. King, en 1925, à Itta Bene, dans le delta du Mississipi. Elevé par sa mère et sa grand-mère, il développe une vrai passion pour les guitaristes de blues et de jazz.

Musique. Gospel à l’église, puis musique de rue à Indianola, il se rend en 1943 à Greenwood, dans le Mississippi où il enregistre pour la première fois pour la radio.

Memphis. Il déménage ensuite à Memphis. ‘Beale Street Blue Boy’, puis ‘Blue Boy’, sera simplifié en BB. Aujourd’hui, l’enseigne du BB King’s Blues Club brille au 143 de Beale Street…

Succès. En 1949, il commence à enregistrer des albums et collectionne les tubes dès les années 50. You Know I Love You, Woke Up This MorningPlease Love Me, When My Heart Beats like a Hammer, Every Day I Have the Blues, Please Accept My Love

Thrill. The Thrill is gone, en 1969, est un tube qui dépasse largement les frontières du blues. La même année, BB King assure la première partie des Rolling Stones lors de leur tournée américaine.

Scène. A partir du milieu des années 80, il enregistre de moins en moins mais reste sur le devant de la scène en se produisant jusqu’à 300 jours par an.

 

Derniers albums. Après «80», publié en 2005 pour ses 80 ans, collection de duos avec notamment Eric Clapton, Mark Knopfler, Glenn Frey (Eagles), Roger Daltrey (Who), Elton John ou Sheryl Crow, BB King a sorti son 24e disque studio en 2008, One Kind Favor, qui a décroché le Grammy Award 2009 de la catégorie «Best traditionnal blues album».

45ème. L’édition 2011 du Montreux Jazz Festival se tiend du 1er au 16 juillet.

Concerts payants. A l’Auditorium Stravinsky (4000 places) et au Miles Davis Hall (2500 places)…. voir document joint.

 

Musique en mouvement. Plusieurs trains et bateaux se transforment en lieux de concerts et d’animation.

Montreux Jazz Café: Dès 20h30, le Festival propose de revivre des concerts issus de ses archives. Dans la soirée, des groupes internationaux sont programmés, dans tous les genres musicaux.

 

Studio 41 / Cocktail Garden: ambiance feutrée dès 20h, House et Electro dès 23h.

 

Music In The Park: Concerts gratuits en plein air au Parc Vernex.

 

Workshops: Les artistes rencontrent le public. Démonstration technique, débat, parcours personnel…

Concours: Piano, voix, Tremplin lémanique… Trois concours visent à faire émerger de nouveaux talents.

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