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Montreux, 42ème édition: pincez-moi!

Leonard Cohen, l'un des phares du 42ème Montreux Jazz Festival.

Le Jazz Festival déroule une affiche aussi multiple que prestigieuse. Le MJF, le seul festival au monde qui, le même soir, peut se permettre un hommage à Quincy Jones et un autre à Nazareth!

«Alors que nous annonçons notre programme pour la quarante-deuxième fois, je ne peux m’empêcher de me pincer pour être sûr que je suis bien réveillé», écrit Claude Nobs, big boss et fondateur de la manifestation, dans l’avant-propos du programme.

Se pincer, il y a de quoi. En 16 jours, et quoi que revenu à une formule recentrée sur deux salles, le Montreux jazz Festival fait défiler la planète blues-rock-funk-brésil-reggae.

Et jazz aussi, un peu. Mais, à ce propos, Claude Nobs, face à la presse jeudi à Berne, ne se démonte plus. Depuis la venue de Ten Years After au festival il y a quarante ans, on lui reproche de ne plus faire un ‘festival de jazz’, dit-il. La critique ne fait donc plus mouche.

Cela d’autant moins que Nobs admet que pour lui, les grands du jazz se sont pour la plupart éclipsés: les Count Basie, les Dizzy Gillespie, les Ella Fitzgerald… En reste toutefois quelques-uns qui seront bel et bien à Montreux: par exemple Marcus Miller, Chick Corea, Al di Meola, Stanley Clarke, Lenny White (18 juillet). Ou Herbie Hancock – qui rencontrera Chaka Khan le 13 juillet.

Déferlante

Une fois accepté ce préambule, ne reste plus qu’à écarquiller les yeux tout grands devant cette déferlante musicale qui fera bientôt chavirer les deux salles du festival, l’Auditorium Stravinsky (la plus grande) et le Miles Davis Hall.

Formidable sélection folk-rock pour commencer… Leonard Cohen (8 juillet) est sans conteste l’un des événements de cette édition 2008, le poète canadien à la voix profonde n’ayant plus foulé de scène depuis fort longtemps. A tel point qu’il en éclipserait presque la venue de Joan Baez et KD Lang (6), de Paul Simon (8), ou, plus contemporaine et néanmoins musicalement cousine, la magnifique Katie Melua (17).

Rock pour toutes les générations, de Nazareth (14) ou Deep Purple en bouquet final (19) en passant par les Babyshambles et leur imprévisible leader Pete Doherty (15). Blues en pagaille avec Gary Moore, Otis Taylor, Buddy Guy, John Mayall (7), Robert Cray (9) ou Etta James (11).

Et il faudrait encore évoquer la venue d’Alicia Keys (17), d’Eddy Grant (16), d’Erykah Badu (4), du très rare Joe Jackson (5), de Gilberto Gil (12), de la Française Camille précédée de la jeune et remarquable Suissesse Sophie Hunger (6), mais on s’arrêtera là pour cause d’énumération fastidieuse. Un nom tout de même, encore, à souligner: Quincy Jones…

Honneur à Quincy

Quincy Jones qui fête cette année ses 75 ans d’existence, fidèle du festival dont il coproduisit même quelques éditions au début des années 90. Quincy Jones, qui, s’il sera fêté aux Etats-Unis, le sera plus encore à Montreux avec une liste d’invités longue comme le Lac Léman. L’événement aura lieu le 14 juillet, en présence du maestro.

«Quincy Jones est le dernier survivant, compositeur de jazz, de pop, de hip-hop, de musique de film, il a touché à tout avec un génie incomparable. Saisir l’occasion de lui rendre hommage nous a permis de partir sur un projet où tout à coup, j’ai été bombardé de demandes aussi différentes que celles de Nana Mouskouri, qui a enregistré avec Quincy il y a 30 ans, de Petula Clark, Chaka Khan, Joe Sample, sans parler des autres!» Par exemple Mick Hucknall, Curtis Stigers ou Al Jarreau!

A noter ce soir là la baguette du suisse Pepe Lienhard, grand orchestrateur de la soirée, aux commandes du «Swiss Army Big Band», cela ne s’invente pas. Un Pepe Lienhard fan inconditionnel de Quincy Jones depuis l’âge de 15 ans: «C’est l’influence la plus importante de ma vie», dit-il à swissinfo. Jouer face à lui, c’est «a dream come true», s’enflamme-t-il.

A vos portemonnaies!

Si l’on écarquille les yeux en découvrant la programmation de ce 42ème Montreux Jazz Festival, on les écarquille tout autant à la lecture des prix. Pour la salle principale, le prix des places démarre à 80 francs et s’envole… jusqu’à 380 francs! Pour le Miles Davis Hall, les prix s’échelonnent entre 65 et 180 francs.

Des prix excessifs? Pas pour Claude Nobs. «On est dans des limites normales… certains concerts dans des stades, en plein air, vont jusqu’à 250 francs», constate-t-il. Et il est vrai que des Rolling Stones à Mylène Farmer en passant par Johnny Hallyday, le prix des billets atteint des sommets.

«Si on présente des concerts accessibles autour des 100 francs, je pense que c’est tout à fait acceptable, car on les présente dans d’excellentes conditions, avec une acoustique fantastique», ajoute Claude Nobs.

Avant de mettre le poids sur ce qui, pour lui, constitue une dimension essentielle du MJF: «Surtout, il y a tout le reste, qui est gratuit: les montagnes et le lac, mais aussi les workshops, les concerts gratuits, les présentations d’archives en haute-définition. Si on prend le prix d’une soirée et qu’on le divise par le nombre d’heures de divertissement et de musique que l’on peut vivre pendant une journée, on arrive à un prix très bas!», conclut-il.

C’est vrai. Montreux, c’est une formidable qualité d’écoute des concerts payants et une quantité de découvertes parallèles (250 concerts et DJ gratuits). N’empêche… Pour ceux qui rêvent depuis toujours de voir Cohen entonner «Bird on the Wire», devoir débourser 140 francs (debout) ou entre 280 ou 350 francs (assis), le choc est dur.

Un choc qui est sans doute moins dû au festival en lui-même qu’à l’étonnante trajectoire néo-libérale qu’ont suivi les idoles – idéalistes et idéalisées – d’antan… y compris les poètes canadiens à tendance bouddhiste. Nous y reviendrons.

swissinfo, Bernard Léchot

Cette 42ème édition aura lieu du 4 au 19 juillet.

Au total, les deux scènes verront défiler près de 90 groupes.

Une trentaine de concerts sont des exclusivités suisses, dont ceux de Sheryl Crow, Joan Baez, The Raconteurs, Leonard Cohen et Madness, Gnarls Barkley et Travis, Etta James et les Babyshambles.

Maintes animations complètent la programmation, dont 250 concerts et DJ gratuits, des croisières sur le Léman et des voyages musicaux en train.

Les organisateurs disposent d’un budget de 18 millions.

Quelque 95’000 billets sont mis en vente depuis mercredi. L’édition précédente avait attiré 220’000 personnes.

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