La mort du Comte de Rossinière

Balthus s'apprêtait à fêter son 93ème anniversaire. Keystone Archive

Le peintre Balthus, né comte Balthazar Klossowski de Rola, en 1908 à Paris, s'est éteint dimanche dans son vaste chalet de Rossinière, près de Château d'Oex. Emotion et réactions.

«L’un des artistes les plus éminents du XXème siècle… une personnalité profonde, singulière et subtile, détestant par dessus tout la banalité», a dit le Président français Jacques Chirac dans un communiqué diffusé dimanche par l’Elysée.

Pour le conservateur des Musées d’Art et d’Histoire de Genève, Caesar Menz, Balthus «était dans une certaine tradition des primitifs italiens mais beaucoup d’éléments de sa peinture nous concernent encore.»

Quant au célèbre linguiste et historien genevois Jean Starobinski, il estime que Balthus «transcende l’évolution contemporaine avec des souvenirs de la grande tradition picturale. Il n’a pas eu de phase surréaliste, mais une profonde convergence vers le réel humain».

Cette persistance de l’humain et du figuratif dans l’oeuvre de Balthus a sans doute largement contribué à sa popularité. Elle a par contre dérangé les tenants du non-figuratif et du destructuré, qui voyaient en lui un artiste du passé.

Inlassablement, méprisant les chapelles de la modernité, Balthus aura continué de s’intéresser au réel, et à sa double richesse: le montré et le caché. Les toiles de Balthus sont toujours multiples, puisque le symbolisme – sinon l’ésotérisme qu’elles recèlent, renvoient toujours à une part de non-dit.

Balthus est décédé dix jours avant son 93e anniversaire. Sa vie aura été extrêmement liée au petit monde helvétique. Enfant, il a vécu à Genève, puis à Berne. Pendant la 2e Guerre Mondiale, il s’installera quelques temps à Genève.

Mais c’est évidemment à Rossinière, petit village du Pays d’En-Haut, dans le Canton de Vaud, que l’artiste scellera son destin à la Suisse. En 1977, quittant son poste de directeur de la Villa Médicis à Rome, il vient s’installer dans le «Grand Chalet», superbe bâtisse aux 113 fenêtres, construite en 1754.

Rossinière a vu ainsi débarquer bon nombre de touristes amateurs d’art, avides d’entrevoir la maison du Maître. Et plusieurs représentants du bottin mondain sont passés par là, qui entretenaient une relation privilégiée avec le peintre: ainsi Bono, le chanteur de U2.

Alors que Balthus aura été l’un des rares artistes à se voir exposé au Louvre de son vivant, la Fondation Balthus espère pouvoir créer un Musée à sa mémoire dans le petit village vaudois: «C’est l’endroit où il aura finalement vécu le plus longtemps de son existence», explique le secrétaire Cyril Piguet.

Bernard Léchot