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«Je continuerai à mettre en valeur les voix singulières»

Caroline Coutau succède à Marlyse Pietri à la tête des éditions Zoé. Yvonne Böhler

Depuis le 1er février, Caroline Coutau dirige les éditions Zoé. Elle succède ainsi à Marlyse Pietri qui créa il y a 36 ans l’ambitieuse maison genevoise. Rencontre avec une jeune femme gourmande de livres qui défend ses choix littéraires passionnément.

Elle est mince, Caroline Coutau. Et pourtant qu’est-ce qu’elle dévore! Des livres et des livres, par dizaines, par centaines. En voilà un qu’elle va chercher tout en haut d’une pile qui tutoie le ciel. On croit qu’elle n’y arrivera pas. Mais comme elle est également grande, ça ne lui pose aucun problème de toucher le ciel des livres.

Elle ouvre donc l’ouvrage, en lit quelques lignes, puis nous le tend: «Vous verrez, c’est inattendu». La lecture, on la fera plus tard. Car l’heure est à l’entretien qui se fait dans ce bureau de la rue des Moraines, à Carouge, où Zoé a depuis longtemps installé ses quartiers.

swissinfo.ch: Vous avez été l’adjointe de Marlyse Pietri durant 3 ans. Elle vous cède sa place avec la joie «de n’avoir jamais eu le moindre différend littéraire avec vous», dit-elle.  Allez-vous néanmoins apporté votre touche personnelle à Zoé?

Caroline Coutau: Oui, certainement. Entre Marlyse et moi il y a une génération et donc forcément des attirances et des références culturelles différentes. Ceci dit, nous aimons toutes les deux la belle écriture et rejetons de la même manière les fausses notes et les «choses» artificielles. C’est la raison pour laquelle on s’entend très bien. Je suis admirative de son expérience, elle continuera à m’aider d’ailleurs. Ceci dit, elle reste curieuse de mes goûts.  Elle sait, par exemple, que ce sont les voix et les imaginaires singuliers qui s’expriment hors de toute pose et de toute mode qui m’intéressent. Je souhaite mettre  ces voix en valeur. Et je pense que la littérature suisse répond tout à fait à ce que je recherche.

swissinfo.ch: Un nom d’auteur?

C.C.: Je ne vous en citerai aucun pour ne pas déclencher des drames humains. Je peux vous parler, en revanche, d’un auteur étranger, le Zimbabwéen Brian Chikwava qui vit à Londres. Nous venons de publier dans une traduction française son premier roman «Harare Nord». C’est l’histoire d’un migrant qui débarque en Angleterre. L’écriture est ici le reflet de l’environnement de l’auteur et le résultat de ce qu’il a traversé. Elle rassemble, de manière à la fois concrète et poétique, plusieurs univers, plusieurs cultures. C’est exactement le genre de livres que j’aime et c’est ce qui plaît aussi en France où d’ailleurs nous avons fait connaître Brian Chikwava. La presse parisienne a été dithyrambique à cet égard.  Je peux vous assurer que ce genre de succès me porte et me donne une énergie folle.

swissinfo.ch: Restons un peu dans le domaine étranger. Marlyse Pietri dit vouloir continuer à s’occuper des auteurs germanophones. Et vous-même, alors?

C.C.: Je m’occuperai de notre collection anglophone «écrits d’ailleurs» dans laquelle nous publions des écrivains du Commonwealth et pour laquelle je m’investis énormément. J’aime beaucoup ce frottement de deux cultures -qui est au fond le principe de cette collection. Un auteur qui vient d’Afrique ou des Caraïbes, dont une partie du parcours s’est faite en Occident, ne peut, à mes yeux, qu’être riche en vies intérieures.

swissinfo.ch: Et pour ce qui est du domaine suisse ?

C.C.: Il est clair que je ne vais pas lâcher les Romands auxquels je crois. Ceci dit, je m’entends très bien avec tous les auteurs de notre catalogue, qu’ils soient d’ici ou d’outre-Sarine. J’aime chez eux cette attention aux détails, cet esprit fin et élégant que l’on retrouve dans beaucoup de romans publiés chez Zoé.

swissinfo.ch: Lors d’une conférence de presse il y a 3 semaines, Marlyse Pietri annonçait la numérisation du catalogue Zoé. La tâche vous incombe. En quoi va-t-elle consister précisément?

