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Bernard Comment, Bruntrutain et fier de l’être

Bernard Comment est le premier écrivain qui prête sa plume à Biro éditeur pour raconter sa région natale, l'Ajoie.

Originaire de Porrentruy, l'écrivain jurassien Bernard Comment, aujourd'hui établi à Paris, publie chez Biro éditeur son dernier livre «Entre deux, une enfance en Ajoie».

Un retour coquin et réfléchi sur un passé en culottes courtes où se croisent petite et grande histoire.

Et soudain Porrentruy devient une grande cité. Elle s’enfle des rumeurs de l’enfance, des voix du passé, du bouillonnement des rues, des sons de cloches, des mélodies de Sardou, des soupirs d’amour, du brouhaha des braderies, du bourdonnement des fontaines, très nombreuses dans cette ville du Jura qui compte à peine 7000 Bruntrutains.

Quoi? Bruntrutains? Oui, c’est cela, un mot qui semble sorti du fond des âges. On jurerait qu’il désigne une vague peuplade confinée quelque part dans une case d’Astérix.

Les fontaines de l’enfance

Et pourtant, les Bruntrutains sont bien Suisses. Ils tiennent leur nom de «Brunnen» qui signifie «fontaine» en allemand, nous explique le très Bruntrutain Bernard Comment auteur d’un délicieux livre publié chez Biro éditeur (Paris), sous ce titre: «Entre deux, une enfance en Ajoie».

L’enfance, c’est un sujet bateau, comme on dit dans le monde de l’édition, car on peut tout y mettre. Pourtant quelques écueils guettent. A vouloir trop questionner la mémoire, on peut la faire craquer sous le poids du pathétique. C’est ce que Bernard Comment évite astucieusement.

Ajuster le temps à sa fantaisie

Lui qui vient du pays de l’horlogerie sait ajuster le temps à sa fantaisie. Dans son livre, l’heure n’est pas à la nostalgie. Elle court dans tous les sens, comme son enfance, masse de souvenirs répartis selon un ordre non pas chronologique mais alphabétique. Et son alphabet n’est qu’un jeu pour brouiller les pistes.

Car si dans son livre les souvenirs avancent de A à Z, le temps, lui, ne suit aucune logique. Il épouse plutôt les méandres de la mémoire, traître, fidèle, capricieuse, répétitive.

Chaque lettre de l’alphabet réserve une surprise. On court donc voir sous «J» si le Jura y est. Oui, il y est mais c’est du journal éponyme qu’il s’agit. Le journal préféré du petit Bernard parce qu’il défend systématiquement le FC Porrentruy.

Des réalités modifiables

Et ce n’est que quelques pages plus loin que l’on tombe sur la «Question jurassienne» placée sous la lettre «Q». On y lit: «Dans une Suisse qui se perçoit le plus souvent comme un pays sans histoire (…), le fait de grandir dans un canton qui menait une lutte pour son indépendance était un signe distinctif, qui donnait conscience que les réalités sont modifiables (c’est le sens même de l’Histoire).»

Pas de dates ici. On devine néanmoins le tout début des années 70. La naissance du canton du Jura se profile, Mai 68 est juste derrière. Grande et petite histoire se croisent sans cesse dans le livre.

Un «Ajoyeux»

Les souvenirs de l’auteur s’adossent aux Franches-Montagnes, porte de l’Ajoie ouverte à tous les vents politiques. La France bouillonnante est à deux pas d’une Suisse plutôt placide où «la règle de concordance (…) ne favorise pas les empoignades et minore les rendez-vous de l’Histoire.»

D’autres rendez-vous, ceux-là plus habituels, sont pris avec le temps des loisirs: matchs de foot, rencontres amoureuses, randonnées, vacances… Le regard rétrospectif de l’auteur est abondamment illustré par des photos en noir et blanc, signées Jacques Bélat, un artiste originaire, lui aussi, du Jura.

«Originaires» est précisément le titre de la nouvelle collection que Biro éditeur inaugure avec «Entre deux, une enfance en Ajoie».

Cette collection donne carte blanche à un écrivain afin qu’il raconte sa région natale. Bernard Comment réussit l’exercice avec panache, lui l’Ajoulot qui aurait préféré être appelé «Ajoyeux».

swissinfo, Ghania Adamo

«Entre deux, une enfance en Ajoie», Biro éditeur (Paris), collection Originaires, 157 pages

Ecrivain suisse né en 1960 à Porrentruy, fils du peintre Jean-François Comment.

Il suit une formation littéraire auprès de Jean Starobinski à Genève, puis à Paris auprès de Roland Barthes.

En 1986, il s’installe en Toscane où pendant quatre ans il enseigne à l’Université de Pise et travaille comme journaliste sportif.

Etabli à Paris par la suite, il publie en 1990 son premier roman «L’ombre de la mémoire». D’autres livres suivront, dont notamment «Allées et venues», «Le Colloque des bustes», «Un poisson hors de l’eau».

Il est également scénariste et essayiste et dirige atuellement la collection «Fiction & Cie» aux éditions du Seuil.

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