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Joe Dante le fantastique se fait un festival à Neuchâtel

Joe Dante est à Neuchâtel, en tant que président du jury de la compétition internationale. David Marchon

Dans l'esprit du public, Joe Dante est surtout le papa des «Gremlins». Il s'inscrira désormais dans la mémoire du Festival du film fantastique de Neuchâtel en tant que président du jury de la compétition internationale. Interview.

Joe Dante a décroché la timbale au box-office en 1984, avec ses «Gremlins». De mignonnes petites bestioles susceptibles de se transformer en monstres aux dents acérées pour peu que l’on néglige deux ou trois précautions…

Puis quelques échecs commerciaux successifs ont contribué à marginaliser ce cinéaste, il est vrai un rien plus subversif que maints faiseurs de blockbusters hollywoodiens. Rencontré hier sur une terrasse ensoleillée, Mister President laisse poindre, ici ou là, quelques piques de son esprit caustique.

Joe Dante, votre appétit pour les films d’horreur remonte à votre enfance. Un attrait que vous vous expliquez?

Joe Dante: C’est exact, j’aimais déjà ça quand j’étais petit. Je pense que, pour la plupart des enfants, les films de Walt Disney constituent une première incursion dans l’horreur. Les grands classiques de ce studio contiennent des scènes très effrayantes. «Blanche-Neige» ou «Pinocchio», avec une scène de transformation en âne parmi les plus terrifiantes qui soient, ont été des expériences marquantes pour ma génération.

Pourriez-vous concevoir un film d’horreur politiquement correct?

J.D.: La plupart des films d’horreur sont subversifs par nature, leur grammaire transgressive s’exerce toujours à l’encontre des conventions et du bon goût, il n’est même pas besoin d’essayer de les rendre tels.

Certains de vos films sont en lien avec l’enfance…

J.D.: Il y a beaucoup d’enfants dans mes films, c’est vrai, mais ce n’est pas toujours délibéré. J’apprécie l’innocence, la naïveté, la faculté des enfants de croire en des choses irréelles. C’est précisément ce que les films fantastiques demandent au spectateur.

Dans les années 1990, les majors ont refusé plusieurs de vos projets, «La momie» par exemple. La conséquence de vos échecs ou de votre indépendance d’esprit?

J.D.: L’histoire de «La momie» est intéressante. Le scénario développé par John Sayles se situait de nos jours. Les studios l’ont refusé car ils voulaient un film d’époque, comme l’original était supposé l’être. Or la première «Momie», tournée en 1932, était située en… 1932, elle n’avait rien d’un film historique! Autre exemple: «The Phantom» a été annulé trois semaines avant le tournage, alors que toute l’équipe se trouvait déjà en Australie et a dû être rapatriée. Un an plus tard, les studios ont tourné le même scénario, sans réaliser qu’il s’agissait d’une parodie, et le film n’a pas du tout marché!

Comment vous sentez-vous dans votre statut de cinéaste marginal, dans ces relations d’amour-haine avec l’industrie hollywoodienne?

J.D.: Cette relation ne me pose aucun problème, je suis très heureux de ma situation! (rires)

D’aucuns considèrent que «Matinee» («Panique sur Florida Beach»), un hommage à la série B, est votre meilleur film…Comment le jugez-vous vous-même?

J.D.: Je dirais plutôt que c’est l’un de mes films les plus personnels, et j’en suis fier bien sûr.

Vous avez inscrit deux films dans la série des «Masters of Horror» que son producteur, Mick Garris, considère comme l’un des derniers espaces de liberté pour les cinéastes tels que vous…

J.D.: Oui, la série n’existe pas pour faire de l’argent, elle n’exerce aucune censure. c’est son credo. Pour ma part, j’ai tourné en dix jours, au Canada, dans des conditions qui, déjà, exigent que vous soyez créatifs. Ces tournages échappent au processus habituel, il n’y a pas d’intermédiaires entre ce que vous imaginez et la réalisation.

Tourné pour la télévision, «The Second Civil War» pose un regard plutôt acerbe sur les Etats-Unis. A quelques mois des élections, pensez-vous que Barack Obama incarne l’espoir d’un vrai changement?

J.D.: Ce film était assez prophétique! Je dirais que si Genghis Khan se présentait, il représenterait un espoir pour les Etats-Unis!

Vous avez un projet de nouveau film, «Bat out of Hell». Où en est le processus?

J.D.: (Rire légèrement sardonique). Il n’a pas encore démarré, je dois trouver de l’argent! C’est un film indépendant, mais je n’en dirai pas plus, pour ne pas lui jeter un mauvais sort.

swissinfo, interview: Dominique Bosshard/L’Express

Né en 1946 à Morristown dans le New Jersey.

Etudes au Philadelphia College of Art. Débute comme critique cinéma et travaille parallèlement au montage de divers films de série B.

Réalise son premier long-métrage, Piranha, en 1978. Remarqué par Steven Spielberg, il tournera pour lui un épisode du film La Quatrième Dimension (1983).

Filmographie (sélection):

Piranha (1978)
Hurlements (1981)
Gremlins (1983)
Explorers (1985)
L’Aventure Intérieure (1987)
The Burbs (1989)
Gremlins 2 (1990)
Panique sur Florida Beach (1993)
Small Soldiers (1998)
Looney Tunes: Back in Action (2003)
Bat Out of Hell (sortie prévue 2009)

Cinq compétitions (internationale, asiatique, courts métrages européens, courts métrages suisses, vidéo-art)

Trois rétrospectives («Profondo Giallo, the Golden Age of Italian Thriller and Horror», «Nakagawa Bobuo, le pionnier du fantastique japonais», et «Spain, Land of Fright»

Différentes projections spéciales

Un programme quotidien en plein air

Diverses conférences

Un symposium de deux jours (‘Imaging the future’) consacré aux liaisons entre arts visuelles et nouvelles technologies (2-3 juillet), avec, en collaboration avec la Maison d’Ailleurs à Yverdon-les-Bains, une exposition intitulée «Swiss Design in Hollywood».

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