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La Suisse et la Chine se rapprochent par le jazz

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Le groupe musical helvético-sino-américain «Sonic calligraphy» est en tournée en Chine en septembre, sous l'égide de Pro Helvetia. Sa grande force et de concilier les traditions musicales chinoise et occidentale pour établir un dialogue culturel tout à fait enrichissant.

Un poème scandé à la façon de l’opéra de Pékin, les accords complexes d’un piano de jazz, les micro-tons d’une cithare chinoise, le scat et les gloussements d’une chanteuse en furie, les facéties d’un percussionnistes qui tape sur tout ce qui bouge … les musiciens de Sonic Calligraphy offrent un programme d’une rare intensité, alliant humour, talent, originalité et goût du risque.

«C’est un miracle, c’est magique!» Ainsi s’exprime Willy Kotoun, le percussionniste, lorsqu’il évoque la cohésion du groupe. «Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a quelques jours, nous avons improvisé ensemble, tout de suite, j’ai su que la sauce prendrait. Je ne sais pas pourquoi, mais nous sommes faits pour nous entendre».

A la croisée de deux mondes

La naissance du projet «Sonic Calligraphy» remonte à plus de 15 ans. A l’époque, le pianiste zurichois Adrian Frey et la chanteuse américaine d’origine chinoise Peggy Chew – vivant en Suisse – s’étaient associés pour enrichir le grand livre des standards du jazz américain de quelques inflexions extrême-orientales, inspirées des mélodies chinoises. Après toute une série de concerts et tournées en Suisse, en Chine et aux Etats-Unis, le duo devenait trio en intégrant Willy Kotoun.

Mais pour sa tournée chinoise de cette année, le groupe s’est transformé en quintet, en intégrant deux musiciens chinois hors normes: le chanteur prodige Coco Zhao, et la virtuose du guqin Wu Na. Le guqin, c’est cette cithare à 7 cordes, instrument traditionnel par excellence, l’expression même de l’univers musical chinois. En duo avec le piano d’Adrian Frey, ce sont deux mondes qui s’entrechoquent.

Coco Zhao, lui, passe pour le meilleur chanteur de jazz de Chine. Voici plus de dix ans qu’il anime les nuits musicales de Shanghai. «Il a un sens du rythme et du mouvement extraordinaires, c’est un musicien très complet, dit de lui Willy Kotoun. Il a eu l’intuition d’associer son amie Wu Na, en sachant qu’elle et son guqin sauraient s’intégrer au groupe.» Le résultat, c’est une musique qui fait la synthèse entre jazz américain, tradition chinoise, musique improvisée européenne, mais encore influences afro-cubaines.

C’est tout l’intérêt du groupe. Adrian Frey: «Je crois qu’il est bon qu’à côté des relations économiques que la Suisse et la Chine entretiennent, nous encouragions aussi la culture. Là, il s’agit de véritables échanges, pas seulement de la présentation d’une culture à l’autre et vice-versa.» Confirmation avec Peggy Chew: «Je crois que le public suisse comme le chinois ont beaucoup à apprendre de ce genre d’explorations. Nous marions deux cultures qui sont si différentes … quoi de mieux pour rapprocher les gens?»

Quel est l’apport des musiciens suisses dans ce projet? Willy Kotoun: «Le courage de la prise de risques, et la volonté de les surmonter. Intégrer les deux musiciens chinois, c’est prendre un risque important … ça nous pose des problèmes et nous sommes là pour les résoudre. C’est clair qu’au terme de cette tournée, nous rentrerons tous les cinq chez nous avec la tête pleine d’idées neuves. Je ne connaissais pas le monde musical de Wu Na, je veux le comprendre, je veux comprendre son rythme chinois.»

Concerts, enregistrements, ateliers

La tournée de Sonic Calligraphy prévoit une dizaine de concerts jusqu’au 27 septembre dans plusieurs grandes villes de Chine, dont Pékin, Shanghai, Guangzhou et Hong Kong. Au programme également, une série d’enregistrements, et un atelier donné voici quelques jours à Pékin devant un parterre d’enfants et d’étudiants.

Parmi ces derniers, Ma Yu, présidente de l’Association de guqin de l’Université des Communications à Pékin. «C’était pas mal du tout, j’ai vraiment aimé l’interaction entre les musiciens qui ont mené un véritable dialogue avec le guqin. Il n’y a pas de limites dans la musique, tout est permis avec le guqin, malgré la tradition et même si celle-ci se perd. Malheureusement, je crois que les enfants qui viennent d’assister à l’atelier se souviendront du blues, du piano, des percussions, et beaucoup moins du guqin.»

Tradition, modernité? Wu Na ne s’en préoccupe pas. «Je fais ce genre de musique parce que ça m’amuse, et c’est la liberté. C’est aussi une manière de faire connaître l’instrument et d’attirer l’attention des gens.» Cela dit, pour attirer l’attention, la palme revient au chanteur Coco Zhao, véritable liant dans le groupe, de par son attachement au jazz comme à la tradition.

«Il y a des jours où je vois la vie côté jazz, et d’autres où je suis attaché à la culture chinoise, j’essaie de trouver un équilibre, mais Sonic Calligraphy me permet en tous cas de combiner les deux influences. C’est un voyage musical à travers le monde.»

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

Bureau de liaison. En 2004, Pro Helvetia décide d’intensifier son action en Asie. Après avoir mis sur un pied un programme culturel au Japon et ouvert un bureau de liaison en Inde, elle renforce maintenant les liens culturels avec la Chine, où elle prévoit l’ouverture d’un bureau de liaison en 2010.

Vaste programme. L’objectif y est de développer des coopérations et coproductions qui puissent s’afficher aussi bien en Chine qu’en Suisse. Pro Helvetia entend se concentrer sur les domaines des arts électroniques, de la littérature et traduction, sur l’encouragement d’artistes chinois en Suisse et sur la comparaison et le soutien aux traditions.

Chanteuse de jazz américaine d’origine chinoise, Peggy Chew vit en Suisse, où elle enseigne aux écoles de jazz de Bâle et de Lucerne.

Pianiste et compositeur zurichois de formation classique, Adrian Frey se forme au jazz à Boston, puis au style afro-cubain à La Havane. Il se produit fréquemment en Suisse et à l’étranger, en solo, trio, septet et big band. Il enseigne à l’Académie de musique de Zurich.

Le Bernois Willy Kotoun étudie les percussions à La Havane et à Conakry (Guinée). Il enseigne aux écoles de jazz de Zurich et Lucerne.

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