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Gilles Jobin invite le firmament sur scène

Les constellations, entre interactions et affinités. Grégory Batardon

Dans «Spider Galaxies», le chorégraphe romand Gilles Jobin invite le firmament sur terre. Les étoiles et les humains y forment des constellations qui se font et se défont au gré des affinités. Son spectacle présenté à Genève entame bientôt une tournée internationale. Magique.

Que connaît-on des galaxies? Difficile de répondre à la question, à moins d’être un astrophysicien, et encore… Les astrophysiciens détiennent-ils, en la matière, toutes les réponses? Les voix du ciel étant impénétrables, mieux vaut donc les imaginer. C’est ce que font les scientifiques, qui tentent de tracer des voies dans la voûte céleste laissant l’humanité rêver devant une Voie lactée et autres figures stellaires.

C’est ce que fait, à sa manière, Gilles Jobin dans Spider Galaxies. Mais comme Jobin n’est pas un scientifique, il préfère inviter le firmament sur terre. En tant que magicien de la scène, il peut se le permettre. Voici donc sa «galaxie» suggérée par quatre danseurs étoiles. Deux hommes et deux femmes au sommet de leur art.  Au sommet du ciel que le chorégraphe tutoie avec une aisance sidérante, suggérant d’entrée de jeu une Grande Ourse. Autant dire une constellation formée par des rayons laser qui lèchent le corps des danseurs, donnant à ces derniers l’éclat des astres.  Des astres qui bougent dans une semi-obscurité.

Au gré des interactions

De mouvement, il  sera d’ailleurs beaucoup question dans Spider Galaxies.  Car ici l’espace galactique se modifie de scène en scène. Les constellations se font et se défont au gré des interactions et… des affinités. Chaque danseur est une étoile, mais il est aussi un être humain qui a, ou n’a pas, d’atomes crochus avec son voisin. Gilles Jobin joue brillamment sur cette double notion de fusion et de scission, appréhendée d’un point de vue scientifique et psychologique.

Des êtres s’aiment, se mettent ensemble, se disputent se séparent, se retrouvent… Les rapports humains sont ici érotisés, des couples se forment et se déforment sur scène, suivant la logique des corps qui peuvent, ou non, s’associer chimiquement avec d’autres. C’est ce que racontait à sa manière le Français Michel Houellebecq dans «Les particules élémentaires», célèbre roman sur la réunion des atomes et des êtres, auquel on ne cesse de penser dans «Spider Galaxies».

Il faut dire que la pièce se prête à plusieurs lectures. Un quotidien romand y a vu une allusion à l’explosion nucléaire de Fukushima. Cette interprétation n’a pas plu à Gilles Jobin, qui  confie: «C’était la Première de mon spectacle, juste après l’accident au Japon. Je pense que les esprits étaient conditionnés par la tragédie. Ceci dit, limiter Spider Galaxies au phénomène de fission nucléaire, comme il a été écrit, est réducteur. En fait, ce que j’ai cherché à créer, ce sont des générateurs de mouvements, comme dans la musique électronique».

Visite au CERN

A ses danseurs, le chorégraphe a soumis quelque 600 photos d’actualité ou anciennes, qui reproduisent pour la plupart un quotidien ordinaire. Ce fut une source d’inspiration pour les interprètes qui ont construit leur petit espace de vie au sein du grand espace qu’est l’Univers. Pour en savoir davantage sur ce dernier, Jobin a emmené toute son équipe au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), près de Genève.

Là, musiciens et danseurs ont rencontré des physiciens. «C’était une visite passionnante et enrichissante. Ces hommes vont chercher tellement loin dans la vie de l’Univers que l’on ne peut que rester ébahi devant leur travail», lâche le chorégraphe qui est sans doute l’un des rares créateurs à faire dialoguer sciences et art.

Sciences de la communication dans Text to speech (2008) où il stigmatisait les médias modernes qui tissent avec l’information un réseau de mensonges. Sciences électroniques dans Steak House (2005), parodie d’une communauté, la nôtre, mangeuse d’hommes, car constamment interconnectée, peu soucieuse des espaces de liberté.

Tournée internationale

Spider Galaxies est promis à une belle tournée internationale. Après sa création à Annecy, en France, en mars, le spectacle a été présenté à Lausanne. Il est actuellement à l’affiche de l’ADC, à Genève, et s’envolera pour le Liban fin avril. Une halte était prévue à Damas (Syrie). Elle fut annulée en raison des événements.

D’autres pays accueilleront le spectacle de Jobin, dont le Pérou (en juin) et l’Italie (en septembre). Là-bas, le ciel sera plus dégagé.

Spider Galaxies: chorégraphie de Gilles Jobin, avec Susana Panadeés Diaz, Isabelle Rigat, Louis- Clément  da Costa, Martin Roehrich.

Musique: Carla Scaletti et Christian Vogel

 

Genève: à voir à l’ADC jusqu’au 17 avril.

 

Delémont: 20 mai au Festival Evidance

 

Dates internationales

 

Liban: 30 avril, Beyrouth

 

France: 14 juin, Lille

 

Pérou: 23 au 25 juin, Lima

 

Italie: 25 septembre, Gallarate

Il est le fils du peintre jurassien Arthur Jobin.

De renommée internationale, il signe des pièces qui lui assurent l’engouement de la critique et du public.

Affirmant une écriture chorégraphique hors des cadres esthétiques établis, il s’impose depuis plus de dix ans comme chef de file des chorégraphes suisses indépendants.

Outre ses propres productions, Gilles Jobin a fait de sa compagnie et des studios 44 un lieu pionnier pour la formation professionnelle du danseur, la reconnaissance de la danse contemporaine en Suisse et la stimulation des échanges internationaux à travers de nombreuses initiatives.

Parmi ses créations, citons  les plus récentes: Le chaînon manquant- The Missing Link, Black Swan, Text to speech, Double deux, Steak House…

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