C.C .: Pour faire simple, je dirais qu’il s’agit de transformer en livres électroniques des œuvres publiées sur papier. Nous n’allons pas numériser les 700 titres de notre catalogue, c’est presque impensable. Nous nous limiterons donc à 150 ouvrages: ceux qui font l’identité des éditions Zoé, ceux qui sont épuisés et trop chers à réimprimer et, enfin, ceux dont la parution est très récente. C’est, si vous voulez, un choix de bon sens, qui englobe auteurs suisses et étrangers.

swissinfo.ch: Ces livres électroniques seront-ils accessibles aux lecteurs des bibliothèques romandes?

C.C.: Le problème, c’est qu’en Suisse romande, les bibliothèques (hormis la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne) ne sont pas au point à ce niveau-là. Nous entreprenons donc des démarches pour que nos ouvrages numérisés soient mis à la disposition de la BnF (Bibliothèque nationale de France), à Paris, pour consultation.

swissinfo.ch: Google a déjà proposé à plusieurs éditeurs français de commercialiser leurs titres numérisés. Accepteriez-vous éventuellement qu’il le fasse pour vous?

C.C.: Jamais, car Google ne respecte pas la chaîne du livre. C’est-à-dire qu’il propose directement à l’internaute de lui vendre un ouvrage. Google n’a pas de diffuseur. Pire, il ne passe pas par les libraires indépendants. Or pour nous, ces derniers sont indispensables. Non seulement nous les aimons, mais nous voulons qu’ils vivent et qu’ils demeurent un relais entre nous et le lecteur. Il est donc important que ce soient eux qui commercialisent nos publications.

swissinfo.ch: En Suisse romande, les libraires indépendants souhaitent l’adoption d’une loi sur le prix unique du livre. Vous battrez-vous à leurs côtés?

C.C.: Bien sûr, il y a d’ailleurs de fortes chances que cette loi, jusqu’ici objet de polémique, passe en Suisse romande au printemps prochain. S’il devait en être autrement, les libraires et les éditeurs seraient de plus en plus obligés de produire du «best seller» pour faire face aux grandes chaînes, type FNAC. Vous vous rendez compte ! Ce serait la mort de la diversité et le règne de «l’uniformisation» littéraire.

Après des études de lettres à l’Université de Genève, elle devient journaliste.

Elle entre au «Journal de Genève» comme critique de danse.

Plus tard, elle apprend le métier d’éditrice chez «Labor et Fides», à Genève, où elle dirige une collection.

Elle a également travaillé aux éditions Noir sur Blanc.

Sa vie de famille la mène à New-York, Madrid et Jérusalem.

Dans chacune de ces villes, elle vit une année.

Depuis 2008, elle travaille pour les Editions Zoé.

Elle en assure la direction depuis le 1er février 2011.

1975: création à Carouge (Genève) par, Marlyse Pietri, rejointe l’année suivante par Michèle Fleury-Zurcher, Sabina Engel et Arlette Avidor.

1982: départ de ces trois dernières. Michèle Fleury-Zurcher a ensuite travaillé comme historienne pour le Rapport Bergier sur «La Suisse et la 2e guerre mondiale»; Sabina Engel travaille sur le Fonds photographique Nicolas Bouvier à la Bibliothèque de Genève; Arlette Avidor est restée dans l’édition.

1992: trouve une diffusion en France via Harmonia Mundi.

2009: Prix Femina étranger pour «Maurice à la poule» de Matthias Zschokke.

1er février 2011: Marlyse Pietri, 70 ans, cède la direction à Caroline Coutau mais continue de s’occuper du domaine allemand et d’auteurs de langue française qu’elle publie depuis longtemps.

700 titres. Le catalogue compte aujourd’hui 700 titres: romans et récits d’écrivains de Suisse romande et allemande (en traduction), dont Catherine Lovey, Blaise Hoffmann, Michel Layaz, Matthias Zschokke, Robert Walser ou Jean-Marc Lovay. Mais aussi découverte d’écrivains étrangers, des livres de poches et une collection de petits livres au format de cartes postales (79 titres pour connaître la littérature suisse).

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