Klee, en attendant Klee
Le Musée des Beaux-Arts de Berne propose un nouvel accrochage de sa très riche collection Paul Klee. En attendant l'ouverture du Centre Paul Klee, en 2005.
Berne est la ville qui abrite le plus d’œuvres de Paul Klee, né en 1879 non loin de là, à Munchenbuchsee, et décédé à Locarno en 1940. Entre ces deux dates, une longue période allemande. Klee s’installe en effet dès 1906 à Munich, où il côtoie les peintres du «Blaue Reiter», puis enseigne dès 1920 dans le cadre du «Bauhaus» (à Weimar, puis Dessau).
Il reviendra à Berne en 1933, après l’annulation par les nazis de son contrat d’enseignement aux Beaux-Arts de Düsseldorf.
En 2005, le Centre culturel Paul Klee, dessiné par l’architecte Renzo Piano, ouvrira ses portes dans le quartier de Schöngrün, à Berne. Ce nouveau lieu deviendra l’institution centrale pour tout ce qui concerne «la présentation, la transmission et l’étude de l’œuvre de Paul Klee». En attendant cet événement, le Musée des Beaux-Arts de Berne propose un nouvel et vaste accrochage, construit sur sa propre collection et différentes collections bernoises.
Un avant-goût
«Une sorte d’avant-goût des collections encore plus vastes qu’il y aura là-bas», explique Christine Hopfengart, conservatrice de la Fondation Paul Klee et responsable artistique du futur centre.
Mais quel genre d’avant-goût? «Dans cette exposition figurent des œuvres qu’on n’a pas ou peu montrées jusque là, qui permettent de se refaire une idée sur Paul Klee. Elles apportent de nouveaux éléments sur sa vie et son œuvre, et c’est ce qui sera ensuite approfondi dans les expositions du futur Centre culturel Paul Klee.»
Une sorte de répétition générale? Plutôt un «atelier», selon l’expression de Christine Hopfengart. L’exposition du Kunstmuseum propose 170 œuvres environ, réparties en onze salles, qui jouent à la fois de critères chronologiques et thématiques: de «Klee à Berne» (ses premiers travaux) aux «Œuvres des dernières années» en passant notamment par ses eaux-fortes, la période munichoise, le Bauhaus, «Le langage de la géométrie» et le style pointilliste.
«Klee était un artiste pluraliste, avec toute une palette de caractères différents, on ne peut donc pas le fixer sous un seul angle. Une exposition uniquement thématique ou uniquement chronologique n’aurait pas tenu compte de cette multiplicité», précise Christine Hopfengart.
Qui est Klee?
«Klee n’a jamais eu un style véritablement à lui», lâche la conservatrice au cours de la visite. «Il était protéiforme. Il a changé de technique, de manière… On ne peut pas le résumer à un style particulier, comme Matisse par exemple.» C’est effectivement ce qui frappe en embrassant ainsi, en une seule exposition, toute sa trajectoire picturale.
Au-delà de cette diversité, qui était donc Klee? Pour Christine Hopfengart, «Klee est un artiste qui a expérimenté pendant toute sa vie, en variant son expression artistique, qui a toujours pensé plus loin. Il est un poète, un théoricien, un artiste technicien, qui a toujours travaillé de façon pluraliste.»
Toute autre réponse chez Waldemar Janusczak, critique d’art au «Sunday Times»: «Je ne peux m’empêcher de penser que le destin de Klee était derrière un bureau de fonctionnaire. Que ses rêves étaient petits, ses manières proprettes, qu’il était sentimental à outrance et aussi craintif qu’une souris – ce qui n’est pas l’idéal pour un grand artiste» (cité dans l’Hebdo du 7 février, à propos de l’exposition que présente actuellement la Hayward Gallery, à Londres).
Le propos de Janusczak est extrême bien sûr, outrancier sans doute. Pourtant, on peut se demander si l’expérimentation aussi permanente que méticuleuse qui caractérise Klee ne relève non pas du fonctionnaire, mais plutôt du scientifique que de l’artiste.
Pas d’élan, de chair, ni de lyrisme chez le peintre bernois. Mais effectivement, un travail de recherche, où la réflexion semble souvent dominer l’émotion. Alors les couleurs deviennent équation, et le mouvement géométrie.
Pourtant, comme en témoigne les T-shirts, cravates et autres assiettes présentés dans une salle du Kunstmuseum, le grand public s’est épris de certains motifs de Klee, et de leurs «jolies» couleurs… Eh oui, la projection graphique d’une formule algébrique peut être belle – même si ce n’est pas sa finalité première.
Bernard Léchot
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