Genève célèbre sa fête «nationale»

En Suisse, le canton de Genève fait figure de cas particulier. Une spécificité qu'il cultive, chaque année, dans la fête de l'Escalade.
Cette célébration «nationaliste» permet d’assurer la cohésion de la ville en dépit de sa diversité.
Cette semaine, les Genevois commémorent le 400ème anniversaire de leur victoire sur les troupes du duc de Savoie, Charles-Emmanuel 1er.
Cette édition de la fête de l’Escalade fait donc l’objet de réjouissances toutes particulières. Cette célébration a d’ailleurs démarré cet été avec un spectacle son et lumière.
Baptisé «Sur les ailes du temps», ce show a permis de faire revivre cette fameuse nuit du 11 au 12 décembre 1602 durant laquelle 2000 mercenaires – Espagnols et Napolitains dans leur majorité – tentèrent d’envahir la petite république protestante.
Une invasion gaillardement repoussée par la population entière de la ville et racontée assez crûment dans le «Cé qu’è lainô», un chant en patois franco-provençal que les Genevois entonnent chaque année.
Une fête unique en son genre
Comme le précise le député et historien genevois Bernard Lescaze, cette célébration a quelque chose d’unique en Suisse. «C’est sans doute la seule fête populaire locale qui repose sur un événement historique avéré», affirme le député radical.
En outre sa célébration est ancienne. «Dès 1603, le gouvernement de l’époque a offert un repas aux blessés de l’Escalade et des petits cadeaux les années suivantes tel que le droit de bourgeoisie», raconte l’historien.
De fait, l’escalade n’a été officiellement interdite qu’à deux périodes. «Entre 1782 et 1789, rappelle l’historien, quand un gouvernement genevois particulièrement réactionnaire s’appuyait pour rester au pouvoir sur des troupes françaises, bernoises et sardes».
La seconde interdiction de la célébration patriotique fut promulguée durant l’occupation française de la République genevoise, entre 1798 et 1813.
Une fête à géométrie variable
Mais, la forme et l’intensité de cette commémoration ont varié avec le temps. La version actuelle de l’Escalade remonte au début du 20ème siècle.
«Il y a eu une renaissance folklorique dans les années 1920», précise Bernard Lescaze. La compagnie 1602 – maître d’œuvre des festivités de l’Escalade – apparaît ainsi en 1926.
A l’origine au moins, cette société est composée de Genevois de souche issus des milieux de droite. «Cela répond avant tout à l’afflux de Confédérés venu s’installer à Genève et à l’internationalisation de Genève avec l’arrivée de la Société des Nations, l’ancêtre de l’ONU», estime le député radical.
Reste que ce sursaut patriotique coïncide également avec une période de forte agitation sociale et l’élection en 1933 au gouvernement cantonal du socialiste vaudois Léon Nicole.
Quoi qu’il en soit, les vertus unificatrices et identitaires de l’Escalade ne semblent plus contestées aujourd’hui.
Une subversion avortée
Il y a quelques années, une poignée de gauchistes et d’artistes s’étaient bien mis en tête d’abolir cette commémoration guerrière et d’y substituer la célébration de la Révolution genevoise (1789-1794). Mais ce coup d’Etat festif a échoué.
Pourtant, la Révolution genevoise (que l’historiographie locale a longtemps ignorée) a tout de même laissé une trace notable au cœur même des festivités de l’Escalade.
Comme le rappelle l’historien Eric Golay, la chansonnette qu’entonnent chaque année les écoliers genevois dans les rues de leur ville – «Ah! La belle Escalade» – remonte à 1793.
«Et sa mélodie, souligne Eric Golay, reprend celle de la Carmagnole, la fameuse chanson des révolutionnaires français».
swissinfo/Frédéric Burnand à Genève

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